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31 mars 2011

Coca-Cola sous la pression d'associations musulmanes



Tout commence il y a deux ans, par une rumeur insistante : le Coca-Cola contiendrait de l'alcool. Accusation farfelue mais immédiatement reprise par les sites musulmans, de forums en articles plus ou moins étayés. Associations et médias communautaires, dont le blog Al-Kanz, très en vogue, assaillent Coca-Cola France de questions. Et reçoivent une réponse standard : «Nos boissons sont reconnues comme non alcoolisées par les autorités gouvernementales de chaque pays.» Une missive qui laisse insatisfaits les plus intransigeants. La législation française considère en effet qu'une boisson est «sans alcool» lorsqu'elle en contient moins de 1,2 %. Qu'en est-il alors du fameux breuvage à la recette secrète ?
Après quelques hésitations, la direction de Coca-Cola France décide de faire appel à «l'organisme de certification de la mosquée de Paris», explique Philippe Marty le porte-parole de la firme. Celle-ci commande une analyse du Coca par un laboratoire indépendant. «Ensuite, nous avons garanti que Coca Cola était parfaitement sans alcool et donc halal», détaille le chef de la certification à la mosquée, Al Sid Cheikh, qui regrette de voir fleurir «beaucoup d'accusations sans aucun fondement religieux. C'est plutôt politique. Mais les sociétés s'inquiètent pour leur notoriété».
Appels au boycott sur le Net
Des listes de produits à boycotter circulent sur le Net, leurs fabricants se voyant accusés de financer l'État d'Israël ... Coca-Cola en fait partie. «Coca est haram ("interdit")», peut-on lire sur des forums, comme celui de Bladi.net où les injonctions comme «Boire Coca revient à encourager la politique de l'État terroriste d'Israël», alternent avec des messages de bon sens, certains s'insurgeant de voir le Coca haramisé parce que «déclaré juif».
Des familles entières «évitent le Coca par précaution» assure le secrétaire de l'Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis (UAM 93) qui a convié le PDG de Coca France, Christian Polge, à s'expliquer en juin dernier. L'intéressé s'est présenté à Drancy, espérant clore l'incident avec son certificat Halal. Mais il a dû justifier «la position de Coca-Cola dans le conflit au Moyen-Orient». Il a rappelé que Coca oeuvre à Ramallah, «où nous sommes l'un des plus gros employeurs».
Depuis, les gages donnés par l'entreprise semblent avoir calmé les rumeurs et l'UAM assure qu'elle ne prône pas le boycott mais juste la «transparence sur des sujets importants pour que les musulmans puissent former leur jugement».
D'autres marques subissent elles aussi la pression communautaire, entre requêtes sérieuses sur la composition et stigmatisations. Des milliers de SMS ont accusé en janvier McDonald's de reverser ses recettes du jeudi à l'État hébreu pour acheter des obus (sic !). Masterfood, le fabriquant des barres chocolatées Snickers et Bounty, a dû précipitamment démentir l'usage de graisse animale dans ses produits pour éviter la mise au ban. Tandis que médicaments, yaourts et cosmétiques précisent maintenant qu'ils ne contiennent ni alcool ni gélatine animale pour éviter la désaffection d'un public chaque jour plus soucieux de la norme religieuse.

Le Figaro
20 août 2009

29 mars 2011

Contre le lynchage des leaders communautaires juifs sur Internet … et ailleurs, par Bernard Musicant


Internet est un media extraordinaire, il permet de s’informer en temps réel et sur n’importe quoi ou n’importe qui.

C’est aussi hélas un outil qui permet de désinformer à l’échelle planétaire comme nous l’avons vu récemment pour la flottille de Gaza.

Mais je veux ici parler du dénigrement de grands militants de la Communauté qui n’ont pas les mêmes idées qu’une autre partie de la Communauté. Je ceux ici parler de Jcall, que j’ai condamné en son temps, mais surtout des attaques parfois indécentes et ordurières contre les signataires de cette pétition.

Ainsi, j’ai entendu des sifflets et des insultes contre BHL et Finkielkraut qui sont parmi les rares intellectuels à soutenir Israël envers et contre tout. Revoyez leurs discours du 22 Juin, lors du rassemblement pour Gilad Shalit et Israël. Les vidéos sont sur www.youtube.fr/user/criffrance.

Ces derniers jours, Richard Prasquier a réagi au « lynchage » heureusement verbal et écrit de Patrick Klugman, ancien président de l’UEJF, qui a « osé » lever des doutes sur l’opération de Tsahal du 31 Mai.

Il a ensuite publié un autre article dans lequel il revenait sur ses positions.

Sur mon mur Facebook, un débat a eu lieu, avec certains échanges à la limite de la décence.

Patrick, avec lequel j’ai déjà eu des divergences profondes, est et reste un ami, un militant, un combattant pour le Peuple Juif et pour Israël. Il a, selon certains, « le tort » d’être au PS et d’avoir appelé au soutien de JCALL.

Je publie ici un mail qu’il m’a envoyé et autorisé à diffuser.

" Bernard,

Je te remercie de prendre souvent et courageusement ma défense. Ce sont des choses qui sont rares et ne s’oublient pas.
Si cela peut te servir, je soumets à ta sagacité ces quelques réflexions issues des réactions de mes détracteurs tu poster dans les commentaires sous ton article sur Prasquier:
- est-ce pour plaire à mes amis du PS que j’ai refusé avec une poignée d’autres dont Karen Taieb, de voter le 8 juin dernier un vœu scandaleux au Conseil de Paris sur la Flottille portant soumis au vote par le PS ?
- mes détracteurs savent-ils que j’ai plaidé et fait condamner la Tribu Ka, Dieudonné (à trois reprises), Siné qui ne sont pas franchement connus pour être des membres de l’UMP ni de grands amis d’Israël.
- Ont-ils oublié que j’ai organisé le seul voyage d’étudiants en Israël au mois de mars 2002, lorsque le pays était la cible d’attentas meurtriers quasiment chaque jour ; que j’ai fait échoué au mois de janvier 2003, la campagne de boycott contre les universités israéliennes initiée à Paris VI ; que j’ai organisé avec SOS RACISME en 2004, la première marche contre l’antisémitisme qui n’était pas issue de la communauté juive ?
- Sans doute est-ce par arrivisme que j’ai publiquement soutenu qu’il fallait rejuger les assassins d’Ilan Halimi, quand la gauche et l’opinion étaient contre (Le Monde du 21 juillet 2009) et pour faire avancer ma carrière politique, que je me suis réjouis du limogeage de Stéphane Guillon qui chantait, comme chacun sait, les louanges de N. Sarkozy, tous les matins sur France-Inter ?
Je comprends qu’on peut mieux faire, mais si chacun avait un bilan aussi minable, la communauté juive aurait peut-être moins de soucis et moins d’ennemis."


Patrick Klugman, comme d’autres, n’est ni à l’UMP, ni au Likoud, ni à la LDJ. Il en a parfaitement le droit, et cela ne l’empêche pas de répondre présent lorsque c’est nécessaire.

Imagine-t-on une Communauté uniquement et forcément de Droite Française et Israélienne ?

Imagine-t-on une Communauté dont le débat démocratique interne serait étouffé ? muselé ?

Imagine-t-on une instance représentative reconnue, le CRIF, exclure des membres qui ne soient pas tous dans « la ligne du Parti » ?

Ce n’est pas cela que je souhaite pour les juifs de France, et je suis persuadé que beaucoup d’autres sont de mon avis.

Patrick Klugman cohabite avec Meyer Habib au CRIF. Ils ne sont pas toujours d’accord, mais font avancer ensemble la Communauté.

D’ailleurs les dernières élections du CRIF ont surtout porté sur sa gouvernance, et pas son action politique.

A ceux qui disent que le CRIF ne représente pas la Communauté, je leur réponds que le CRIF est la maison des associations juives. A chacun d’y entrer par le biais des Amis du CRIF, ou par une association.

Toutes les organisations juives qui le souhaitent peuvent y adhérer, si ce n’est déjà fait comme pour 70 d’entre elles.

Il est facile de s’engager dans l’action militante. Des associations existent pour tous les âges, les tendances religieuses et politiques.

Si tous ceux qui sont sur Facebook étaient dans nos associations, et militaient quelque part, nous n’aurions pas été que 15.000 à Paris le 22 juin, mais beaucoup plus.

Critiquer quelqu’un sur Internet, le traîner dans la boue, le lyncher publiquement, n’est pas digne des Juifs de France et des valeurs morales que nous nous devons d’avoir.

N’être pas d’accord, mais se respecter, est une nécessité, la mahloket par excellence.

Restons donc digne et fiers de nos valeurs juives d’humanisme, de tolérance, d’amour d’Israel et du Peuple Juif.

En ces temps de Tisha Beav, revenons à la modération des débats, et écartons nous de la Haine Gratuite, la Sinat Khinam, qui a mené le Peuple Juif à sa perte. Nous avons besoin d’unité et de solidarité, plus que jamais.

Chers amis, débattons oui, mais dans le respect de nos idées et de nos débatteurs.

Bernard Musicant,
Responsable de l'association et du site "connec'sion.com

Nota de Jean Corcos :
Mon ami Bernard Musicant a publié cette mise au point il y a déjà plusieurs mois. Depuis, il y a eu "l'affaire" de la rencontre à Paris entre Richard Prasquier, Président du CRIF, et Mahmoud Abbas : une rencontre dont le principe avait été soutenu, à l'unanimité, par le bureau exécutif de l'institution représentative de la Communauté, mais qui a valu au CRIF et à son dirigeant élu une campagne haineuse d'appels à la démission  ; et puis ensuite, de nombreuses autres occasions pour attaquer la direction de cette institution, traitée à chaque fois de tous les noms d'oiseaux par les représentants auto-proclamés d'une "base juive" révoltée contre la "trahison" des élites. Je n'ai pas voulu ajouter, à l'époque, à l'agitation sur le Web en publiant à chaque fois les communiqués de mise au point, hélas inaudibles par les plus extrémistes ici ou en Israël. En reprenant ce texte dans ma série "A contre courant", je veux juste exprimer à nouveau mon opposition à ce "vent mauvais" ; et redire mon soutien à Richard Prasquier et  aux autres leaders communautaires, visés par des populistes sans scrupules.

28 mars 2011

Espoir de Paix en musique ...


Une hirondelle ne fait pas le Printemps ... mais, quelque soit la météo, il ne faut pas se voiler la face : le "processus de paix" est totalement gelé entre Israéliens et Palestiniens. Les bombardements en provenance de la bande de Gaza, et un début de retour du terrorisme montrent aussi, hélas, qu'une "non paix" peut vite déraper en "vraie guerre".
Malgré cela - et mes récentes émissions avec Stéphane Amar l'ont bien rappelé - au niveau individuel entre citoyens Juifs et Arabes d'Israël, la coexistence existe bel et bien et parfois donne naissance à de belles réalisations : on se souvient, par exemple, du duo entre les chanteuses Noa et Mira Awad, venues représenter leur pays à l'Eurovision en mai 2008 (voir la vidéo sur ce lien).

Un an après, les deux chanteuses sont venues à Marseille, au printemps dernier, chanter pour l'association "Mémoire pour la paix" : une très belle soirée à laquelle a assisté mon amie Caroline Haddad, fidèle lectrice du blog et auditrice ... Caroline est une photographe de grand talent, dont les ami(e)s sur FaceBook, comme moi, peuvent admirer de magnifiques prises de vue, en particulier de la Provence où elle vit. Elle est aussi douée pour réaliser des reportages, et elle a ramené plusieurs photos de cet évènement : parmi les trois sélectionnées, celle du haut où le duo chante ensemble ; en "solo", sur la photo du milieu, Mira Awad l'Arabe chrétienne, à la guitare ; et sur celle du bas, la célèbre Noa, devant une batterie de "darboukas" !

J.C

27 mars 2011

Syrie : le point de non retour ?

Manifestants dans la ville de Deraa le 22 mars
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"Est-ce que la Syrie est en train d'atteindre le point de non retour ?", s'interroge Avi Issacharoff, l'excellent chroniqueur du "Haaretz" - lire sur ce lien .

Le fait est que, en quelques jours, une révolution semble réellement commencer dans le pays sans doutes le plus fermé du monde arabe. Alors que, bien entendu, la presse étrangère ne peut se déplacer librement et que les médias nationaux sont complètement "aux ordres", les mêmes moyens qui ont permis les révolutions tunisienne puis égyptienne permettent d'avoir des images des émeutes : films pris au moyen de téléphones portables ; envoi à travers le monde par la magie d'Internet ; et les révoltés anti-Assad arrivent à leur tour à faire douter le monde extérieur de la solidité d'un régime que l'on croyait éternel !
Pour ceux qui lisent l'anglais, l'article du "Haaretz" semblera bien prudent : il note qu'il n'y a eu, pour le moment, que des centaines de manifestants dans les grandes villes syriennes comme Damas, Homs ou Lattaquié, alors qu'ils étaient des milliers dans la ville de Deraa - où les tirs de l'armée auraient fait plus de 150 tués d'après des sites d'opposition ; mais il note aussi que - comme cela s'est passé avant dans d'autres pays arabes - le "mur de la peur" semble être tombé. Face à cette révolution, écrit Issacharoff, Bashar al - Assad utilise les mêmes réponses qui n'ont pas permis à Ben Ali puis à Moubarak de se maintenir au pouvoir : dénonciation d'un "complot de l'étranger" ; annonce de timides réformes ; et surtout, utilisation contre-productive de la force - chaque enterrement de victimes rallumant l'incendie ...

Mais essayons d'aller un peu plus loin à propos de ces évènements, en énonçant quelques commentaires personnels.
1.    Le dictateur syrien suit bien sûr avec inquiétude ce qui se passe en Libye, qui représente un double précédent dans le monde arabe : une révolte armée contre un dictateur féroce, puis une intervention militaire internationale pour aider les rebelles. Il peut en tirer deux conclusions opposées : l'une qui consisterait à mater totalement dans le sang la révolution alors que les Occidentaux sont enlisés dans un nouveau conflit, en se disant qu'il ne risque rien ; l'autre qui l'inciterait à la prudence, par crainte de subir le sort de Kadhafi.
2.    Au moment de la chute de Moubarak, Bashar al -Assad avait imprudemment avancé l'idée que son régime restait populaire en raison de son hostilité résolue à Israël : on voit que la suite des évènements lui a donné complètement tort, et que - comme l'avaient souligné les commentateurs de bonne foi - le conflit israélo-arabe est complètement évacué de cette vague révolutionnaire.
3.    Mais cette nouvelle révolution donne aussi complètement tort à la plupart des commentateurs des sites et blogs juifs, qui se sont relayés pour nous expliquer que ces révolutions, qui touchaient des pays pro-occidentaux, faisaient l'affaire de l'Iran - donc, en poussant un peu le bouchon, étaient le résultat d'un "complot islamiste" : mais alors quid pour la Syrie, alliée fidèle de l'Iran ? Cette explication ne tient plus.
4.    Dans la même veine, on a pu lire que Al-Jazeera - qui avait de vieux comptes à solder avec leurs régimes - avait mis de l'huile sur le feu en Tunisie puis en Egypte ; et on ajoutait que cette chaîne, propriété de l'Emir du Qatar, reflétait les intérêts de l'Emirat de plus en plus dans l'orbite iranienne ... Or les choses ne sont pas simples. On pourra ainsi, en visitant cette page Internet de la télé satellitaire  - voir sur ce lien -, constater combien la révolution syrienne est à l'honneur, et découvrir au passage des films inédits qui font bien plaisir à visionner !
5.    Au final, et si un régime aussi infect que celui des Assad tombe pour être remplacé par un gouvernement si ce n'est totalement démocratique, mais a minima plus proche de l'Occident et éloigné de l'Iran, ce serait toute la géopolitique du Moyen-Orient qui serait bouleversée : la Syrie a joué ces dernières années un rôle essentiel dans l'encerclement d'Israël par les forces de l'Islam radical - Hezbollah au Nord, Hamas au Sud ; et si ces milices terroristes perdaient leur refuge de Damas, beaucoup de choses changeraient ... en bien !

25 mars 2011

Honte sur le Liban !

Affiche de l'ONG "Human Right Watch"
dénonçant l'esclavage domestique au Liban

J'avais évoqué, il y a déjà plus de trois ans sur mon blog, l'esclavage domestique au Liban, pays où les dizaines de milliers d'employés de maison d'origine étrangère sont privés de leurs droits élémentaires. On pourra relire sur ce lien  l'article de Dominique Torres, repris du journal "Le Monde".

Comme le montre cette affiche diffusée récemment par l'ONG américaine "Human Right Watch", la situation de ces travailleurs immigrés en terre arabe ne s'est guère améliorée : je l'ai d'ailleurs trouvée sur un blog indépendant libanais.

Soyons très clair : j'essaie, au micro ou sur le Web, de rester fidèle à une certaine ligne éthique, et lorsque des "bavures" ou des actes ou des paroles me font honte en Israël, je ne crains pas de le dire. Une telle ligne doit éloigner une partie de mon public juif, et je l'assume ... A contrario, je continue de trouver insupportable le silence pesant de la plupart des médias sur les violations des Droits de l'Homme dans le monde arabe - un silence qui n'est  aujourd'hui levé, pays par pays, qu'à l'occasion des révolutions qui se développent ; et, surtout, la complaisance obligée vis à vis du Liban, "pauvre victime des conflits de la région", "modèle de coexistence" et autres qualificatifs hypocrites désignant un pays dont les gouvernants de toutes tendances n'ont jamais vraiment accepté l'idée de la paix dans la région ; et qui est une nation plus proche du cœur des Français que l’État juif voisin, mais dont le cynisme vis à vis des travailleurs étrangers n'a rien à envier à celui des Émirats du Golfe !

J.C 

23 mars 2011

Le syndrome syrien ?

Il y a des journées qui finissent douloureusement, comme si des blessures d'un passé que l'on croyait définitivement enterré s'ouvraient à nouveau, et se remettaient à saigner ... l'annonce de l'attentat de Jérusalem, qui a fait cette après-midi un tué et plusieurs blessés graves a été un choc terrible, car la Ville Sainte n'en avait pas connu de la sorte depuis 2004 ; et à nouveau, ce sont les arrêts de bus qui deviennent des pièges terrifiants pour la foule des civils.
Mais je n'ai pas été moins horrifié et inquiet de voir revenir un autre cauchemar, celui du bombardement des cités israéliennes du Sud par des missiles de longue portée : Beersheba, Ashdod, ce sont de grandes cités industrielles obligées de vivre aussi dans la peur, mais aussi dans une paralysie qui n'est pas tenable sur le long terme. Comment le gouvernement va-t-il réagir ? Comment éviter le piège d'un embrasement généralisé, tout en conservant un minimum de dissuasion face à des ennemis résolus ?

Cette actualité éclipse la révolution qui vient peut-être de commencer en Syrie, où la répression a déjà fait des dizaines de victimes ... mais les deux affaires ne sont-elles pas liées ? On dit que les derniers lancers de missiles sont le fait non pas du Hamas, qui ne voudrait pas risquer une "opération plomb fondu numéro 2", mais du Djihad islamique, qui a toujours été présenté comme le bras terroriste des services iraniens. Hypothèse : et si, se sentant menacés par l'onde de choc révolutionnaire au Moyen-Orient, l'axe Téhéran-Damas tentait une diversion sanglante, sous la forme d'un nouveau conflit impliquant Israël ? Un "syndrome syrien", peut-être imaginaire, mais que je voulais vous exposer ici.

J.C

La versatilité du monde arabe, par Akram Belkaïd

  Alors que le monde arabe réclamait hier encore la chute du régime de Kadhafi, il dénonce aujourd'hui l'intervention occidentale.


Quoiqu'il fasse, l'Occident a toujours tort
Quelques heures à peine après les premiers bombardements, voilà que les bons vieux réflexes anti-occidentaux reprennent le dessus: on reparle de l’Irak et de l’Afghanistan, voire même du Liban des années 1980, et on crie au complot américain.
Cela en dit long sur l’absence totale de confiance à l’égard de l’Occident: quoique fasse ce dernier, il est coupable. Certes, personne ou presque ne défend Kadhafi, mais on sent bien la gêne —pour ne pas dire l’hostilité— à l’encontre des frappes aériennes.
Sur Internet, ce n’est plus la folie sanguinaire du dictateur libyen qui est dénoncée, mais l’existence possible d’un plan occidental —mûri depuis longtemps, bien entendu— pour prendre le contrôle du pétrole libyen, ou même pour recoloniser l’Afrique du nord. Du coup, l’observateur s’attend même à ce que le guide de Tripoli devienne soudain sympathique et qu’on lui concède les habits de la victime.
Quelle versatilité! Quelle propension à oublier ce que l’on exigeait la veille! Quelle capacité à perdre de vue l’essentiel, qui reste le sauvetage de Benghazi! Quelle naïveté aussi. En appelant à l’aide les Occidentaux, qui pouvait croire qu’ils se contenteraient d’un engagement «light»?
Quand on entend Amr Moussa, le secrétaire général de la Ligue arabe, se plaindre que les raids vont au-delà de l'objectif d'imposition d'une zone d'exclusion aérienne, on a envie de lui demander «mais, qu’espériez-vous?». D’abord, une telle zone implique la destruction de tout moyen au sol capable de neutraliser un avion de la coalition. Ensuite, quel serait l’intérêt de cette «no-fly zone» si les obus d’artillerie de l’armée de Kadhafi continuent de dévaster les positions des rebelles?

Mesurer les conséquences avant de prendre position
La guerre n’est pas un jeu. Elle ne peut être propre, elle ne peut être chirurgicale. Ceux qui ont appelé à l’aide l’Occident pour sauver Benghazi, savaient —ou auraient dû savoir— que des civils, de Tripoli ou d’ailleurs, en paieraient le terrible prix. C’est l’un des paradoxes de toute opération militaire. Même dans les films hollywoodiens, sauver des civils provoque presque toujours la mort d’autres civils…
Certains sont peut-être allés trop vite dans leur souhait de voir Kadhafi tomber grâce à une intervention extérieure. Ils réalisent aujourd'hui que prendre position nécessite d’en mesurer toutes les conséquences. C’est cela la maturité. En manquer, c’est être l’otage d’une émotivité et d’une versatilité qui ne cessent de nuire aux peuples arabes.
Regardons la réalité en face: les rebelles libyens n’ont pas été capables de vaincre Kadhafi. Ils n’ont pas réussi à faire ce que les Tunisiens ou les Egyptiens ont réalisé, et c’est bien dommage pour la Libye. De plus, comme le relève le site Maghreb Emergent, les Arabes n’ont pas été capables de régler seuls cette affaire. Même chose pour les Africains et leur Union africaine qui ne sert à rien. Pour sauver Benghazi, le recours à l’Occident était nécessaire.

L'enjeu en vaut la chandelle
Qu’importe que l’intervention de la coalition relève plus de l’improvisation que d’une véritable préparation stratégique —personne ne sait comment cette aventure militaire va se terminer. Qu’importe qu’elle profite électoralement à Nicolas Sarkozy (et c'est loin d’être garanti…). Qu’importe si les Etats-Unis ont désormais un argument supplémentaire pour implanter une base dans la région, qu’importe que le pétrole libyen passe sous contrôle étranger —de toute façon, il l’est déjà. L'enjeu en vaut la chandelle: il s’agit de sauver un mouvement populaire qui entend chasser un dictateur au pouvoir depuis 1969.
Plutôt que céder à un sentiment anti-occidental primaire, ou, plutôt, à l’habituel anti-américanisme qui irrigue le monde arabe, il serait plus honnête d’assumer son soutien à une intervention que tout le monde a appelé de ses vœux.
Cela ne signifie pas qu’il faille baisser sa garde et faire confiance à la coalition —il est évident que certains de ses membres ont un agenda caché. Il est évident que le scénario de la partition de la Libye fait partie des hypothèses et qu’il a toujours figuré à portée de main des stratèges occidentaux. Mais faisons confiance au peuple libyen. Il saura chasser le tyran de Tripoli et restaurer, tôt ou tard, la souveraineté de son pays.

Akram Belkaïd
SlateAfrique.fr, 21 mars 2011

21 mars 2011

Dieudonné à Tunis : nouveau délirium antisémite et inquiétante évolution du pays


Dieudonné était reçu la semaine dernière à Tunis. Voici comment le site tunisien "Leaders" introduit la présentation de son spectacle, le 16 mars : "Le célèbre et très controversé humoriste franco-camerounais Dieudonné a présenté, mercredi soir au grand Tunis Hôtel-Menzah VII, un one man show intitulé ''Mahmoud'', à l'invitation de quatre jeunes du lycée Pierre MendèsFrance de Mutuelleville. Après une longue attente, Dieudonné est monté sur scène, dans une salle comble. Il a commencé par rendre hommage à la révolution tunisienne, ''vous êtes la fierté du continent africain'' a-t-il lancé aux 1200 spectateurs, dont près de 400 lycéens. ''Vous faites rêver en France et partout dans le monde '' a-t-il ajouté, affirmant, par ailleurs, qu'il devait se produire en Tunisie le 27 juin dernier, mais que son spectacle a été annulé."

Le reste de l'article, que l'on pourra découvrir sur ce lien, reste dans une tonalité neutre mais qui rend un peu mal à l'aise, connaissant le niveau de culture particulièrement élevé de la jeunesse tunisienne - surtout les élèves du lycée Pierre Mendès-France qui relève de la mission culturelle française - , une jeunesse qui ne peut pas ne pas savoir que Dieudonné a été condamné à plusieurs reprises pour injures à caractère raciste : il est pour le moins elliptique d'écrire "qu'il a évoqué, à sa manière, la question des '' crimes contre l'humanité'', celle qui lui a valu des ennuis avec la justice française". Pourquoi des guillemets pour ces crimes, l'auteur de l'article aurait-il des doutes ? Pourquoi ne pas écrire noir sur blanc qu'il s'est toujours agi de propos antisémites ? Ironie du calendrier, alors que cet article était publié le jeudi 17, le même jour la cour d'Appel de Paris devait confirmer la condamnation dont avait écopé en première instance Dieudonné pour injures à caractère raciste. Rappelons que cette condamnation concernait un spectacle donné en décembre 2008 au Zénith, au cours duquel il avait fait remettre le "prix de l'infréquentabilité" au négationniste Robert Faurisson par un homme en tenue de déporté ;  et qu'il devra  payer une amende de 10 000 euros - 500 euros à chacune des associations qui l'avait assigné -, et qu'il devra prendre à ses frais l'insertion du jugement dans deux journaux.

Mais il y a bien pire que cet article dans les médias tunisiens : car Dieudonné a eu les honneurs d'une chaîne de radio tunisienne, "Mosaïque Fm". Cette interview, qui a été filmée et enregistrée sur Youtube, est visible ci-dessous Il est indispensable de l'entendre jusqu'au bout, car la violence de ses propos, d'une part, et la complaisance des journalistes qui l'interrogent, d'autre part, sont plus qu'inquiétants.
D'entrée de jeu, le pseudo comique rappelle son obsession primaire : "mon spectacle est critique envers les Sionistes". S'il évoque ses voyages en Iran, c'est pour dire que les gens "y sont courageux", "qu'ils ont toujours les Etats-Unis et Israël sur le dos" ... les opposants massacrés par le régime de Téhéran penseraient qu'il s'agit d'humour de mauvais goût. Notons aussi son inculture crasse, qui lui fait dater la révolution islamique de 1975, ou qui lui fait dire plus loin que "Ben Ali a tenu 30 ans", alors qu'il avait pris le pouvoir en 1987 !
D'emblée Dieudonné "récupère" la révolution tunisienne, en disant que ce sera un exemple pour le Monde. Un Monde que, bien entendu, il faut débarrasser du "Sionisme" : et très vite, ce sont des accents quasiment nazis que l'on va entendre, puisqu'il traitera cet ennemi fantasmagorique de "cancer", "qui pollue l'atmosphère de la France et du Monde". "Le sionisme, c'est l'argent, c'est le fric pour le fric, c'est Wall Street". Se lâchant à la fin, il attaque lourdement Dominique Strauss-Kahn, qui contrairement à Jean-Marie Le Pen - cité par les intervieweurs - "est le vrai raciste". DSK traité aussi de "candidat israélien", "candidat de Wall Street" : peut-on être plus clair ?

Mais le malaise que l'on ressent à entendre cette interview est peut-être pire encore à l'écoute des journalistes : que Dieudonné fasse preuve d'une haine imbécile envers tous ceux qu'il n'aime pas et qu'il traite de "Sionistes", ce n'est pas nouveau ; qu'il réécrive l'Histoire en expliquant que Ben Ali n'aurait tenu si longtemps que grâce au soutien des "Sionistes", c'est de la dialectique de caniveau que l'on s'abaisserait à contredire en lui opposant, par exemple, les trente ans de règne de Saddam Hussein ou les quarante et un ans de dictature sanguinaire de Kadhafi - des "Sionistes", eux-aussi ? Non, ce qui choque, c'est le fait que les Tunisiens qui l'interrogent prennent comme allant de soit que les Israéliens seraient des racistes de la pire espèce. Ou qu'il s'agisse "d'une population qui se croit supérieure à toute les autres, et qui veut dominer le monde entier" ...  

Dieudonné a tenu dans le passé des propos antisémites transparents sous couvert de son soit disant "antisionisme", mais là il aura parlé en quasi-hitlérien, faisant revivre le "complot juif mondial" et la "lutte des races" de l'époque nazie. Qu'il l'ait fait tranquillement au micro d'une radio tunisienne éclaire de façon tout à fait inquiétante l'évolution de ce pays ; et je ne peux que le constater avec amertume, ayant salué avec beaucoup d'espoir la "révolution de jasmin" dans ce pays qui m'est tellement cher.

Jean Corcos

 

Connaisez-vous ce charmant pays (suite) ?


Al Mamlakatu'l-Maghribiya


La devinette du mois
- mars 2011

Nouvelle devinette : très facile si vous connaissez le drapeau, moins évidente si vous ne comprenez pas trop l'Arabe ... cependant, ce n'est pas vraiment un pays exotique !
Comme d'habitude, e-mails bienvenus à l'adresse du blog : rencontre@noos.fr. Le résultat sera donné avec la prochaine devinette, le mois prochain.

Quand à la devinette précédente, il s'agissait d'un état de l'ex-URSS : la République d'Ouzbékistan ! 


J.C

20 mars 2011

Tunisie, de la révolution à la démocratie : Habib Kazdaghli sera mon invité le 27 mars

Habib Kazdaghli


C'est une émission un peu particulière que je vais vous proposer dimanche prochain, parce que nous allons à nouveau parler de la vague de révolutions dans le monde arabe, mais nous le ferons avec une personnalité qui l'a vécue il y a quelques mois, et qui est engagée politiquement. Émission particulière, aussi parce que nous aurons notre invité au téléphone depuis Tunis, ce sera le professeur Habib Kazdaghli : ce n'est pas la première fois que j'aurais le plaisir de l'avoir dans cette émission, je l'avais reçu à deux reprises il y a plusieurs années, déjà, mais nous ne parlions pas du tout de politique tunisienne - sujet tabou sous le régime Ben Ali quand on était un opposant, ce qui était son cas -, mais du passé juif du pays. Il est en effet universitaire, professeur à l'Université de Tunis Manouba, et spécialiste de l'histoire des minorités. Membre actif de la "Société d'Histoire des Juifs de Tunisie", il est particulièrement sensible à la prospérité et à la sécurité de la minuscule communauté qui est là-bas, et nous avons eu beaucoup d'inquiétudes à propos d'incidents, plus ou moins graves, qui ont été enregistrés depuis la révolution. Nous en parlerons bien sûr au cours de cette émission, mais nous allons surtout essayer de comprendre ce qui s'est passé depuis le 14 janvier, jour de la fuite du Président Ben Ali.

Parmi les questions que je poserai à Habib Kazdaghli :

- Avez-vous été surpris d'abord par la chute, tellement rapide de l'ancien régime, et ensuite par cette vague révolutionnaire qu'a initiée le peuple tunisien dans tout le monde arabe ? On avait toujours eu l'image d'un peuple paisible, n'aimant pas les troubles, or c'est vous qui avez donné en quelque sorte du courage aux peuples égyptien, puis libyen et beaucoup d'autres  pour se soulever : comment l'expliquer ?
- Nous voici maintenant avec un Président de la République par intérim, M. Fouad Mebazaa âgé de 77 ans et un Premier Ministre de 84 ans, M. Béji Caïd Essebsi : pensez-vous qu'avec l'instabilité que connait le pays depuis deux mois et demi, avec la crise économique, - due en particulier à l'arrêt du tourisme -, ils seront capables de mener le pays jusqu'aux élections ? Question connexe : tous les témoignages disent qu'il y a une insécurité dans beaucoup d'endroits, associée à une quasi disparition de la police : comment l'expliquez-vous ?
- A propos de la mouvance islamiste on a entendu des informations assez contradictoires : d'un côté, Rasheed Ghannouchi le leader du parti Ennahda est revenu à Tunis, accueilli à l'aéroport par des milliers de partisans, et on dit que dans beaucoup de mosquées, des imams font maintenant des prêches enflammés, contre l'Occident et la laïcité ; d'un autre côté, Ghannouchi fait des déclarations apaisantes, et il dit qu'il ne postulera aux élections présidentielles : est-ce que ce n'est pas "reculer pour mieux sauter" ?
- Quelles ont été les réactions de votre parti (le mouvement "Ettajdid"), et de la société tunisienne après la manifestation antisémite devant la Grande Synagogue de Tunis ? Vous avez participé au voyage à Auschwitz du 1e février dernier, qui a réuni des personnalités de plusieurs pays dont de nombreux Musulmans. Or malheureusement, l'agitateur Dieudonné - qui vient à nouveau d'être condamné pour antisémitisme, et qui avait reçu à son spectacle le célèbre négationniste Faurisson - a fait salle comble à Tunis il y a quelques jours. Et dans une interview sur la chaîne de télévision "Mosaiquefm", il a insulté Dominique Strauss Kahn, en le traitant de "candidat de Wall Street, sioniste et raciste" : qu'en pensez-vous ?

Une interview passionnante, que j'espère beaucoup de Tunisiens ou originaires de Tunisie suivront dimanche prochain ... ainsi que de nombreux autres !

J.C

19 mars 2011

Reprise et suspense ...

Bombardement des insurgés par l'aviation de Kadhafi
(Crédits photo: FP Photo / Marco Longari)


Jeudi dernier, date de mon post précédent, il n'était question dans les médias et les fils d'actualité que de la situation à la centrale nucléaire de Fukushima, et des risques "pires que Tchernobyl" : depuis et comme on le sait, il semble que grâce à des arrosages massifs des cuves et piscines les plus "critiques", la fusion tant redoutée ait pu être retardée : tous les espoirs sont donc reportés sur le rétablissement ce week-end de l'alimentation électrique - en espérant bien sûr que toutes les pompes et vannes, qui ont subi un séisme doublé d'un tsunami géant, soient en état de fonctionner ... prions pour cela !

A peine donc avais-je pris la décision de remettre à jour ce blog, qu'une autre actualité prend le relais, et avec un autre suspense : après la résolution 1973 du Conseil de Sécurité de l'ONU, les chasseurs français survolent la Libye -  et ils ont déjà tiré sur des blindés des forces de Kadhafi, engagées dans les environs de Benghazi après son vrai-faux cessez-le-feu d'hier Personne ne sait, au final, comment cela tournera car le "fou de Tripoli" est aussi malin que retors : guerre de positions ? Éclatement du pays entre la Cyrénaïque rebelle et une dictature "bunkerisée" dans sa capitale ? Tout à l'heure, dans l'excellente émission de France Culture "La rumeur du monde", un des invités, François Heisbourg - qui est souvent venu à "Rencontre" -, rappelait que la plupart des états arabes, nés après la chute de l'Empire Ottoman, ont des frontières artificielles ; et que si le démon de la division devait l'emporter, ce seraient les guerres de l'ex-Yougoslavie en bien pire ...

Là-dessus ce matin, le Hamas vient de se rappeler au bon souvenir d'Israël en procédant à un bombardement massif du Sud : après l'assassinat ignoble de la famille Fogel, après le bombardement par des missiles Grad de la métropole de Beersheba il y a un mois, ce sont autant de signes indiquant que là-aussi, la marmite bouillonne ... il est donc temps de revenir ici après mon bref silence !

J.C

17 mars 2011

Décence et silence


Comme je l'ai souvent écrit ici, un modeste blog n'est pas un journal, et on ne peut exiger de lui qu'il donne, presque en temps réel, les dernières nouvelles sur tous les fronts de l'actualité ; on sait, aussi, que la "fenêtre d'observation" de ce site se limite au monde musulman, ce qui est déjà bien ambitieux et ne peut être parfaitement réalisé - surtout en cette période révolutionnaire où tout bouge, très vite et presque partout.

Mais il arrive aussi qu'une seule actualité domine tout le reste, par les conséquences incalculables qu'elle peut avoir : au delà du drame que vient de vivre le Japon avec le tremblement de terre de vendredi dernier et le tsunami exceptionnel qui a suivi, les dégâts sur différents réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima peuvent causer - presque tous les experts le disent maintenant - la plus grave crise nucléaire de tous les temps. Pire que Tchernobyl, en raison de la densité de la population japonaise ... Sans parler de l'impact radiologique et des millions de personnes dont la santé risquerait d'être menacée si du combustible en fusion était relâché en quantité dans l'atmosphère, et il suffit d'imaginer la contamination du territoire de la troisième puissance économique mondiale pour comprendre la catastrophe que cela serait pour nous tous.

Le Président de l'état d'Israël, Shimon Peres, vient de parler de "tragédie mondiale". Cela ne semble pas l'idée de beaucoup de blogs et site juifs francophones, qui semblent ignorer cette actualité. Alors, je reprends ici ce que j'écrivais hier sur ma page FaceBook : bien sûr que, comme tellement de mes ami(e)s, j'ai été bouleversé, écœuré par l'assassinat abject de la famille Fogel dans l'implantation d'Itamar ; bien sûr que j'ai été heureux de l'arraisonnement  mardi du cargo avec des armes pour le Hamas ... mais je trouve le silence sur le drame que vit - et risque de vivre en encore pire - le Japon, absolument anormal : on peut être juif et penser aussi aux autres humains.

C'est pourquoi, par décence, je respecterai sur ce blog un silence de quelques jours,en attendant que la situation se dénoue sur la centrale de Fukushima. 

J.C

16 mars 2011

"L'intifada démocratique arabe est un mouvement de libération nationale", par Jean-Pierre Filiu

Jean-Pierre Filiu

Le soulèvement démocratique qui traverse le monde arabe n'en est qu'à ses débuts et, comme toutes les grandes pulsions historiques, il connaîtra des revers, des reflux, des trahisons et des ruptures. Cette intifada (traduction littérale de "soulèvement") ne se déroule pas sur un écran virtuel où s'allumeraient des clignotants plus ou moins rouges au gré des troubles.
Il n'y aura pas d'effet domino entre des mouvements qui sont, pour chacun d'entre eux, enracinés dans un contexte spécifique. Mais nous assistons à une renaissance à bien des égards irrésistible, la victoire d'une génération déterminée à reprendre en main son destin. Et cette moderne renaissance porte en elle les promesses inaccomplies et l'énergie émancipatrice de la première renaissance, célébrée sous sa dénomination arabe de Nahda, qui s'ouvrit par l'expédition de Bonaparte en Egypte et se conclut par la seconde guerre mondiale.
Cet "âge libéral de la pensée arabe", comme l'a décrit il y a un demi-siècle l'historien Albert Hourani, fut la réponse politique et intellectuelle à l'irruption occidentale, à la fois agression militaire et défi de civilisation. L'Empire ottoman en fut tant ébranlé que deux dynasties modernisatrices ne reconnaissant que formellement l'autorité d'Istanbul purent développer leurs programmes de réformes en Tunisie et en Egypte, déjà à l'avant-garde.
La généralisation de l'imprimerie arabe permit à des dizaines de journaux de diffuser non seulement des idées nouvelles et des informations libres, mais aussi une langue plus accessible, remplissant ainsi, sur la forme comme sur le fond la fonction actuelle des télévisions satellitaires. La génération Facebook de notre temps était constituée au XIXe siècle par cette classe cosmopolite de plus ou moins jeunes diplômés, souvent en délicatesse avec leur hiérarchie religieuse (musulmane ou chrétienne), tandis que la diaspora arabe d'Europe et d'Amérique résonnait à leur écho.
Une réforme authentique se doit d'être fiscale, et Ahmed, bey de Tunis de 1837 à 1855, ne se contenta pas d'abolir l'esclavage deux ans avant la France, il réforma la collecte des impôts dans les provinces. Cette mahalla se déroulait en été dans l'ouest du pays, puis en hiver dans le centre et le sud, et Ahmed Bey amenda la dimension prédatrice de cette taxation itinérante, pacifiant les zones de la mahalla d'hiver, qui seront le berceau de la révolution de 2010-2011.
Mohammed Bey (1855-1859) institua un "Pacte de la paix sociale" (Ahd al-Aman) qui mettait l'accent sur le bien public (maslaha), l'égalité devant la loi et la liberté de religion. Et son successeur Sadeq Bey promulgua en 1861 la première Constitution du monde arabe, qui séparait de fait le pouvoir politique et religieux : la conformité de ce texte avec l'islam était rappelée en termes généraux et il n'était même pas explicite que le souverain dut être musulman.
En 1881, la France imposa son protectorat à la Tunisie et, l'année suivante, la Grande-Bretagne écrasa la résistance de l'Egypte à son occupation, brisant l'élan réformateur des khédives successifs. En 1919, l'emprisonnement et la déportation de la délégation (Wafd) que les nationalistes égyptiens entendaient dépêcher à la conférence de paix de Paris entraînèrent un soulèvement populaire.
Cette campagne de désobéissance civile, sa discipline collective, son extension géographique et sociale évoquent par bien des aspects la révolution qui vient de faire chuter le président Moubarak. L'insistance sur l'alliance entre musulmans et chrétiens contre l'occupant britannique, avec l'association emblématique entre le croissant et la croix, se retrouve dans la solidarité militante de la place Tahrir. Et la révolution de 1919, malgré une répression sanglante, contraignit le Royaume-Uni à reconnaître l'indépendance de l'Egypte, trois ans plus tard.
Quant à l'insurrection libyenne, elle se réclame d'Omar Al-Mokhtar et de la lutte acharnée menée de 1911 à 1931 contre la colonisation italienne. L'assimilation de Kadhafi au proconsul fasciste n'est pas que rhétorique : la manipulation des divisions territoriales et tribales est aussi implacable, l'acharnement contre la Cyrénaïque est aussi brutal et le prix payé par la population pour consolider un pouvoir absolu est aussi lourd.
Les révolutionnaires libyens ont dès lors repris dans un bel ensemble l'emblème de l'indépendance de 1951, non pour exprimer leur volonté de restaurer la monarchie, mais parce qu'Idriss Ier, héritier d'un royaume fédéral, avait réussi à en unifier les trois entités de la Tripolitaine, de la Cyrénaïque et du Fezzan. L'insistance sur l'unité de la Libye est d'ailleurs obsessionnelle chez les rebelles, civils comme militaires.
Cette intifada démocratique est vécue comme un mouvement de libération nationale, car le régime dont la chute est demandée est désigné comme étranger à un pays qu'il n'a su que piller, à une nation qu'il a foulée aux pieds. D'où cette exaltation de l'armée lorsqu'elle se rallie au peuple, d'où cette mer de drapeaux sur Le Caire le 11 février, d'où cette verve patriotique qui se déploie à la moindre occasion.
Mais cet orgueil national recouvré dans la lutte retrouve aussi la force de traiter normalement avec les puissances étrangères, sur la base du respect et de l'égalité, en abandonnant les fumeuses théories du complot que seuls agitent encore les dictateurs et leurs cliques. C'est là que se noue le lien entre la première et la seconde renaissance arabes, dans cette aspiration à redonner toute sa substance à des indépendances trop longtemps dévoyées.
Cette révolution arabe est le fruit de la tension portée à son extrême entre la raison de l'Etat concerné et la raison du régime en place, qui est parvenu durant des décennies à assimiler celle-ci à celle-là, comme si ce qui était bon pour le dirigeant devait l'être pour son pays ou son peuple. Les foucades du colonel Kadhafi, ruineuses pour la Libye et son développement, lui ont ainsi permis de battre tous les records de longévité dans une région pourtant marquée par la stabilité des pouvoirs installés.
Mais l'intifada démocratique parvient à fédérer autour de l'intérêt national un mouvement composite, que l'armée a refusé de combattre, en Tunisie comme en Egypte, entraînant la chute du chef de l'Etat. C'est aussi au nom de la défense de la patrie contre son pire ennemi, enfin dévoilé, qu'une partie importante des militaires libyens ont basculé dans la rébellion.
Cette dimension nationaliste s'inscrit dans le cadre des frontières postcoloniales, qui, loin d'être remises en cause, sont en fait consacrées par les mouvements révolutionnaires. La victoire de la raison d'Etat sur la raison du régime nourrit ainsi une extrême sensibilité à la question de l'ingérence étrangère. Tel est le contexte du débat houleux sur une éventuelle intervention en Libye.
On oublie trop souvent que la première expédition militaire menée par les jeunes Etats-Unis le fut contre la Libye "barbaresque" qui pillait leurs navires et asservissait leurs ressortissants. En 1805, la bannière étoilée flotta même sur la ville de Derna, en Cyrénaïque, où un prétendant au trône libyen avait été installé sous protection américaine... avant d'être sacrifié au profit d'un arrangement entre Washington et Tripoli.
1805 en Libye, 1798 en Egypte, et 1789 comme un des horizons possibles de la renaissance arabe. Des Bastilles sont déjà tombées, à Carthage, quand l'armée loyaliste a traqué les sicaires du régime jusque dans le palais présidentiel, à Benghazi, lorsque les enterrés vivants de la Jamahiriya ont émergé de leurs cachots, à Alexandrie, où les manifestants se sont emparés des locaux de la police politique et de ses archives.
La renaissance arabe, débarrassée de l'hypothèque impérialiste qui avait miné la première Nahda, revendique l'universalité des valeurs de la Révolution, l'américaine, la française et aujourd'hui l'arabe. Tel est aussi l'enjeu de cette seconde renaissance.

Jean-Pierre Filiu
"Le Monde", le 10 mars 2011 

Nota de Jean Corcos :
J'ai eu le plaisir de recevoir il y a quelques mois Jean-Pierre Filiu. Nous avions parlé d'Al-Qaïda dont il est un grand spécialiste (déjà deux livres publiés !), mais comme le montre cet article, il ne regarde pas uniquement le monde arabe sous le prisme déformant du terrorisme. J'ai apprécié cet éclairage historique, qui évoque l'entrée ratée de ces pays dans "les Lumières", à l'orée du colonialisme ; et je l'ai trouvé bien réconfortant ! 

15 mars 2011

Le boycott d'Israël va envenimer le conflit israélo-palestinien , par Denis MacShane

Denis MacShane


Kauf nicht bei Juden – "N'achetez pas chez les juifs" – est de retour ...


L'appel au boycott du commerce juif est une vielle lubie politique de l'Europe. Une fois de plus, alors qu'une avalanche de haine s'abat contre Israël, à droite comme à gauche, des idéologues islamistes aux élites culturelles, on souhaite punir les juifs. Que les actions du gouvernement israélien soient critiquables est un fait. Mais quels sont les arguments au fond ?

Premièrement, qu'Israël a tort de défier le droit international en tant que force d'occupation de la Cisjordanie. Mais que dire de la Turquie ? Celle-ci compte 35 000 soldats occupant le territoire d'une république souveraine – Chypre. Ankara a envoyé des centaines de milliers de colons dans le nord de Chypre. La Turquie a été appelée maintes fois par les Nations unies à retirer ses troupes. Au lieu de cela, elle se voit encore accusée de la destruction d'anciennes églises chrétiennes de Chypre du Nord.
A-t-on appelé à un boycott de la Turquie ou incité les entreprises à se désinvestir du pays ? Non, seuls les juifs d'Israël sont visés. Et que penser de l'Inde ? 500 000 soldats indiens occupent aujourd'hui le Cachemire. Selon Amnesty International, 70 000 musulmans ont été tués au cours des vingt dernières années par les forces de sécurité et les soldats indiens. Ce nombre dépasse de loin les musulmans palestiniens tués par les forces israéliennes pendant la même période. Cependant, les idéologues de l'islamisme se concentrent sur les juifs, pas les Indiens.
Se permet-on de parler du Sahara occidental et de la fermeture de la frontière du Maroc par l'Algérie qui rend la vie sur place bien plus difficile que celle des Palestiniens à Ramallah ou à Hébron ? Non, on ne risque pas. Voltaire – aussi antisémite qu'il fut – aurait sans doute raillé l'hypocrisie de ces nouveaux grands prêtres qui souhaitent uniquement attirer la malédiction sur la tête des juifs en Israël.
Deuxièmement, le désir de paix au Proche-Orient est une priorité mondiale. Mais la paix exige la reconnaissance de l'existence de l’État juif d'Israël. Quarante États membres de l'Organisation des Nations unies ont le mot "musulman" ou "islamique" dans leur titre. Nul ne conteste leur droit à exister ou à se défendre. Israël s'est retiré unilatéralement de Gaza, mais sa récompense fut de voir le territoire transformé en champ de tir de missiles destinés à tuer des juifs. Il y a eu plus de missiles tirés depuis Gaza contre Israël que de missiles V1 ou V2 tombés sur Londres en 1944. Personne n'a reproché à Churchill d'avoir riposté avec autant de force que possible, lorsque des villes comme Hambourg ou Dresde subissaient la colère de la Royal Air Force. En revanche, si les Israéliens engagent la moindre action contre les tueurs de juifs du Hamas, alors toute la haine du monde s'abat sur eux.
Troisièmement, il est difficile de voir comment on peut faire la paix avec un Israël que beaucoup cherchent à discréditer en tant qu'"État d'apartheid". J'ai travaillé dans les années 1980 avec le mouvement syndical noir en Afrique du Sud. On devait se cacher dans les fossés quand la police de l'apartheid parcourait les cantons pour traquer les activistes politiques. Je ne pouvais pas nager depuis la même plage que ma femme, une Française vietnamienne, à cause des lois racistes de l'Afrique du Sud. A l'inverse, les musulmans et les juifs nagent au large des mêmes plages de Tel-Aviv. Ils peuvent séjourner dans les mêmes hôtels, être élus au même Parlement et faire appel à un système judiciaire indépendant. Par définition, un État d'apartheid n'a pas le droit d'exister et ne peut pas être membre de l'Organisation des Nations unies. La campagne de stigmatisation d'Israël en tant qu’État d'apartheid vise à en faire un "non-Etat", n'ayant ainsi pas le droit d'exister. Comment la paix peut-elle être conclue avec un État dont les opposants nient son existence-même ?
Au Royaume-Uni, au Canada et en France, des journalistes ou professeurs ont appelé au boycott des médias et des universités israéliens. Mais les écrivains, journalistes et professeurs israéliens sont en réalité les principaux opposants aux politiques contre-productives de leur gouvernement. Les boycotter revient à donner encore plus de pouvoir entre les mains des nationalistes russes qui contrôlent désormais la droite en Israël. Les attaques contre la liberté des médias, contre les femmes, les homosexuels, ou les avocats sont mille fois pires en Iran ou en Arabie saoudite En Syrie ou en Libye, il n'y a pas de démocratie. En Jordanie, la démocratie reste limitée. Enfin, dans tout le monde arabe, les mouvements des Frères musulmans affichent ouvertement leur antisémitisme. Appelle-t-on au boycott de ces Etats, de leurs journalistes ou de leurs professeurs ? Non. On appelle plutôt – à juste titre – à l'engagement, aux contacts, au débat et à la discussion. Beaucoup même réclament des négociations avec le Hamas, qui emploie dans sa Charte un langage des plus antisémites, à l'image d'un Alfred Rosenberg ou des autres idéologues nazis.
NE PAS REVENIR À LA HAINE DU PASSÉ
Pourtant on estime que les négociations avec les leaders politiques, les avocats ou intellectuels juifs doivent être boycottés. Cette politique visant à rendre les citoyens juifs d'Israël victimes d'un désaveu mondial va envenimer la crise au Moyen-Orient. Si elle était appliquée de façon uniforme à tous les États qui occupent et oppriment des territoires qui ne sont pas les leurs, elle pourrait avoir un certain fondement moral. Si le mouvement de boycott, de désinvestissement et de sanctions appelait également à un boycott et des sanctions contre le nouvel antisémitisme de l'extrême droite en Europe, cela aurait alors plus de sens. Un parti ouvertement antisémite, le parti Jobbik, parcourt aujourd'hui la Hongrie dans un uniforme d'avant-guerre fasciste. Des hommes politiques antisémites sont élus au Parlement européen. En Allemagne, l'économiste et politicien Thilo Sarrazin se permet de décrire les juifs comme ayant "des gènes différents" des autres. Et de nos jours, des Européens de tous les peuples font à nouveau entendre leur voix pour s'écrier Kauft nicht bei Juden.
Ceux qui désavouent les politiques de la droite israélienne doivent trouver d'autres outils de langage que celui de l'antisémitisme classique. Moi-même je ne suis pas juif. En tant que député britannique, je travaille avec des milliers de musulmans dans ma circonscription. Je me retrouve plus souvent dans les mosquées que dans les églises. Je suis fier de mes amis musulmans qui sont pairs, députés, conseillers municipaux, ou qui occupent des postes importants en tant que journalistes, avocats, médecins et intellectuels. Les vingt millions de musulmans européens sont confrontés à de nouvelles haines et de nouveaux rejets qui doivent être combattus. Mais ils ne tireront aucun profit des campagnes de haine contre les juifs en Israël. En tant qu'Européens, nous devons dépasser le vieux langage du boycott et des campagnes économiques contre les juifs en Israël. Israël, la Palestine et l'Europe doivent construire leur avenir et faire le XXIe siècle, non pas revenir à la haine du passé.

Denis MacShane
député britannique, ancien ministre de des affaires européennes
"Le Monde", 14 décembre 2010 

Nota de Jean Corcos
J'ai volontairement choisi de publier cet article aujourd'hui, au milieu d'une quinzaine de propagande organisée par les militants antisionistes radicaux pour dénoncer le soit-disant "apartheid" de l'état d'Israël. Car hélas, ses ennemis acharnés ont développé, ces dernières années, une arme aussi lâche que pernicieuse : le boycott, qui pour le moment n'affecte pas la balance commerciale de l'état juif, mais qui le délégitime auprès des opinions publiques ... J'ai donc trouvé nécessaire de re publier ici cet article très fort d'un ancien ministre britannique : il sait de quoi il parle, hélas, car la propagande anti-israélienne est particulièrement virulente dans son pays !