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29 mars 2010

Pessah saméah et joyeuses Pâques !




Nota ajouté le 28 mars 2013


Vous avez été très, très nombreux à venir précisément sur cette page de mon blog ... lecteurs juifs (ou non) attirés, simplement parce que l'illustration était en bonne place sur "Google images" à propos de la fête de Pessah !


Merci donc, c'est très gentil. Mais quel grand dommage de s'arrêter à cet article de simple information sur la marche du blog, et d'ignorer ensuite royalement tout ce qu'il y a "derrière" cette adresse ... alors, merci de m'accorder deux minutes d'attention :

- "Rencontrejudaïquesfm" est le blog associé à l'émission "Rencontre" que vous pouvez suivre, partout dans le monde, un dimanche sur deux à 9h30 ; allez directement sur la site de la radio, vous pourrez l'écouter confortablement où que vous soyez !

- Mon émission est consacrée au monde musulman, elle a aussi une exigence de rigueur qui ne plaira pas à certains : antisémites et racistes, passez votre chemin ! Vous pouvez entendre des dizaines d'enregistrements passés en visitant les liens permanents, en haut de colonne de droite.

- Et le blog, ce sont aussi à ce jour près de 1.800 articles consacrés au même sujet : vous avez donc d'abondantes lectures.

- Enfin, tous les livres qui s'empilent en colonne de droite ont été traités lors des interviews de leurs auteurs ... ce ne sont donc pas seulement de "belles images" ... cliquez dessus, vous découvrirez la présentation de pleins d'émissions et de mes invités !


Merci pour votre attention, donc, et j'espère à très bientôt à cette adresse.



Et voici déjà Pessah ... les « Pâques juives » pour les lecteurs non juifs de passage et parfaitement ignares en ce qui concerne ma religion ; ignorance qui devient aussi la norme en ce qui concerne les religions chrétiennes, pourtant théoriquement dominantes ; lundi 5 avril est cependant déjà coché dans les calendriers, car il s’agit d’un jour férié, accolé à un week-end prolongé : et c’est ainsi que l’on n’oublie jamais ni le lundi de Pâques, ni le jeudi de l’Ascension !

Mais ce petit message est surtout publié pour prévenir mon lectorat fidèle des « blancs » à venir dans ce blog, qui respecte - comme notre radio Judaïques FM - les « yom tov » et Shabbat : pas d’articles mis en ligne, donc, les 30 et 31 mars ; ni les 5 et 6 avril.

Enfin, et à l’attention des dizaines ou centaines de visiteurs juifs qui atterriront ici par la grâce du classement en tête de gondole de l’illustration sur « Google image » ... un rappel : ceci est le blog associé à une série radiophonique (« Rencontre »), qui passe un dimanche sur deux à 9h30, sur Judaïques FM. Des dizaines de podcasts peuvent être entendus à l’adresse http://jean.corcos.free.fr/ ; et il y a près de 1200 articles à lire sur le blog, en navigant un peu à partir de la page d’accueil (« home » en bas à gauche), et en cliquant sur les « libellés » à la fin de chaque article ... merci d'avance à celles et ceux qui feront preuve d'un peu de curiosité.

Bon surf et bonnes fêtes !

J.C

28 mars 2010

L’équilibre démographique européen, par Roger Cukierman

Roger Cukierman

Introduction :
Dimanche 21 mars, l’ancien Président du CRIF, Roger Cukierman, était l’invité de notre station Judaïques FM. Parmi ces propos, un passage qui a fait du bruit puisqu’il a été repris sur le site du CRIF puis sur de nombreux blogs : celui relatif à l’équilibre démographique européen, et en particulier au poids de plus en plus important des populations musulmanes.
Je ne rebondirai pas sur le chiffre de « 25 à 30 millions » de Musulmans « pour la plupart récemment immigrés » : il me parait excessif, les estimations pour la France - qui comprend la plus forte communauté musulmane - se situant à 5 à 6 millions d’après les experts de la question (réécouter sur ma page
http://jean.corcos.free.fr, l’émission du 10 février 2008 avec Bernard Godard). Mais je me dis qu’il faudra, le plus rapidement possible, consacrer une pleine émission uniquement à ce sujet, les chiffres les plus fantaisistes commençant hélas à devenir vérité ... « d’Evangile » chez les Juifs !
Bonne lecture

J.C

Pour maintenir dans le temps une population il faut un taux de natalité de 2,1. Si deux couples n’ont qu’un enfant chacun. Si leurs enfants n’ont eux aussi qu’un enfant, en deux générations, la population est passée de 4 à 1, une division par 4.

Or le taux de natalité européen se situe en moyenne à seulement 1,4 : 1,8 pour la France, 1,6 pour la Grande Bretagne, 1,3 pour la Grèce et l’Allemagne, 1,2 pour l’Italie et l’Espagne.

Ces taux sont améliorés par l’immigration venue des autres continents. L’ensemble de l’Union européenne qui compte une population totale de plus de 400 M d’habitants comprendrait aujourd’hui de 25 à 30 millions de musulmans pour la plupart récemment immigrés. Ceux-ci ont un taux de natalité plus élevé que le reste de la population européenne. La proportion de musulmans est en conséquence plus élevée parmi les enfants que parmi les adultes européens.

La présence musulmane n’est pas limitée à l’UE. Il y aurait 25 M de musulmans en Russie, et 9 M aux USA alors qu’en 1970 on n’en comptait que 100.000. L’Afrique et l’Asie sont aujourd’hui largement islamisées. Globalement il semble qu’il y ait aujourd’hui dans le monde plus de musulmans que de chrétiens. On parle de 1,5 milliard de musulmans contre 1,3 milliard de chrétiens

Le président libyen Kadhafi a affirmé qu’Allah vaincrait les impies d’occident sans guerre et sans terrorisme par le seul phénomène démographique.

Il est clair que nos enfants et nos petits enfants vivront dans un environnement où la culture chrétienne aura perdu en influence au profit de la culture musulmane.

Si j’en juge par le passé, les Juifs ont vécu de nombreux siècles dans un monde musulman qui leur a permis de vivre leur religion relativement sereinement. Il y a eu certes en terre d’Islam des pogroms mais dans l’ensemble les Juifs étaient traités comme des « protégés » par les dirigeants du monde islamique. On ne peut en dire autant dans l’Europe chrétienne où les expulsions, pogroms, conversions forcées et massacres en tous genres n’ont pas manqué et ont culminé avec la Shoah.

Au présent, les relations des Juifs avec le monde chrétien depuis Jean XXIII et Jean Paul II ont complètement changé et sont devenues fraternelles. On ne peut pas en dire autant des relations entre le monde juif et la plupart des dirigeants politiques du monde musulman qui ont mal ou pas accepté la création d’un état juif en plein monde arabe.

La démographie n’est pas qu’une science humaine, c’est surtout un ensemble évolutif de données qui modifie l’environnement politique et social dans lequel nous vivons. Je pense bien sûr à l’équilibre démographique en Israël, comme à l’équilibre démographique en France.

Je n’en tire qu’un seul enseignement : ayons beaucoup d’enfants !

Roger Cukierman

(Judaïques FM 21 mars 2010)

25 mars 2010

Turquie, la dérive Erdogan, 2/2 : "100.000 Arméniens de Turquie menacés d’expulsion"

Le premier ministre islamiste turc, Recep Tayyip Erdogan a menacé mercredi 17 mars 2010 de virer 100.000 arméniens de son pays en réponse à la reconnaissance par la Suède et les États-Unis du génocide arménien perpétré en 1915 par les soldats de l'empire Ottoman. La Turquie continue d'exiger de la communauté internationale de ne pas qualifier ce massacre de « génocide ». Elle avait même rappelé le mois dernier les ambassadeurs suédois et américain.

Les Arméniens de Turquie, après la fondation officielle de l'État turc en 1923 par Mustafa Kemal Ataturk, pour la plupart survivants du génocide arménien de 1915-1916, vivent actuellement principalement à Istanbul (60%), mais aussi dans d'autres villes, notamment à l'est du pays. Il reste quelques résidus d'implantation arménienne, notamment près d'Antioche (village de Vakif) et, plus au nord, autour de Van, un des centres spirituels de l'Arménie historique (église d'Aghtamar). Au total 100.000 Arméniens vivraient en Turquie. Ce nombre ne prend pas en compte les Hémichis, musulmans arménophones.

Le peuple arménien s'était établi historiquement depuis des millénaires dans l'est de l'Asie mineure et au sud du Caucase. Mais, au XIe siècle, les Turcs, venus d'Asie centrale, s'imposèrent sur cette région et fondèrent ultérieurement l'Empire ottoman. Les Arméniens devinrent alors une minorité de plus en plus en proie à des discriminations. Durant la Première Guerre mondiale, la majeure partie des Arméniens fut victime d'une politique de massacres et de déportations organisée par le gouvernement des « Jeunes Turcs ». À la fin de la guerre, l'Empire ottoman est démembré et laisse la place à la Turquie moderne.

Les Arméniens de Turquie sont aujourd’hui pris en otages par le gouvernement islamiste d’Ankara qui pourra déclencher à tout moment un exode massif de cette population chrétienne, une expropriation de leurs biens et ordonner la fermeture définitive des institutions arméniennes. Cette menace de la part de Recep Tayyip Erdogan va faire apparaître la question arménienne au grand jour et engendrer un vaste mouvement de sympathie envers les populations arméniennes, et peut être même élargir la reconnaissance du génocide au niveau international.

Ces derniers mois, les observateurs notent une dangereuse radicalisation du gouvernement. Le Premier Ministre turc Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis le 11 mars 2003, est à la tête d’un gouvernement islamiste. Au moment de prendre le pouvoir, Erdogan avait voulu tempérer l’islamisme de sa mouvance politique et rassurer les observateurs étrangers en disant que son parti (AKP, le Parti de la Justice et du Développement) était à l’islam ce que les démocrates-chrétiens (en Allemagne ou en Italie) étaient au christianisme. Une sorte de mouvement démocrate musulman. Son but, éviter d’être confondu avec des islamistes fondamentalistes. Cela ne l’avait pourtant pas empêché de proposer une loi sur l’adultère pour criminaliser l’infidélité conjugale, projet qu’il avait vite abandonné après de nombreuses protestations.

Aujourd’hui le gouvernement turc prône l'expulsion des chrétiens pour renforcer encore les islamistes au pays. Cela est un signal de radicalisation rampante dans ce pays, comme dans d’autres pays musulmans, de nature à fermer définitivement la porte à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Cette nouvelle provocation de l'homme fort de Turquie (pays à écrasante majorité musulmane) démontre - si besoin était - que la Turquie actuelle est très exactement l’État continuateur de l’Empire ottoman totalitaire et qu’elle n’a absolument pas renoncé à son projet de purification ethnique. Les Kurdes sont bien placés pour le savoir.

Il ne faut pas non plus être aveugle à l'intolérance morbide de ce gouvernement envers les juifs en Turquie, qui font face à une remontée inquiétante de l’antisémitisme.

Ftouh Souhail,
Tunis


Note
Le rapprochement entre la Turquie et les pays de l’axe du Mal, et les sérieuses tensions dans les relations entre Ankara et Jérusalem pourraient aussi avoir des effets collatéraux au sein de la communauté juive turque. Voir article Danny Benely - HAMODIA

24 mars 2010

Turquie, la dérive Erdogan, 1/2 : "La grande purge", par Michel Gurfinkiel

Militaires devant le mausolée d'Ataturk à Ankara
(photo tirée du site http://www.turquie-fr.com/)

Dernier bastion du kémalisme, l’armée turque est épurée par les islamistes. La question du maintien d’Ankara au sein de l’Otan est posée.

C'est peut-être sur l'Anit Kebir, l'acropole d'Ankara, que l'on saisit le mieux les contradictions et les drames de la Turquie actuelle. Le fondateur de la République, Kemal Atatürk (« le père des Turcs »), y est enterré, dans un mausolée dont Jacques Benoist-Méchin, son premier biographe français, disait que c'était « l'un des plus beaux monuments du monde », mais où le voyageur d'aujourd'hui voit plutôt un Temple de l'Irréel, un Parthénon revu et corrigé par Speer et Chirico. Précédé d'allées dallées sur lesquelles veillent des lions hittites, ouvrant sur un parvis démesuré, le bâtiment n'évoque en rien l'Orient ou la Méditerranée ; en le visitant, on songe plutôt à l'Eurasie, aux espaces vides, battus par les vents, dont les Turcs actuels sont venus par vagues successives aux environs de l'an mil. En cela, il ne fait d'ailleurs qu'exprimer fidèlement la pensée politique d'Atatürk. Ce dernier, persuadé que son pays ne survivrait qu'en se transformant en État-nation laïque de type européen, voulait gommer quelques siècles d'empire et d'islam, ce qui supposait de se tourner vers un passé plus ancien, fût-il à moitié imaginaire ...

Mais la réalité se venge toujours des rêves et des utopies. L'Anit Kebir a été bâti à la fin des années 1940 et au début des années 1950, quand la Turquie comptait vingt millions d'habitants, et Ankara, moins de trois cent mille. Aujourd'hui, la population turque a presque quadruplé : elle atteint soixante-treize millions d'habitants. Et celle de la capitale a été multipliée par plus de quinze, pour atteindre plus de cinq millions d'âmes. Cette poussée démographique a pu apparaître, dans un premier temps, comme une preuve de vitalité, et donc une justification supplémentaire de l'oeuvre d'Atatürk ou de ses successeurs. Mais à terme, elle s’est exercée au profit d’une « Turquie profonde », archaïque, islamique, qui a peu à peu submergé la Turquie européanisée. On s’en rend compte de façon très physique quand on parcourt l’acropole ankariote. Le bruit trivial de la circulation automobile parvient jusqu'à la cella où repose le premier président. L'horizon, autour du parvis, est désormais barré de tours d’habitation ou de bureaux. Mais surtout, une énorme mosquée de facture néo-ottomane, toute en coupoles et en minarets, a été construite en face du mausolée dans les années 1990, quand la capitale a élu pour la première fois un maire islamiste. Ce bâtiment, par sa masse, son style, réduit à néant le « paysage symbolique » que les kémalistes avaient soigneusement mis en scène.Pendant un demi-siècle, l’héritage laïque et eurotrope d’Atatürk avait été préservé par l’armée. Une démocratie multipartite avait été mise en place en 1950. Mais dès que cette dernière donnait le pouvoir à des islamistes avoués ou déguisés, un coup d’État, ou une menace de coup d’État, remettait les choses en place. Ce système a même été institutionnalisé dans la constitution de 1982, toujours en vigueur : un Conseil national de sécurité, émanant des forces armées, y est investi d’un large pouvoir de contrôle. Mais à la longue, il ne pouvait que perdre de sa crédibilité. La dernière fois que l’armée est intervenue pour faire tomber un gouvernement, c’était en 1997, pour se débarrasser d’un premier ministre islamofasciste, Necmetin Erbakan. En 2002, quand le parti « islamiste-démocrate » AKP, dirigé par Recep Tayyip Erdogan - un disciple quelque peu rebelle d’Erbakan -, a obtenu la majorité absolue au Parlement, les militaires n’ont plus osé s’interposer. Et depuis la seconde victoire électorale de l’AKP, en 2007, ce sont au contraire les islamistes qui ont entrepris de mettre l’armée au pas.

Ils ont d’abord accusé un petit groupe de généraux connus pour leurs idées ultranationalistes, mais aussi des intellectuels et des hommes politiques laïques situés plutôt à gauche, d’avoir mis sur pied une société secrète, l’Ergenekon (« Les Fils du Loup ») en vue d’un nouveau coup d’État. À ce niveau, l’affaire semblait reposer sur un élément de vérité, même si d’autres aspects suscitaient plus de méfiance. Selon les enquêteurs, Ergenekon aurait en effet été responsable de bon nombre des crimes politiques et même crapuleux commis en Turquie depuis deux décennies au moins.Mais les islamistes ne s’en sont pas tenus là. De nouvelles accusations ont culminé avec la mise en cause, le mois dernier, de quarante-neuf chefs militaires de haut rang, responsables d’un plan Balyoz (« Massue ») prévoyant une « stratégie de la tension » : des attentats contre des mosquées, d’autres lieux publics et la flotte de la mer Égée, qui auraient justifié l’instauration de l’état d’urgence. Au total, plus d’un millier de personnes ont été interrogées dans le cadre de ces procédures. Près de trois cents d’entre elles ont été arrêtées, dont deux cents militaires. Et la carrière de plusieurs milliers de personnes supplémentaires, considérées comme suspectes en raison d’une proximité professionnelle ou amicale avec les inculpés, est bloquée, au moins momentanément. C’est bien une purge générale de l’état-major et de l’élite politique et médiatique qui est en cours. Et le remplacement accéléré d’une génération de chefs militaires et de décideurs fidèles à la laïcité par une autre génération, éduquée dans un climat plus favorable à l’islam.

L’armée turque traditionnelle - quelque jugement que l’on porte sur elle - misait sur des liens étroits avec les États-Unis, l’Europe et Israël. Une armée refaçonnée par l’AKP se prépare à de nouvelles alliances : avec l’Iran, la Syrie, les Palestiniens, mais aussi la Russie ou la Chine. Ce n’est plus l’entrée éventuelle de la Turquie dans l’Union européenne qui fait problème : mais le maintien de ce pays au sein de l’Otan.

Michel Gurfinkiel
Hamodia N° 115, 17 mars 2010

22 mars 2010

Un dimanche judéo musulman à la Cité de l’immigration


Dernier né des systèmes d’information, facebook a généré - comme tous les supports d’échange qui l’ont précédé, de l’imprimerie à la radio en passant par les journaux et les premiers supports de l’Internet -, à la fois le meilleur et le pire ... Ainsi en est-il des « groupes », qui peuvent être fondés dans des objectifs nobles d’échanges et de fraternité, ou à l’inverse pour propager la haine et la violence. Nous en avions déjà parlé à mon émission, il y a quelques mois avec Myriam Allouche et Tewfik Sahih, responsables du groupe « Juifs, Musulmans, faisons la paix » (voir en lien).

Partageant en gros le même objectif, le groupe « Shalom, Paix, Salam », organise une journée bien intéressante dimanche prochain 28 mars : « Un dimanche à la Cité nationale de l'histoire de l'immigration », qui comprendra une visite de l'exposition « Générations, un siècle d’histoire culturelle des Maghrébins en France », ainsi que des exposés sur l’histoire de l'immigration juive en France. Mais je laisse Corine Goldberger, une des responsables du groupe et qui est une amie, présenter cette journée :

« Dimanche 28 mars 2010, « Shalom Paix Salam » vous invite à la Cité nationale de l’Histoire de l’Immigration, pour une journée entière, sur les traces des immigrations juives et musulmanes, venues d’Europe de l’Est, et du Maghreb. Un parcours de mémoire et de partage, entre sur le canevas de l'exposition « Générations, un siècle d’histoire culturelle des Maghrébins en France », qui se tient actuellement à la Cité de l’histoire de l'immigration. Partageons nos histoires! Si vous avez envie de raconter la votre, si vous avez des anecdotes, préparez un petit texte, et dites le nous avant le 28, pour nous aider à structurer la journée. A la fin du parcours, nous avons prévu un temps de partage de nos histoires.L’occasion fabuleuse, de confronter, de Casablanca à Varsovie, de Kiev à Alger en passant par Tunis, les récits, les anecdotes, les témoignages et les mémoires, tragiques et humaines, du grand départ, de la vie en France, de la transmission. Les objets et les lieux, de cultures, d’existence. Survivants des pogroms puis de la Shoah venus de Pologne, d’Allemagne, de Russie, Juifs de Tunis, Alger, Constantine, arrachés à un pays-racine, sur le même bateau ou presque, que leurs anciens compatriotes, musulmans, tous vivent ensemble, aujourd’hui en France. Mémoires et récits se font écho. Certaines, racontent la co-existence séculaire entre Juifs et Musulmans, aux destins liés par-delà colonisation, et décolonisation. La journée commencera à 10h par une visite guidée de l'expo "Générations, et nous aurons comme conférencière, la commissaire de l'exposition elle-même." Venez au moins 20 minutes avant le début, vers 9h 45, pour avoir le temps de passer à la caisse et pour que la conférence commence à l'heure prévue. Après la pause déjeuner à la cafette orientale du musée (possibilité de déjeuner/sandwicher au café les Cascades, en face du musée, si nous sommes très nombreux), nous reprendrons la visite, sur les traces de l'immigration ashkenaze en France: le Marais, Belleville, le yiddish, la langue des juifs d'Europe de l'est ... »

J’ajouterai à ce programme qui, je l’espère, vous donnera envie de venir, une interview de Corine Goldberger, qui présente son groupe sur le site « Respublica », sur ce lien.

J’ajouterai, pour finir, que deux amis viendront parler l’après-midi de l’immigration juive venue de Tunisie : le professeur Claude Nataf, président de la S.H.J.T, et André Nahum, mon vieux complice de Judaïques FM !

20 mars 2010

La société marocaine en quête d’identité : Pierre Vermeren sera mon invité le 28 mars

Pierre Vermeren
Nous allons reprendre dimanche prochain avec Pierre Vermeren la suite de l’entretien diffusé le 14 mars à propos de son dernier livre, « Le Maroc de Mohammed VI, la transition inachevée » aux éditions « la Découverte ». Rappelons aux auditeurs de Judaïques FM qui auraient raté la dernière émission et qui ne le connaitraient pas encore, qu’il est historien de formation, arabisant, maître de conférences en histoire du Maghreb contemporain à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, et surtout grand spécialiste du Maroc, où il a enseigné au lycée français Descartes de Rabat. Son dernier ouvrage est un livre très riche de 300 pages, qui tente un premier bilan de dix ans de règne, puisque le jeune Roi a pris ses fonctions en 1999 à la mort de son père, Hassan II. Dans notre première partie, nous avions abordé la politique intérieure, extérieure, l’état des libertés, parlé un peu d’économie, mais il restait à aborder la société marocaine d’aujourd’hui. C’est un sujet dont l’intérêt dépasse largement la curiosité universitaire, parce qu’on sait, par exemple, que l’immigration marocaine est devenu une composante importante de l’islam européen : selon l’évolution des mentalités, de l’autre côté de la Méditerranée, et bien on risque d’avoir un impact pour nous, pas seulement géopolitique mais aussi jusque dans nos banlieues. Dialectiques arabité et berbérité, orient et occident, tradition et modernité, autant de domaines très peu abordés dans les livres et reportages sur le Maroc, et ce sera donc l’occasion d’en parler.
Parmi les questions que je poserai à Pierre Vermeren :
- Tout le monde s’attendait à un fort score du « Parti de la Justice et du Développement » aux dernières élections, ceux que l’on pourrait appeler les « islamistes légaux » : et, surprise, ils ont nettement reculé, et le pouvoir ne semble pas avoir besoin d’eux pour gouverner. Que s’est-il passé ? Est-ce que c’est une manipulation des résultats ? Est-ce que c’est une évolution de la société marocaine, qui a eu peur de l’islam politique après les attentats de 2003 ?
- Il y a toujours eu au Maroc « l’islam autochtone », celui des confréries « tarikas », avec le culte des sanctuaires ou « zaouias », le maraboutisme, une religion très imprégnée de traditions berbères ; la mystique soufie qui avait eu beaucoup d’influence dans le pays ; le malékisme, qui est une école juridique de l’islam propre au Maghreb, à la fois dogmatique et accommodante dans la vie quotidienne. Mais il y a eu aussi plusieurs décennies de rapprochement avec l’Arabie Saoudite qui a financé des mosquées et des centres coraniques, il y a eu l’influence des télés satellitaires en provenance des pays du Golfe, et tout cela a donné une véritable « colonisation des lieux de culte » par le wahabbisme : est-ce qu’il n’est pas trop tard pour redresser la barque ?
- Depuis 2003 et la reforme du code définissant le code de la « moudawana », en théorie, les femmes ont une égalité juridique face au mari, elles peuvent demander le divorce, elles se marient à partir de 18 ans, elle ne peuvent plus être répudiées ; et pourtant, on a l’impression que ce nouveau statut a du mal à s’imposer, pourquoi ?
- Le livre évoque l’intérêt de certains milieux universitaires pour le passé juif du pays ; mais d’après un sondage, 63 % des Marocains se sentiraient plus proches d’un Afghan que d’un juif marocain ... est-ce que cette tendance pourra être renversé moyennant un effort éducatif ? Et n’est-ce pas inquiétant à terme pour la toute petite communauté juive, qui est quasiment la dernière structurée dans le monde arabe ?
- L’immigration marocaine a triplé entre 1994 et 2007 ; il y a officiellement 3 millions et demi de Marocains à l’étranger, mais si on compte les moins de 16 ans et les clandestins, ils doivent être près de 5 millions, soit plus de 15 % de la population totale du pays. La majorité vit en France, où elle constitue la première communauté étrangère : est-ce que cette pression démographique vers l’Europe va continuer ? Comment le pouvoir gère-t-il cette immigration, dans la mesure où souvent - en France, en Belgique, aux Pays-Bas - cette population semble basculer vers un islam radical ?

J’espère que vous serez nombreux à l’écoute dimanche prochain !

J.C

19 mars 2010

L’Imam de Drancy : nouvelle agression, lâchage et intimidations …

l'Imam de Drancy, Hassen Chalghoumi

En cliquant en libellé sur son nom, vous découvrirez ou redécouvrirez combien cet ancien invité de mon émission a eu à subir des pressions, à la fois morales et physiques, de la part des islamistes radicaux parce qu’il s’était rapproché - de façon spectaculaire - de la communauté juive ; et aussi, faute impardonnable aux yeux de ces fanatiques, parce qu’il avait dit qu’il était pour l’interdiction de la burqa ...

Nouvelle agression, le lundi 8 mars, avec une intrusion de membres du « collectif Cheikh Yassine » (du nom du fondateur du Hamas), une intrusion qui provoquera la fermeture de la Mosquée pendant trois jours
(lire ici). Sur cette vidéo - voir en lien - mise en ligne sur « Dailymotion » par un supporter du collectif de pseudo « Résistance palestinienne », on peut entendre l’un des « manifestants » dénoncer les caméras de surveillance, et se lancer dans une accusation délirante : ces caméras serviraient au CRIF pour visionner les femmes musulmanes faisant de la gymnastique dans une des salles du local ! « Juifs pervers », « Juifs espions », «Juifs ennemis de l’islam », « dialogue avec les Juifs = trahison » ... tous les poncifs de l’antisémitisme le plus abject sont réunis dans ce document, et dans les dizaines de commentaires que vous pourrez lire à la suite. Des commentaires qui font peur, comme l’énorme succès de cette vidéo - plus de 60.000 vues !

Par contraste, une manifestation a eu lieu le jeudi 11 mars au soir devant la Mosquée : on pourra la visionner
sur cet autre lien. Hélas, seule une petite cinquantaine de personnes étaient présentes, selon un ami présent. Pratiquement pas de personnalités, hormis le courageux Maire de Drancy qui, lui, n’a pas « lâché » l’imam Chalghoumi. Soutien moral, aussi, du président du CRIF - CRIF traité de « voyou » par les membres du sympathique collectif ; et soutien, quelques semaines avant, de la courageuse Caroline Fourest, qui parlait de « l’imam sacrifié » dans les colonnes du journal « Le Monde » : vous pourrez lire ces différents documents sur le blog de mon ami Bernard Koch, "la vérité entre nous".

18 mars 2010

Israël: le poids politique exorbitant des religieux


Même si la politique israélienne n’est pas évoquée dans la majorité des publications de ce blog, il m’était impossible de passer sous silence la grave crise diplomatique qui vient d’éclater entre Israël et les Etats-Unis : une crise mal venue quelle que soit la saison, mais particulièrement critique, face à une administration américaine à la fois incomptétente face au défi iranien et peu amicale vis-à-vis de l’état juif ...
Jacques Benillouche vient d’écrire un article incisif dans l’excellent site « slate.fr », où il rappelle l’influence désastreuse des partis religieux dans le jeu politique israélien. Et mes lecteurs et auditeurs fidèles seront peu surpris de mon adhésion complète à cette analyse !

Tzipi Livni, arrivée en tête des élections avec son parti Kadima, n'a pas été désignée pour constituer un gouvernement parce qu'elle refusait l'alliance avec les orthodoxes du Shass qui se sont alors tournés vers Benjamin Netanyahou. Tout paraissait alors facile, mais c'était sans compter sur la versatilité des partis religieux et sur leur capacité de marchandage. Les intenses négociations, qui avaient contraint Netanyahou à réclamer au président de l'Etat un délai supplémentaire pour constituer son gouvernement, auguraient des difficultés futures à diriger ses troupes.
Les religieux viennent d'infliger au vice-président américain Joe Biden un camouflet historique. Le ministre israélien de l'Intérieur, Elie Yishaï, du parti religieux Shass, a profité de sa présence pour annoncer la construction de 1.600 nouveaux logements à Ramat Shlomo, un quartier habité par des juifs ultra-orthodoxes dans un secteur en majorité arabe de Jérusalem. Cette annonce en plein gel de la construction, évidemment préméditée, ne pouvait s'interpréter comme une maladresse involontaire mais plutôt comme une provocation visant à mettre le gouvernement en difficulté face aux diktats d'un des membres de la coalition. En décidant de torpiller ouvertement cette visite, le Shass voulait faire comprendre aux politiques que rien ne se ferait avec lui et encore moins sans lui. Le ministre israélien de l'Aide sociale, Isaac Herzog, a été mandaté par le gouvernement pour adresser des excuses officielles au vice-président américain Joe Biden, après cette annonce intempestive.
Capacité de nuisance
Les religieux, en minorité dans le pays, ont une influence très importante car ils peuplent en majorité les implantations et ils peuvent y susciter des troubles qui se propageraient à l'intérieur du pays. La capacité de nuisance des religieux est due à la proportionnelle intégrale en Israël qui parsème les voix entre plus de trente listes et rend le pays ingouvernable et instable. Les partis religieux, forts de leur statut de partis charnières, usent de surenchère sans se soucier de l'intérêt général du pays. Ils ont refusé de soutenir Tzipi Livni qui représentait pour eux le diable en jupons et qui avait refusé leurs exigences surestimées ne cadrant pas avec leur poids politique réel.
Seize députés, à peine, dictent leur loi avec des revendications qui, souvent, n'ont rien de politiques mais uniquement sectorielles pour ne pas dire religieuses. Leur culture politique s'arrête à l'octroi de fonds qui leur permettent de faire vivre leurs écoles talmudiques fréquentées par des élèves totalement pris en charge. Ils favorisent ainsi l'émergence de jeunes oisifs étudiant les textes sacrés à longueur de journée, loin de la réalité du pays, loin du modernisme et dans un anachronisme inquiétant. Nombreux sont ceux qui se fondent sur l'alibi de ces études dans les colonies pour échapper au service militaire national.
Netanyahou doit sauvegarder sa coalition hétéroclite et se trouve ainsi pieds et poings liés avec des religieux dont la culture politique s'arrête à l'entrée des synagogues et dont les thèses extrémistes sont dévoyées au nom de la loi religieuse. Alors que le pays est en majorité laïc, ses citoyens subissent la chape imposée par les rabbins. Le dernier exemple vient de l'interdiction faite aux chanteuses de se produire face à un public masculin.
Orthodoxes antisionistes
Tzipi Livni avait déjà compris cette dialectique puisqu'elle avait préféré renoncer au poste de chef du gouvernement pour ne pas vendre son âme. Elle avait surtout compris, en tant qu'héritière d'une famille profondément sioniste, qu'elle ne pouvait accepter la déviation antisioniste de certains orthodoxes qui estiment que «lorsque l'Etat d'Israël reviendra à la Torah, nous célèbrerons le Jour de l'Indépendance». Ces nouveaux adeptes des livres sacrés semblent vouloir renier l'histoire moderne d'Israël et soustraire à leurs fidèles le symbole même de l'Etat. Ainsi la bénédiction traditionnelle faite par les juifs, dans tous les pays du monde, pour bénir l'Etat dans lequel ils vivent a été purement et simplement supprimée de certaines liturgies en Israël.
Netanyahou ne s'encombre pas des mêmes réserves que Livni et, pour gouverner, il était prêt à s'allier au diable et à accepter toutes les concessions. Il constate aujourd'hui le danger d'alliés instables capables de mettre en péril l'amitié solide avec les Etats-Unis. Ils monnayent leur participation au prix fort sachant qu'ils pourraient quitter au pied levé la coalition si leurs exigences n'étaient pas respectées. Ils bloquent tout processus de paix car ils s'appuient sur des arguments bibliques et non politiques pour justifier le Grand Israël et s'opposent à toute rétrocession d'une quelconque parcelle de la Cisjordanie aux arabes. Ils sont confortés dans leur position par le lobby juif religieux américain, très puissant aux Etats-Unis, pourvoyeur d'aide financière à l'Etat d'Israël.
Le rêve de l'Israélien moyen est que les partis extrêmes, la droite nationaliste et les religieux, soient éliminés de la gouvernance et que le Premier ministre ne s'appuie que sur le Likoud, le parti travailliste et les centristes de Kadima. Cette majorité de 68 députés est suffisante pour conférer au gouvernement une stabilité qui lui permettra enfin d'aborder les problèmes sérieux du pays. Elle lui permettra surtout de définir précisément un programme consensuel pour résoudre le conflit israélo-palestinien qui s'enlise car, en décidant de ne pas décider, il gouverne à coup de faits accomplis. Tandis que le monde attend des Israéliens des initiatives politiques, le poids des religieux mine la situation en Israël au moment où le conflit avec l'Iran entre dans sa phase décisive. Les pessimistes comptent, pour débloquer la situation, uniquement sur des évènements semblables à ceux de 1967, lorsque l'union nationale a été réalisée parce que le pays entrait en guerre.

Jacques Benillouche
Source : site slate.fr, le 11 mars 2010

17 mars 2010

Sayed Tantawi, le « Fils de la Lumière » qui s’éteint

Rencontre Peres - Tantawi

Le peuple égyptien et le monde musulman en général viennent de perdre un grand homme.

Le cheikh Mohammed Sayed Tantawi, recteur de l’Université cairote Al-Azhar et plus haute autorité morale de l’islam sunnite, est mort brutalement des suites d’une crise car­diaque le 10 mars 2010 à l’aé­ro­port in­ter­na­tio­nal du Roi Kha­led, dans la ca­pi­tale saou­dienne, Riyad où il était en vi­site pour as­sis­ter à la cé­ré­mo­nie de re­mise de prix or­ga­ni­sée par le Roi (1).

Cheikh Mo­ham­med Sayed Tan­tawi, connu pour ses prises de po­si­tion en fa­veur des droits de la Femme, a reçu en 1996 un doc­to­rat en in­ter­pré­ta­tion du Coran et la Sunna, les en­sei­gne­ments du Pro­phète Ma­ho­met. Il en­sei­gna la re­li­gion jusqu’en 1986, date à la­quelle il a été nommé Mufti d’Égypte. Nommé en mars 1996 par le président égyptien Hosni Moubarak à la tête de la prestigieuse Université Al-Azhar, cheikh Tantawi était une figure révérée des 1,4 milliards de musulmans de la planète. Ses fatwas (décrets religieux) avaient un poids considérable, particulièrement en Egypte.

Tantawi était considéré comme ayant des vues libérales sur des questions comme les droits de la Femme, mais critiqué par les extrémistes pour son alignement sur les positions d’un Islam novateur.

En janvier 2000, en plein débat sur le divorce en Égypte, il avait décrété que rien dans l’Islam n’empêchait les femmes de divorcer aussi facilement que les Hommes. « Les hommes ne sont pas faits d’or et les femmes d’argent », avait dit-il alors déclaré devant le parlement. Tantawi a dénoncé notamment l'excision comme une pratique non musulmane, il s'est prononcé contre le niqab, le voile intégral, qu'il a banni des établissements pour jeunes filles gérés par Al Azhar. Le 5 octobre 2009, l'imam de la prestigieuse mosquée cairote d'Al-Azhar a ordonné à une collégienne d'ôter son niqab, se disant déterminer à interdire le port du voile intégral dans les lycées sous son autorité. L'adolescente a dû ôter le voile cachant son visage. L'imam a réagi en demandant à la collégienne de ne plus jamais porter le niqab (2).

Lors du débat sur le voile en France, il a introduit une distinction quant au respect des préceptes coraniques, selon que le croyant vit dans un pays musulman ou dans un autre pays, à savoir que le Musulman est tenu de se plier aux lois du territoire où il vit. Il a ainsi contredit ceux qui accusaient l'État français d'abus de pouvoir dans l'affaire du voile, en opposition avec certains oulémas d'Al-Azhar ainsi qu'avec le cheikh d’origine égyptienne Youssef Qaradaoui pour qui, c'est une obligation religieuse non négociable. Nicolas Sarkozy est allé consulter en Egypte Mohammed Sayed Tantawi, considéré comme la plus haute autorité sunnite, au sujet de sa politique relative à l'Islam. Le cheikh Tantawi a assuré que "La France a le droit d'interdire le voile".

Dans les éminentes responsabilités qu’il a assumées comme Grand Mufti d’Égypte puis Grand Cheikh de l’Université d’Al-Azhar et Grand Imam de la Mosquée d’Al-Azhar, Mohammed Sayyed Tantawi a œuvré inlassablement en faveur de la compréhension entre les peuples et les religions. Homme de paix et de tolérance, il incarnait un Islam de dialogue et d’ouverture.

Il était également considéré comme le chef du camp d’un Islam non violent. Après l’attentat de Louksor, le cheikh Tantawi avait pris une position particulièrement ferme, traitant les auteurs de l’attentat de salauds, en précisant : « Le fanatisme est le résultat d’une méconnaissance de l’Islam. Il est le fait d’esprits étroits et le résultat d’un mauvais enseignement de l’islam. Le rôle d’Al-Azhar est de ramener les égarés à la vérité et de mettre fin aux conflits entre sectes qui sont très dangereux pour les musulmans. Nous sommes contre tous les fanatismes, contre toutes les discriminations et contre toutes les violences. »

Ses enseignements, très appréciés des modérés du monde musulman, ont déclenché nombre de polémiques. Il s’était mis les fondamentalistes à dos en soutenant la transplantation d’organes, en dénonçant l’excision et en réclamant une plus grande présence des femmes aux postes à responsabilité.

Partisan du processus de paix avec Israël, il avait aussi suscité la colère de nombreux Égyptiens, en rencontrant en 1997 le Grand Rabbin d’Israël, Yisraël Lau. Cheikh Tantawi avait alors été accusé de vouloir normaliser les relations avec l’État hébreu, ce que la population égyptienne n’apprécie guère, bien que Le Caire ait signé la paix avec Israël en 1979, un des deux seuls pays arabes à l’avoir fait. En 2008, il avait fait l’objet d’appels à la démission pour avoir serré la main du président israélien Shimon Pères à l’ONU au cours d’une conférence oecuménique. La photo de l’accolade « Tantawi- Peres » était présentée comme une trahison.

Nous étions les seuls, il a deux ans, à avoir exprimer notre solidarité avec le Cheikh égyptien Tantawi objet de condamnations systématiques des intégristes (3). Nous avons d’ailleurs révélé que la presse arabe était aussi complice dans cette agitation malsaine contre le Cheikh égyptien Tantawi, le grand imam du Caire. Les adeptes de la haine et de la violence tout azimut ont fait de Tantawi leur cible privilégié. Docteur en théologie diplômé d’Al-Azhar, où il avait enseigné avant d’être nommé grand mufti d’Egypte en 1986, cet homme du dialogue entre religions était un artisan du rapprochement interreligieux et de tout dialogue à l'égard de nos frères Juifs. Tantawi a du faire face durant son long parcours à des individus absolument immoraux, et à des antisémites enragés qui portent une pure réplique de la propagande nazie. Ces ringards illettrés parlent toujours de « trahison » pour une simple accolade, alors qu’eux même ils trahissent le message de la tolérance de l’Islam et ils trahissent encore plus la grandeur et la richesse de ce grand pays qui est l’Egypte.

Suite à sa disparition, la France a présenté ses condoléances aux autorités égyptiennes et au peuple égyptien et s’est associée au deuil de tous les musulmans modérés pour qui Cheikh Tantawi était une référence morale et religieuse. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, l’avait rencontré au Caire, le 30 décembre 2003. La disparition du Cheikh Tantaoui, le symbole de l’ouverture musulmane égyptienne, est une perte immense pour le camp des modérés. Le monde musulman perd en lui une personnalité de premier plan au service du dialogue interculturel et interreligieux. Israël particulièrement, n’avait pas de chance car il avait besoin de cette ouverture. Cet homme avait engagé la réforme de l’Islam, l’amitié avec Israël et d’autres doctrines impopulaires.

Aujourd’hui, dans la majorité des pays musulmans, il est rare de tomber sur des figures musulmanes éclairées et réformistes comme Tantawi. De plus en plus, nous sommes en face à d’authentiques fanatiques qui, dans le meilleurs des cas, pratiquent l’éternel double langage. Ces faux prêcheurs, ignares incultes, pleins de rage et de haine qui vivent à nos dépends (pour ne pas dire à nos crochets) ont des liens terrifiants avec les idéologies antisémites (Protocole des Sages de Sion, « Mein Kampf » et autres).

Le vide politique et le renoncement à « l'Ijtihad » (recherche et interprétation) ont laissé la voie ouverte à toutes les interprétations et les diverses lectures, dont certaines, sciemment ou non ont déformé le véritable message de l’islam. Au lieu de revenir faire « mea culpa » de l'intérieur et faire des recherches pour connaître le message civilisationnel de cette religion, des personnalités islamiques incultes et manipulés se sont versés dans une voie criminelle au nom de pseudo « Jihad ». Ils ont offensé et déformé l'image des Musulmans dans le monde.
Cette voie est prônée par les radicaux héritiers de Sayyid Qutb et de Hassan al Banna. Mais aussi par leurs disciples en Europe comme Anjem Choudary, ou Youssef Qaradoui, qui prêchent la même doctrine et insistent sur le fait que le Jihad est un devoir commandé par le Coran. La haine et le révisionnisme sont aujourd’hui prônés par des milliers d’islamistes radicaux qui appellent directement à la «guerre des civilisations» et au conflit généralisé et direct. Chaque disparition d’un éminent érudit musulman, comme cheikh Tantawi, nous rappelle que l’Islam d’aujourd’hui souffre véritablement d'une « maladie » pour emprunter l'expression du penseur franco-tunisien Abdelwahab Meddeb (Abdelwahab Meddeb, « La maladie de l'islam », Seuil, 2002.). Lorsque les esprits lumineux manquent, l’Islam devient plus réactionnaire par manque de savants et théologiens réformateurs qui font cruellement défauts. Et c’est ainsi que le chemin vers la modernité et vers la reconnaissance de l’individu sera plus difficile.

Aujourd’hui, nous sommes tous tristement familier avec le discours islamiste intransigeant. Les appels des imams au djihad dans les mosquées ne sont plus forcément mises en cause par certains gouvernements arabes. Pourtant, les populations musulmanes ont besoin de mesures urgentes condamnant le programme de l´islam politique, qui déforme le sens des Écritures pour légitimer la violence. Les attentats de Bombay et de Lahore, les exécutions publiques et l´assassinat de plus d´un millier de civils dans la vallée de Swat par les terroristes talibans, constituent d´horribles exemples des atrocités commises par les groupes d´activistes de l´islam politique. C´est la responsabilité morale des musulmans de prendre part au développement social, politique et économique de leurs pays et sociétés dans lesquelles ils vivent. Les sociétés musulmanes feraient bien de suivre l´exemple du Cheikh d'Al-Azhar, Mohamed Sayed Tantawi, considéré comme référence moderniste de l’islam sunnite progressiste. Tant que l'Islam et les pays qui se servent du Coran comme force de loi politique n'auront pas effectué le même chemin de la réforme prôné par ce Grand Cheikh, alors rien ne pourra réellement nous faire croire que nous sommes en face d'un Islam de tolérance et d'ouverture comme ce fut le cas à Cordoue ; et nous serons alors enclin à se méfier de cet Islam d'intolérance persécuteur, massacreur de Juifs en Arabie ou féroce envers les chrétiens dans les Balkans. Nous avons désespérément besoin d´hommes visionnaires dans le monde arabe, car l’islamisme radical est une menace pour les régimes arabes et pour les Juifs en particulier. Le terrorisme islamique est devenu une menace planétaire… Certes, tous les musulmans ne sont pas islamistes mais aujourd’hui la grande majorité des terroristes sont islamistes ! Assisterons-nous un jour à la victoire des « Fils de la Lumière » de l’Islam sur les « Fils de l’Obscurité » de l’intégrisme terroriste ?

Le Cheikh Mo­ham­med Sayyed Tan­taoui, a été en­ter­ré tard mer­cre­di au ci­me­tière d’Al-​Ba­qee, dans la ville sainte de Mé­dine, où se trouve le mausolée du Prophète. Sa mort en terre d’Arabie Saoudite et son inhumation dans le mausolée de Mahomet a une signification particulaire dans l’islam. Elle prouve, en autres, que cet homme n’a jamais trahit l’Islam en acceptant le dialogue avec Israël et offrant une accolade au président de l’état juif. Ce n’est pas offert à chaque Musulman de mourir en Arabie et de reposer à coté du Prophète de l’islam. C’est même un honneur inaccessible pour la majorité des fidèles. Les Musulmans qui visiteront prochainement le mausolée de leur Prophète, dans la sainte ville de Médine, pourront se souvenir à chaque fois qu’il y a désormais un grand savant musulman, fils de lumière et ami d’Israël qui repose à coté de Mahomet.

Espérons simplement que son successeur sera aussi brillant et intelligent que lui. Et que son âme repose en paix. Et nul doute que son héritage soit suivi par de nombreuses disciples !
Ftouh Souhail
Tunis

(1) Né en 1928 dans le village de Salim, dans la province de Sohaj (290 km au sud du Caire), Cheikh Tantawi, diabétique et souffrant d'une maladie cardiaque, avait subi en 2006 une opération de la valve mitrale.
(2) Une grande majorité d'Egyptiennes musulmanes portent le hijab, un foulard cachant les cheveux et le cou mais laissant le visage à découvert. Le nombre d'Egyptiennes arborant le niqab est toutefois en augmentation depuis quelques années. Le niqab, voile intégral complété par une étoffe ne laissant apparaître qu'une fente pour les yeux, s'est répandue dans les pays arabes sous l'influence de l'islam wahhabite en provenance d'Arabie saoudite.

07 mars 2010

Blog au repos ...


De temps en temps, il est nécessaire de souffler un peu : mes amis et lecteurs fidèles ont peut-être noté que je le fais environ tous les trois mois. Précisons aussi que cette pause sur la Toile ne correspond pas à de « vraies vacances » car je demeure fidèle au poste ... à mon bureau !

Dix jours de repos donc, jusqu’au mercredi 17 mars et sauf développements dramatiques de l’actualité. Sur le blog, comme - pour mes ami(e)s qui m’y suivent - sur facebook.

Bonne continuation à toutes et tous. Et à dans dix jours !

06 mars 2010

Dix ans de règne de Mohammed VI, transition ou décollage ? Pierre Vermeren sera mon invité le 14 mars



Mon prochain invité sera Pierre Vermeren, que les auditeurs de Judaïques FM fidèles à ma série doivent connaître un peu maintenant, car j’ai déjà eu à plusieurs reprises le plaisir de le recevoir. Les lecteurs fidèles du blog un peu, aussi, car il suffit de cliquer sur son nom en libellé pour découvrir quelques articles sous sa signature. Il est historien de formation, arabisant, maître de conférences en histoire du Maghreb contemporain à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, et surtout grand spécialiste du Maroc, où il a enseigné au lycée français Descartes de Rabat pendant 7 ans. Rappelons au micro quelques ouvrages dont nous avions parlé ensemble : « Maghreb, la démocratie impossible ? » ; « Histoire du Maroc depuis l’indépendance » ; et « Le Maroc », dans la collection « Idées reçues ». Il a publié l’année dernière « Le Maroc de Mohammed VI, la transition inachevée» aux éditions « la Découverte », c’est un livre très riche de 300 pages et qui venait à point nommé pour établir un premier bilan de dix ans de règne, puisque le jeune Roi a pris ses fonctions en 1999 à la mort de son père, Hassan II. J’ai pensé que 25 minutes seulement n’auraient permis que de survoler cette compilation où il a abordé tous les aspects de la réalité marocaine, et donc notre interview se déroulera en deux parties : le 14 mars, nous aborderons de front le sujet de son livre, en nous demandant si le nouveau Roi a répondu à tous les espoirs mis en lui par son peuple - libertés, développement économique, statut du pays dans le monde, bref nous essaierons de comprendre si, à son avis, le Maroc a enfin décollé ou si ce monarque n’aura inauguré qu’une longue transition. Et puis, deux semaines plus tard une autre émission sera consacrée à la société marocaine d’aujourd’hui, là nous resituerons bien le pays dans son contexte d’une terre d’islam certes, mais qui n’a pas basculé dans l’islam radical, et d’une identité qui se cherche, à mesure que les libertés progressent, entre arabité et berbérité, orient et occident, tradition et modernité.

Parmi les questions que je poserai à Pierre Vermeren :

- Est-ce que Mohammed VI et ses conseillers ont su bien gérer les menaces terroristes, sans sombrer dans une guerre civile comme dans l’Algérie voisine ?
- Est-ce que l’on n’a pas - surtout depuis le départ de Jacques Chirac et certaines maladresses récentes de la diplomatie française -, un rapprochement marqué avec les États-Unis ?
- Le livre décrit bien toute une stratégie de communication, associée à son image de « Roi des pauvres », « proche du peuple », « ne se dissimulant plus au regard des caméras » : par exemple, alors que l’on ne savait rien sur les concubines de Hassan II, le Roi s’est marié avec une jeune femme moderne, Leila Selma, ingénieur de formation, que l’on voit à ses côtés lorsqu’il fait des tournées dans le pays ; est-ce que tout cela relève seulement de l’image médiatique, ou est-ce que dans le fond, Mohammed VI se fait une autre idée du pouvoir ?
- Est-ce que le Maroc deviendra un jour prochain une « monarchie constitutionnelle » comme le sont devenus les royaumes européens ? Et qui dirige réellement le pays, le Roi, le Gouvernement, les Conseillers du Palais ?
- Découvrant le pays l’année dernière, je m’attendais à un pays pauvre, avec une immense partie de la population miséreuse et quelques riches ; et j’ai été frappé, au moins dans un rayon de 100 kilomètres autour de Casablanca par le nombre de voitures neuves, les grands immeubles d’habitation qui ont poussé partout, le réseau d’autoroutes, les zones cultivées ... Est-ce qu’on peut dire qu’au moins pour le bien être de la population, ce début de règne a obtenu des résultats ?

Une émission qui - comme la suivante - nous fera un peu oublier l’actualité si lourde du Moyen-Orient ... et qui intéressera, j’en suis sûr, tous les amoureux du Maroc !

J.C

04 mars 2010

Un grand bol d'air marin ...

"Le port d'Alger", toile d'Albert Marquet

Une toile sur la Toile
- mars 2010

Albert Marquet (1875-1947), paysagiste inclassable, a immortalisé certains paysages d’Algérie et de Tunisie par la magie de sa palette lumineuse. J’avais repéré dans le passé quelques unes de ses œuvres, au hasard de mes vagabondages orientalistes. Mais j’ai réalisé tout dernièrement la qualité de sa période "coloniale", en feuilletant le magnifique hors série du "Figaro" consacré au cinquantenaire de la disparition d’Albert Camus (lire ou relire à son sujet cet article sur le blog) : ce numéro spécial s'ouvre en effet par des magnifiques reproductions de peintures illustrant le décor de l’enfance algéroise du grand écrivain, et parmi elles plusieurs signées Marquet ... A noter également cette page très intéressante sur le séjour algérien de l'artiste, que je mets en lien.

Cette vue du port d’Alger ne faisait pas partie des peintures de la revue : mais je l’ai trouvée splendide ; et elle donne vraiment envie d’aspirer une grande bouffée d’air marin, histoire d’oublier un peu l’actualité et nos angoisses quotidiennes ! 

J.C

03 mars 2010

Dalil Boubakeur : rumeurs de départ et agitation sur la Toile

Dalil Boubakeur
(photo Grande Mosquée de Paris)

Raisons de santé ? Lassitude face aux attaques, et à la difficulté d’incarner un « islam français » - à l’heure où le débat sur « l’identité nationale » s’est embourbé à propos de la place de cette religion dans notre société ? Depuis sa décision de ne pas faire participer la Grande Mosquée de Paris aux dernières élections du CFCM, et l’arrivée de son successeur à la tête de cette institution - lire sur le blog -, le départ supposé prochain (1) du Recteur de la Grande Mosquée fait l’objet de rumeurs et spéculations.

On se reportera en particulier à cet article, publié sur le site musulman très lu, "Saphir News". Extrait significatif :
« Le conflit au Proche-Orient, le port du voile islamique en France, la discrimination à l’égard des musulmans ... Sur chacun de ces dossiers, M. Boubakeur était apparu en décalage total avec les attentes de la communauté musulmane de France. Or, pour tout le monde, la Mosquée de Paris c’est l’Algérie. Les positions de Dalil Boubakeur sont donc souvent considérées comme celles d’Alger. Ce qui est loin d’être le cas. »

Émanation un peu ambivalente à la fois de l’État français - qui a présidé à la construction de la Grande Mosquée de Paris dans les années 1920 -, et de l’Algérie - dont les positions par rapport aux dossiers évoqués par « Saphir News » sont tout sauf modérées -, le futur Recteur devra, dans tous les cas, réaliser une sorte de quadrature du cercle. Cette succession agite particulièrement les lecteurs d’un site algérien, « Algérie Focus », et je vous invite à lire cet article : les successeurs potentiels de Dalil Boubakeur sont évoqués, et en particulier Ghaleb Bencheikh, qui fut à deux reprises mon invité dans les premières années de « Rencontre ».

On se doute bien que des « fins limiers » sont allés chercher sur la toile des informations à propos de ce dernier, et c’est ainsi qu’un dénommé Kais a mentionné en commentaires à l’article, une publication de mon blog, datant de septembre 2007 : seulement, lecteur pressé, il ne mentionne pas qu’il s’agit de la reprise d’une interview de Bencheikh dans « Libération », mais il parle d’un « entretien à Judaïques FM » ; et pour cet excité, il s’agit d’une faute inexpiable, jugez-en par ces propos peu amènes :
« Ghaleb Bencheikh ? Un autre cheikh issue des laboratoires du colonialisme et de l’orientalisme, je vous conseille ce lien ou il dit bien ce qu’il «pense » (on a pensé pour lui) à propos du voile et des jeunes séduits par un retour à l’Islam. Après Dalil Boubakeur ... voila Ghaleb Bencheikh ; décidément l'Algérie française n’a pas fini de secréter de la puanteur collaborationniste »

Notons, aussi, que sur ce site algérien comme sur « Saphir News », d’autres intervenants heureusement moins sectaires et fanatiques s’expriment aussi ... mais décidément, la succession à la Grande Mosquée de Paris a déjà pris un tour éminemment politique !

J.C


(1) : le Recteur Dalil Boubakeur n'a absolument pas confirmé, officiellement ou officieusement, ce prochain départ que beaucoup souhaitent.

01 mars 2010

Islam et société : les propos clairs de Benoît Hamon dans le « Bondy Blog »


Je ne crois avoir abusé de compliments envers la gauche en général et le Parti Socialiste en particulier ... non pas en raison d’appréciations personnelles sur les grandes options économiques ou sociales que ce dernier propose - ce serait à la fois hors sujet par rapport à mon blog et à mon émission, et contraire à une déontologie journalistique élémentaire. Mais, et on l’aura deviné, mes critiques de ces dernières années étaient d’abord motivées par la mollesse récurrente et systématique des partis dits « progressistes » vis-à-vis de l’islam radical : et ce, aussi bien lorsque dernier s’affiche dans nos société (le débat sur la burqa par exemple), ou lorsqu’il menace de prendre ou reprendre le contrôle de pays musulmans (la campagne pour que les troupes françaises évacuent l’Afghanistan).
Aussi, suis-je encore plus heureux de saluer les propos de Benoît Hamon, porte-parole du P.S, dans le « Bondy Blog », publication du WEB très lue et dont les rédacteurs sont en majorité des Musulmans du Département : questionné à propos de plusieurs sujets d’actualité concernant l’islam de France, il a répondu de façon claire et précise ... bonne lecture !
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Le NPA d’Olivier Besancenot présente une candidate musulmane voilée sur une liste dans la région PACA. Le PS pourrait-il faire de même ?
Non. J’estime que le voile, c’est la religion. Et la religion dans l’espace public, au sens politique et administratif du terme, est aujourd’hui exclue. D’autant le voile marque une distinction entre les femmes et les hommes. C’est là sa signification. Il y a certes une différence entre la burqa, le voile, le demi-voile, etc., mais ces signes restent des symboles de la séparation des sexes. Moi, je pense qu’il faut privilégier l’égalité hommes-femmes. Aujourd’hui, dans un pays où les violences faites aux femmes augmentent, il faut rejeter fermement les signes de distinctions dans l’espace public. Je ne refuse pas le débat, et j’accepte les convictions d’une femme voilée. C’est simplement une ligne directive qui est respectée par tout le parti. On ne veut pas de signe religieux ostentatoire dans l’espace républicain.
Pourtant, aujourd’hui, dans certains conseils municipaux de gauche, notamment à Sarcelles, certains siègent avec la kippa, qui est un signe religieux ostentatoire. Alors, deux poids-deux mesures ?
Non, c’est une grave erreur, également condamnable. Tout signe ostentatoire est malsain. Mais il existe toutefois une différence entre la kippa et le voile, puisqu’encore une fois, le voile induit un enfermement de la femme. Toute forme de démonstration religieuse dans l’engagement politique n’est pas l’idée que nous nous faisons, nous, de la laïcité. Ce qui n’empêche pas chacun de croire ce qu’il veut. Quand une décision est prise, je ne veux pas qu’on puisse penser qu’elle l’a été par certains en fonction d’une croyance ou d’une foi. C’est l’intérêt général qui doit porter la décision politique. Cela ne veut pas dire que les gens qui portent une kippa ou un voile ne sont pas mus par l’intérêt général, mais au regard des autres, en quelque sorte, ils ne le sont pas. Aujourd’hui, nous sommes dans une atmosphère de tensions. Auparavant, reporter un conseil en raison d’une fête religieuse ne posait pas de problème, car le contexte était plus apaisé. C’est loin d’être le cas actuellement.
Bon, et un Quick halal, ça vous dit ou pas ?
Franchement, est-ce que j’ai le choix ? Sur cette affaire, ma position est claire. Première chose : ce n’est que du business. Les dirigeants derrière cette opération se foutent du halal. Deuxièmement, la logique serait d’avoir le choix. Aujourd’hui, si je vais dans ces fast-food halal, je suis obligé de manger halal. Si ça se trouve, McDo va créer un hamburger laïc ... Au fond, il faut juste pouvoir décider. Le halal, en soi, ne me dérange pas. Mais c’est stigmatisant pour les quartiers qu’à tel endroit, tout le monde mange halal. Je suis du côté des citoyens, pas de celui des commerçants qui font de l’argent. Pour bien vivre, il faut avoir le choix. C’est ma seule préoccupation.
Dans cette affaire, n’êtes-vous pas en train de faire de la surenchère par rapport au Front national ?
Donc, on estime qu’un socialiste n’a pas à se préoccuper de ces questions-là. Je trouve ce raisonnement dommageable. La réponse du PS, c’est simplement que Quick doit respecter le choix de chacun. Quitte à créer deux Quick si les viandes halal et classiques ne peuvent cohabiter.
N’assiste-t-on pas, à travers toutes ces questions - le voile de la candidate NPA, le Quick halal de Roubaix, sans oublier le débat sur l’identité nationale - à un dénigrement général de l’islam ?
Le problème c’est qu’aujourd’hui, deux extrêmes s’alimentent. On a d’une part une surenchère du côté religieux, et d’autre part, une surenchère dans le rejet de l’autre. On ne sort plus de la caricature. Le débat sur l’identité national a fait tomber les masques.
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Propos recueillis sur le « Bondy Blog » le 26 février 2010 par Sarah Battikh et Latifa Zahi
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