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30 avril 2008

Esclavage, pouvoir et religion dans le monde arabe : le professeur Mohammed Ennaji sera mon invité le 4 mai


La prochaine émission sera assez exceptionnelle. En effet, nous entendrons notre invité par téléphone depuis le Maroc, et il s’agit d’un éminent universitaire : Mohammed Ennaji est historien, professeur à l’Université Mohamed V de Rabat, et il a publié il y a quelques mois un ouvrage remarquable, intitulé « Le Sujet et le Mamelouk, Esclavage, pouvoir et religion dans le monde arabe » aux Editions Mille et une Nuits.
Je suis ravi d’avoir un universitaire marocain comme invité, il n’est d’ailleurs pas le premier, car j’avais reçu il y a déjà plusieurs années son collègue de l'Université Mohamed V, le professeur Mohammed Kenbib qui était à l’époque attaché culturel de l’ambassade du Maroc à Paris. Mais surtout, j’ai trouvé remarquable par son érudition et son originalité l’ouvrage qui servira de base à cette interview : au-delà du passé lointain que permettent de reconstituer les centaines de références bibliographiques de ce livre, l’auteur expose clairement les invariants culturels qui expliqueraient, au moins en partie, les retards des sociétés arabes en matière de libertés.
Dans l’avant-propos percutant qu’il a écrit, Régis Debray souligne le courage de Mohammed Ennaji, en disant qu’il a démonté toute l’aliénation idéologique de cet univers, en allant à la racine de l’inconscient collectif arabe, et à cette racine, on découvre l’esclavage. Et il écrit aussi qu’il a brisé le cliché selon lequel l’islam serait une religion profondément égalitaire, et qui aurait introduit une rupture révolutionnaire avec les traditions tribales antérieures qui l’ont précédé. 
Parmi les questions que je poserai à l’auteur :
- pourquoi ce titre « Le sujet et le mamelouk » ?
- la bibliographie de référence portent essentiellement sur les débuts de l’ère islamique et la période des premiers Califes, Omeyyades puis Abbassides jusqu’au treizième siècle de l’ère chrétienne. Est-ce qu’on peut dire que sa description d'un pouvoir despotique absolu - et de sociétés engluées dans des relations d’asservissement à tous les étages - s’applique aussi aux différentes dynasties arabes qui ont suivi, et au monde arabo-musulman d’aujourd’hui ?
- est-ce que l’on peut dire que, dans le fond, c’est toute la trame d’une civilisation bédouine venue d’Arabie que l’on retrouve dans les sociétés arabes d’aujourd’hui ?
- l’opinion commune est que les sociétés musulmanes sont théocratiques, c'est-à-dire que c’est la religion qui a modelé le pouvoir, avec les notions, de Charia (loi coranique), de Califat, etc. En lisant ce livre, on a plutôt l’impression que c’est l’inverse ?
- il y a eu depuis le 11 septembre un doigt accusateur porté vers la religion musulmane, et on a eu des débats sans fin sur la comptabilité entre islam et démocratie : est-ce qu’il faut réformer cette religion, ou revoir simplement sa place dans les sociétés arabes ?
Une émission vraiment passionnante en perspective, et qui montre que le débat d’idées a bien commencé de l’autre côté de la Méditerranée !

J.C

28 avril 2008

Epuration ethnique anti-arabe au Moyen-Orient : devinez où ?

Comme certains lecteurs l’auront peut-être deviné, je pose cette question avec ironie ... Car à force de reportages orientés, à force d’empathie toujours offerte à un seul camp et de « black-out » volontaire vis-à-vis de toute souffrance juive ou israélienne - qu’il s’agisse du million de réfugiés ayant quitté le monde arabe, des victimes du terrorisme islamiste ou des populations civiles bombardées par le Hezbollah ou le Hamas - une majorité de l’opinion dans nos latitudes, hélas, a fini par être convaincue par les mensonges les plus grossiers. Ainsi, la population palestinienne a bien triplé dans les Territoires occupés en 40 ans, mais c’est Israël qui fait de l’épuration ethnique. Tandis que les quelques milliers de Juifs subsistant parmi 300 millions d’Arabes (essentiellement dans deux pays : la Tunisie et le Maroc), seraient évidemment la preuve d’une incomparable tolérance musulmane !

Mais il y a aussi des sujets sur lesquels s’aventurent rarement les grands médias, en gros tout ce qui concerne la violence entre musulmans. Ainsi, la guerre Iran - Irak qui a fait un million et demi de morts en 8 ans dans les années 80, a du être mille fois moins médiatisée que le conflit israélo-palestinien des années 2000, où les victimes se sont comptées par milliers. Ainsi on veut bien reconnaître un conflit de leadership entre Chiites et Sunnites, Iran et Arabie, mais peu de journalistes se risqueraient à dénoncer sans réserve aucune le nabot antisémite de Téhéran, qui se la joue « grand champion de la cause palestinienne », et « allié des Arabes contre les Occidentaux » : un leader qui soutient de telles causes ne saurait être fondamentalement mauvais, a minima lui sera-t-il reproché certains propos excessifs ...

Il est plus utile, alors, de lire cet article (en anglais) qu’a publié il y a déjà plusieurs mois (le 1er août) le site du journal « Yediot Aharonot », en lien permanent : il est question de la véritable « épuration ethnique » menée par le régime des Mollahs à l’encontre de la minorité arabe de l’Arabistan, qui vit dans une région à la fois riche en pétrole et proche de l’Irak ... Depuis 1999, 1,2 millions d’autochtones auraient été déplacés, et remplacés par 1,5 millions de Perses ... qui vivent en partie dans des « implantations » ! Aucun reportage à la télé ? Mais ceux qui posent ce genre de questions idiotes se disent-ils, une fraction de seconde, qu’il est tellement simple d’aller filmer en Israël les colonies de peuplements, proches pour la plupart de la « ligne verte » de 67 ? Et qui ose demander un visa à l’Iran pour enquêter sur ces autres implantations ?

Interdiction de l’enseignement de l’arabe, exécution de 131 activistes, détention de milliers de personnes ... Encore des évènements qui sensibilisent bien peu les ONG humanitaires, et étrangement peu d’ailleurs les médias arabes ! Également découvert, grâce à cet article, le site arabistan.org qui dénonce cette répression. Hélas, on aurait pu imaginer que - au moins dans une telle publication - il n’y aurait pas de surenchère anti-israélienne. Mais il ne faut pas rêver : en me promenant un peu sur ce site, j'y ai vu la photo d’une manifestation dans un pays du Golfe ; sur une pancarte, un drapeau iranien, avec rassemblées la croix gammée et l’étoile de David ; et des photos d’Ahmadinejad et de Khatami congratulant les pauvres minus de la secte antisioniste Netoureï Karta, dont j'ai déjà parlé sur le blog ... preuve évidente de l’alliance irano-israélienne pour ces manifestants, manifestement peu au fait de l’actualité !

Ainsi donc va trop souvent l’univers musulman : subissant les pires violences des uns contre les autres ; mais toujours prêt, hélas, à dénoncer le bouc émissaire juif.

J.C

25 avril 2008

La Tunisie honore la mémoire de la Shoah, par Souhail Ftouh

Monument sur les Juifs de Tunisie et la Shoah,
Yad Vashem, Jérusalem
(source : site Harissa.com)

Une grande première, une initiative unique et sans précédent : pour la première fois dans l’histoire, un représentant d’un pays arabe prendra part à une conférence internationale sur l’Holocauste à Jérusalem.
Le 28 avril, Ahmed el-Abassi, représentant de la Tunisie dans l’Autorité Palestinienne, interviendra lors de l’ouverture de la conférence qui se tiendra pendant trois jours à l’Institut Yad Ben Zvi à Jérusalem, et qui aura pour thème « le sort des Juifs d’Afrique du Nord pendant la Deuxième Guerre Mondiale. » En tout, 21 chercheurs d’Israël, d’Europe et des États-Unis participeront à la Conférence. C’est la première fois dans l'Histoire, qu'un diplomate tunisien prend part à un tel événement (1).

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, deux régimes séparés opéraient simultanément en Tunisie. D'une part, le pays était sous mandat français, mais jouissait parallèlement de son propre gouvernement indépendant. Toutefois, pendant six mois - de novembre 1942 à mai 1943 - le pays s'est trouvé contrôlé par le régime nazi.
La Tunisie, à l’époque du protectorat français, est le seul pays d’Afrique du Nord à avoir connu l’Occupation. Les lois de Vichy étaient en vigueur depuis 1940 ; mais c’est en 1942 que les troupes allemandes font leur arrivée brutale en Tunisie. Comme l’écrira Albert Memmi, l’histoire du monde rattrape violemment les Juifs de Tunisie.
Tout juste arrivé à Tunis (2), les nazis appliquèrent le même système qu’en Europe : rationnements, port de l’étoile jaune dans certaines villes, réquisitions, spoliations, numerus clausus, amendes infligées aux communautés, le tout sous les bombardements intensifs des forces alliées. Le jour de la rafle, 2 000 hommes furent arrêtés, que les allemands iront parfois ramasser jusque dans les synagogues (3).
En six mois d’occupation, de décembre 1942 à mai 1943, sur une population de 85.000 Juifs, 4.000 hommes seront envoyés aux travaux forcés dans des camps - sans compter les « Tunisiens de France » qui seront déportés à Auschwitz. Le grand organisateur est le colonel Walter Rauff, qui dirige les troupes SS. Il s’est déjà fait un nom : il était le concepteur des chambres à gaz mobiles - où les gaz d’échappement étaient rejetés à l’intérieur du camion, provoquant ainsi la mort par asphyxie de cinquantaine de personnes -, c’est lui : 100.000 victimes en Ukraine, Biélorussie, Yougoslavie. Durant ces terribles six mois d’occupation, des jeunes hommes de la communauté étaient conduits vers l’un des plus grands Camps de Travail forcé du coté de Bizerte (au nord de la Tunisie). Les familles des travailleurs forcés, quand à elles, subissaient l’humiliation et toute l’injustice de l’occupant nazie.
Bien que les Nazis n'aient pas eu le temps nécessaire pour exterminer la population juive locale et appliquer la "Solution finale" en Tunisie, grâce essentiellement à la résistance de la communauté locale et du gouvernement tunisien indépendant, des milliers de Juifs ont été arrêtés et contraints de porter l'étoile jaune. Les Juifs tunisiens furent également contraints de payer des amendes et ils étaient systématiquement maltraités physiquement.
En Tunisie il y avait des justes parmi les nations qui ont sauvés des juifs (le règne du roi Moncef Bey) durant l’occupation allemande. Tous les hommes de 18 ans et plus de confession juive, furent contraints, raflés et expédiées dans des camps pour l’accomplissement du « travail obligatoire » avec les conséquences qu'on pourrait imaginer !
Mais dans la ville de Grombalia, (à 40 kilomètres au sud de la capitale Tunis) certains ont pu être sauvé par des habitants loyaux qui leur offraient un logement et de la nourriture, jusqu à la libération. Les justes sont effectivement des braves et le temps qui passe valorisera leurs actions d’avantage avec un réel espoir de servir d’exemple et de modèle pour un avenir de paix et d’entente entre tous les hommes (4).
Le Bey de Tunis avait aussi une attitude courageuse dans cette période sombre de l’histoire de notre pays. Moncef Bey n’a pas favorisé la moindre propagande anti juive comme le firent les autorités de Vichy. Le souverain tunisien, Moncef Bey, monté depuis peu sur le trône avait assuré que les juifs étaient des tunisiens comme les autres. A la période de l’occupation nazie, il n'avait certes aucune possibilité d'empêcher les Allemands de se prendre à la Communauté juive. Malgré l'antisémitisme de certains de ses sujets, il n'eut jamais une attitude hostile à l’égard des juifs tunisiens et, très habilement, il refusa de collaborer avec l'occupant allemand.
Aujourd’hui, nous tenons à rendre hommage à ce prince, dont les juifs de Tunisie ont honoré la mémoire après son décès, parce que son comportement contrastait avec celui de la quasi-totalité des gouvernements vichystes des pays occupés. Pendant que le maréchal Pétain et son administration favorisaient la chasse aux juifs, un prince musulman témoigna sa sympathie envers ses sujets juifs.
En cette période où des campagnes haineuses envers les juifs se développent dans des pays musulmans, il est bon de rappeler que, si le judaïsme tunisien a survécu à l'un des plus grands dangers de son histoire, c'est en partie au moins à un prince musulman qu'il le doit.
Après 65 ans de ces faits, et parce que la compassion et l’engagement envers nos compatriotes juifs sont un devoir moral, le représentant officiel de la Tunisie à la conférence internationale sur l'Holocauste organisée à Jérusalem, interviendra pour rappeler ce triste épisode de notre histoire et les grandes souffrances de la communauté juive de ce pays.
Durant trois jours, la conférence qui s'ouvrira le 28 avril à l'institut Yad Ben Zvi, abordera le sort des Juifs d'Afrique du Nord pendant la Seconde guerre mondiale. Ahmed el-Abassi, représentant de la Tunisie auprès de l'autorité palestinienne, apportera lors de cette conférence internationale sur l'Holocauste un témoignage édifiant sur le sort des Juifs tunisiens, sous l’occupation allemande, qui reste un drame inestimable pour ce pays. Il sera ainsi le premier représentant d'un pays arabe et musulman à évoquer la Shoah (5).
Si les allemands ont échoué, en quelques mois d’occupations, à effacer des siècles de présence juive en Tunisie, aujourd’hui l’attachement des juifs tunisiens à cette terre fait qu’ils ne peuvent rester indifférents devant cette première participation tunisienne à une conférence internationale sur l'Holocauste.

Le président Ben Ali, qui contrairement à tant d’autres, s'est toujours montré bienveillant et amical vis à vis de la communauté juive, témoigne aujourd’hui de sa solidarité pour le sujet et sa reconnaissance des peines et souffrances qu’a endurées la communauté juive tunisienne sous l’occupation allemande.
La participation tunisienne, à cette conférence internationale, est à inscrire dans les annales: Elle montre que la Tunisie s’est engagée, comme l’ensemble des pays civilisés, à s'assurer que le monde n'oubliera jamais l'horreur de l'Holocauste.
Nous Tunisiens, avions et possédons toujours cet esprit de tolérance et d'amitié pour tous, c'est pourquoi, nous nous souvenons toujours des peines et souffrances qu’a endurées la Communauté juive tunisienne sous l’occupation allemande. Il faut garder l'espoir que d'autres pays s'inspireront de la politique de la Tunisie pour faire rayonner la paix dans le monde.

Ftouh Souhail,
Tunis

(1) C’est ce qu’a annoncé le porte-parole du mémorial de la Shoah Yad Vashem, Iris Rosenberg, le mercredi 2 avril. « C’est la première fois qu’un représentant des Arabes musulmans est recruté pour sensibiliser le monde arabe au Moyen-Orient sur la question. » Le porte-parole du Musée de l’Holocauste à Jérusalem a considéré que : « Sa présence exprime sa solidarité pour le sujet et la reconnaissance des peines et souffrances qu’a endurées la Communauté juive tunisienne sous l’occupation allemande ». Extrait d’un article paru le 6 Avril, dans la rubrique ‘Daily Israel Report’ d’Arutz Sheva, traduit par Claude Lesselbaum.
(2) Les Allemands qui étaient refoulés d'Egypte après El Alamein et Tobrouk sont arrivés à la capitale Tunis, le 8 novembre 1942.
(3)Durant le Rafle des Juifs de Tunis, un jour du 9 décembre 1942 (le 2 Tevet 5703) quelques 2 000 juifs furent arrêtés. Des centaines d’entre eux avaient trouvé la mort et plusieurs d’entre eux en trouvé la route de la déportation.
(4) L’an dernier, un Tunisien Khaled Abdelwahhab a été le premier Arabe à recevoir le titre de « juste des Nations » par le Mémorial de la Shoah Yad Vashem.
(5) Plus récemment, cette année, le Musée de l’Holocauste de Yad Vashem a lancé un site Internet en langue arabe, pour sensibiliser le monde Arabe sur la question de l’extermination des Juifs par les Nazis et pour combattre la négation de l’Holocauste. Le Prince Hassan de Jordanie a enregistré un discours sur vidéo pour l’inauguration du site Internet

24 avril 2008

Bernard Koch, premier Juif nommé par un Imam pour promouvoir le dialogue interreligieux !

Je vous ai parlé à plusieurs reprises de "diasporablogj", en lien permanent. Son responsable, Bernard Koch, partage avec moi une ligne d’ouverture vers « les autres » (au sens large : autres médias, autres communautés, autres religions), avec plus d’optimisme que moi - et une approche également plus critique des institutions communautaires juives, que je ne partage pas tout à fait. Son blog est également plus « généraliste » que le mien, dans la mesure où il traite de l'ensemble de l’actualité israélienne et juive, alors que mon approche est plus étroite et en phase avec ma série radiophonique.

Suivant de près les actions de « L’amitié judéo-musulmane de France » et en particulier les voyages de son « bus de l’amitié », il a fait la connaissance de l’Imam de Drancy, Hassan Chalgoumi : ce dernier, accueillant l’AJMF il y a deux ans dans cette commune marquée par la Shoah, avait tenu un discours remarquable de fraternité, où il invitait « les Musulmans du monde entier à respecter la mémoire juive ». Un discours contrastant avec les discours jaloux et agressifs, suscités par la fameuse « concurrence des mémoires » sur laquelle surfe, par exemple, un Dieudonné.

Je reproduis ci-dessous la dépêche AFP donnant la nouvelle de sa nomination, comme salarié à mi-temps, auprès de l’Imam, en tant que délégué aux relations extérieures de l’association culturelle musulmane de Drancy.

Bobigny, 15 avril 2008 (AFP)
L'imam de Drancy (Seine-Saint-Denis) a recruté un membre de la communauté juive pour oeuvrer au rapprochement des communautés juive et musulmane de sa ville, a-t-il annoncé mardi à l'occasion du passage du bus de l'Amitié judéo-musulmane de France (AJMF) à Drancy. L'imam Hassan Chalgoumi entend ainsi "montrer l'exemple qu'ici on s'ouvre aux autres et que musulmans et juifs se rapprochent", a-t-il expliqué à l'AFP après avoir présenté à la mosquée du quartier de l'Avenir sa recrue: Bernard Koch, militant de la première heure de l’Amitié judéo-musulmane et animateur du blog "diasporablog". Dans un discours où il a rendu un hommage ému à cet imam réputé très ouvert, M. Koch a affirmé vouloir "briser les murs du mépris et de la haine" par son action "de dialogue avec les populations dites de la diversité". Devant le rabbin de Ris-Orangis Michel Serfaty, président de l'AJMF, il a invité des familles juives drancéennes à convier de jeunes musulmans à partager avec eux la prochaine Pâque juive. Salarié à mi-temps de l'Association culturelle des musulmans de Drancy, M. Koch disposera d'un bureau dans les locaux neufs de cette mosquée. En mai 2006, l'imam Chalgoumi avait dénoncé sans ambiguïté la réalité du génocide juif et appelé les musulmans du monde entier à respecter la mémoire juive, au mémorial de Drancy, ville où étaient rassemblés les juifs avant d'être déportés vers les camps nazis. Deux jours après, son domicile avait été saccagé.
 
Je transmets à Bernard mes bien chaleureuses félicitations pour cette nomination, et j’espère bien sûr le recevoir ainsi que l’Imam Chalgoumi à mon émission, dans quelques mois, pour raconter cette expérience ! Je vous invite également :
-  à aller sur son blog pour plus d’informations ;
- à lire (en anglais) le compte-rendu publié sur le site islamonline

J.C

23 avril 2008

La Tunisie demeurera une terre de dialogue, par Souhail Ftouh (2/2)


Le mausolée du Président Habib Bourguiba
à Monastir, cité dans l'article

Suite et fin, aujourd'hui, du témoignage exceptionnel d'un jeune Tunisien, qui a accueilli et guidé pendant une semaine un couple d'Israéliens venus visiter le pays en retrouvant avec émotion leur terre natale ... bonne lecture !

Notre passage à La Goulette était un moment émouvant (1). Ici toutes les nostalgies étaient évoquées : la promenade du Shabbat à la Goulette était de coutume. A l’époque, lorsqu’il n'y avait qu'un seul boulevard longeant la mer, la rue derrière abritait toutes les gargotes : méchoui (2) briks (3), fricassés ... la plupart d'entre elles étaient tenues par des Juifs et la plus célèbre était " chez Bichi".
A la Goulette, tout le monde rencontrait tout le monde, certains allaient au cinéma en matinée. D’autres allaient dans les petits cafés tenus par des Italiens, Maltais ou Musulmans. Le couple israélite me rappelait que les filles juives, bien habillées, se baladaient sur ce boulevard. Alors qu’à la Goulette Casino les familles juives louaient des chambres à l'ancien casino dans ce qu’on appelait à l’époque les Oukala (4).

Nous n’avons pas manqué notre passage au Saf-saf, le café très populaire et celui des Juifs de la Marsa (cette dernière fut une station balnéaire et le lieu de l'ancienne résidence des Beys de Tunisie). La particularité de ce café du Safsaf était le puits au centre et le chameau aux œillères qui tournait la poulie du puits sans arrêt, pour faire remonter les gargoulettes d'eau délicieusement rafraîchissante, servie dans des haleb (5). Ce café populaire reste à l’identique jusqu’à aujourd’hui sauf qu’il a perdu sa clientèle juive.

Autre lieu visité, autre souvenir évoqué dans cette promenade : Nabeul. Ici on s'y rendait en pèlerinage sur la tombe de Rabbi Yaâqov Slamma. En se promenant dans le Grand souk de Nabeul, le couple israélien avait remarqué que la Hamsa. (= cinq) est toujours disponible dans les vieux magasins de la ville. Il s’agit d’un dessin de la main avec les cinq doigts, référant à la 5e lettre de l'alphabet hébraïque qui est le signe du nom de Dieu. Ce pendentif portant ce dessin est utilisé pour se rappeler cette présence et protéger contre le mauvais œil.

Souk El Belgha, reste pour nous un passage incontournable à Nabeul. Ici on trouve des pantoufles, des babouches et des articles en cuir en général. Au marché nos hôtes israéliens ont retrouvé l’odeur de la Harissa, une purée de piments rouges piquants qui, jusqu’à aujourd’hui, demeure une spécialité de la région de Nabeul. A ma grande surprise cette fois, mon compagnon m’affirmait que la Harissa de Nabeul est disponible aussi dans les grandes surfaces en Israël ! Avant que nous prenions le chemin du retour, un vieux monsieur utilisait encore la Nafa, sorte de tabac à priser. Le couple se rappelle encore qu’à l’époque on se passait de la Nafa à la synagogue pour s'éveiller pendant la prière.

En revenant dans la capitale, on a pensé à la pâtisserie. Ici une adresse : rue de Constantine, à Tunis, il y avait de chaque côté de la rue deux excellentes pâtisseries juives qui se faisaient concurrence, Gafsi et une autre ... dont j’ai oublié hélas le nom. Le couple israélien me rappelle que chaque jeudi et durant toute la journée, les gens peu fortunés passaient aux magasins et ils recevaient des pâtisseries pour Shabbat. Dans les pâtisseries juives de Tunis on retrouvait également la Louzata, sirop d’orgeat, ou encore la Rozada, boisson à l'eau de rose. On a aussi cherché sur Tunis la Javanaise, célèbre pâtisserie juive très fréquentée, mais on ne l’a pas trouvée.

Pour le dîner, on est allé à un restaurant bien connu à Tunis (Dar el Jeld). Ici le couple israélien s'est régalé en goûtant la Kémia, petit apéritif, en raviers, avant le repas, qui est très varié ; il y avait des petits poissons frits (minuscules rougets, toutes sortes de salades et aussi de l'akoud). J’avoue que je ne suis pas fort en cuisine, mais le couple me racontait que quelquefois, dans les fêtes juives, on servait après la Kémia, ce qu'on appelait une "assiette anglaise", composée d'une brick, d'une tranche de minina, de torchi el khel, d'un petit pain et de quelques tranches de salami avec bien sûr une olive ou deux, vertes - jamais de noires. (pourquoi ?). Sur la table on me parlait aussi de la bkaila, des bricks et minina qui étaient à part dans le corps du repas tunisien.

Au petit matin, autre lieu et autre ambiance. On étaient à la ville de Monastir. La visite du Mausolée Habib Bourguiba (6) était un moment fort pour nos amis israéliens. J’étais d’ailleurs très surpris par leur reconnaissance envers ce leader tunisien.

Ils ont rendu hommage à un homme visionnaire qui a toujours dénoncé l’intransigeance suicidaire des dirigeants arabes face à Israël. Cette vision de Bourguiba a fait d’ailleurs de la Tunisie, malgré tous ses travers, un pays avant-gardiste du monde arabe dans de nombreux domaines.

Nos invités israéliens n’ont pas retenus leur émotion devant la tombe de ce visionnaire, notre compagnon s’est adressé à Lui « Que le Tout- Puissant Miséricordieux vous accorde à une place de choix parmi les Grands, puissions-nous ne jamais vous oublier, vous êtes gravé dans nos cœurs et nos esprits ».

Quand à son épouse, elle a prit plein des photos du lieu avant de le saluer avec ces mots « Adieu Si El Habib, Que ton âme repose en lieu en toute sérénité, car tu as laissé la Tunisie entre de bonne mains ».

En rentrant, ils m’ont confirmé qu’en Israël, les communautés juives gardent encore une admiration particulière pour notre cher et regretté Président Habib Bourguiba. Il fut le premier leader qui a su dans les justes moments distinguer entre la réalité et la fantaisie. Il faut dire qu’avec la disparition du leader Habib Bourguiba, la Tunisie et le monde avaient perdu l'un des chefs historiques les plus courageux et l'un des plus grands défenseurs de la paix que le vingtième siècle ait connus.

Aujourd’hui la paix, le Shalom reste encore l'aboutissement d'un long processus que chacun de nous devra contribuer. C'est cela notre tâche de "faire le Shalom" ; c'est l'une des caractéristiques de notre existence en tant que Juifs et Arabes.

C'est donc volontairement que j'ai placé cette visite dans le cadre du rapprochement entre nos deux peuples respectifs afin que nos invités israéliens découvrent la vraie tolérance qui règne en Tunisie, et constatent, pendant une semaine l’évolution de ce pays.

Leur visite dans en Tunisie n’était pas seulement pour le souvenir, mais elle était pour :

- Une prise de conscience d'abord que le problème palestinien n’est pas un prétexte éternel pour la haine entre les Juifs et les Arabes.

- Puis constater un bilan des manques dans la connaissance et donc (logiquement) dans la compréhension et l'affection entre les deux peuples cousins.

- Enfin, une volonté d'amélioration du dialogue israélo-tunisien, par l’échange des visites, pour vraiment se connaître, se comprendre et s'apprécier mutuellement.

Devant l'importance de cette ambition dans nos problèmes de coexistence commune, nous devons ouvrir les frontières psychologiques, établir un respect réciproque et réfléchi de façon positive sur le futur de nos enfants.

Nos amis israéliens étaient si affectueux et sympathiques, à tel point que je n’ai jamais pensé que je les aimerais autant. Le temps s’est trop vite écoulé hélas, nous avons passé des moments agréables ensemble.

En les raccompagnant à l’aéroport de Tunis, j’avais les larmes aux yeux. Le monsieur, âgé de 75 ans, me disait qu’il gardera encore l’espoir de voir une paix possible. Ils ont quittés la Tunisie tôt le matin de ce 13 Avril à 6 heures, après une semaine passé en Tunisie. Ils sont grand père et grande mère de11 petits enfants, tous vivent en Israël.

Ils m’ont promis ce matin, à l’aéroport, qu’ils raconteront à leurs petits enfants cette bonne expérience vécue en Tunisie, durant une semaine, pour que leurs petits enfants se souviennent qu’ils y avait encore des Juifs et des Arabes qui pourraient partager l’amitié et le bonheur ... en Tunisie .

Souhail Ftouh


(1) Petit village jusqu'en 1920 quand les habitants de Tunis commencèrent à quitter la grande ville pour les villages avoisinants.
(2) Méchoui, plat de viande grillée à l'huile et aux épices, macéré et cuit lentement, spécialement chez les juifs marocains. A Tunis ceux de "Beyza", et ceux de "Bichi" à la Goulette, sur le grill, étaient appréciés.
(3) Brick, pâte fine de dessert, pliée en triangle (parfois en rouleaux, etc.). Elle entre dans la composition des pastelles et de la mhencha. Elle peut être fourrée de pomme de terre, légumes, poulet, poisson, viande, oeuf, etc.
(4) Oukala, un groupe de chambres autour d'une cour centrale où les locataires se partageaient la cuisine et les toilettes.
(5) Hallab, tasse en poterie à deux anses. Elle conserve très bien l'eau fraîche, le plus souvent aromatisée de quelques gouttes d'eau de fleur d'oranger.
(6) Premier président de la République indépendante de Tunisie, leader de la lutte pour l'indépendance (1932-56), et Fondateur de la Tunisie moderne (1957-1987). Il mourra le 6 avril 2000 à l'âge de 97 ans.

22 avril 2008

La Tunisie demeurera une terre de dialogue, par Souhail Ftouh (1/2)

Le Colisée romain d'El Jem en Tunisie,
un des lieux touristiques évoqués dans cet article


Introduction :
Souhail Ftouh est un jeune tunisien très courageux, qui a manifesté dans mon blog et sur plusieurs sites communautaires juifs son souhait d’une normalisation des relations avec Israël. Il vient de vivre une expérience passionnante, servant de guide à un couple israélien venu découvrir le pays ... alors même que les mises en garde sont redoublées, de crainte d’attentats d’Al-Qaïda au Maghreb ou ailleurs. Ces deux touristes arrivés individuellement, et qui furent chaleureusement accueillis et guidés dans le pays, venaient un peu en pèlerinage puisque la Tunisie était leur terre natale. Ils en sont repartis ravis, et mon ami de Tunis a rapporté de cette expérience un article très émouvant, que je vous invite à lire en deux parties aujourd’hui et demain. 
J.C

Nous venons de finir une semaine très fructueuse que nous avons passé en compagnie d’un couple israélien qui venait d’Israël, pour découvrir ce beau pays qu’est la Tunisie. Arrivé pour une semaine (du 6 au 13 Avril) , le couple a retrouvé le charme de notre pays et sa ferveur habituelle.

Durant toute une semaine nous avons sillonné les routes entres les différents villages et villes de la Tunisie. Nos hôtes israéliens ont constaté de véritables similitudes entre le pays d’Israël et la Tunisie. Ils ont fait plein de photos de la cité de Carthage, des villes de la Marsa, Hammamet, Nabeul, Sousse, Monastir, Mahdia, El Jem, Bizerte, Kourbous et aussi à la Goulette qui résumait, à elle seule, le charme de l’ambiance juive sur Tunis.

On s’est aperçu du coup qu’il y’a de véritables lieux en Tunisie qui leur rappelaient le paysage naturel et urbain en Israël. Le Rempart de Monastir leur a rappelé celui de Acco. Le Golf de Hammamet évoque celui de Roch Ha Nikra, les vastes champs tout verts tout au long de la route de Bizerte renvoient à la verdure du plateau du Golan. La source d’eau naturelle de Kourbous se présente comme celle de Ramat Gater (contenant beaucoup de souffre). Les vieux souks de Nabeul et de Tunis renvoyaient à ceux de Jerusalem et de Nazareth. Le Grand lac de Tunis rappelle encore le lac de Tibériade. Mais aussi la région du Sud de la Tunisie évoque notamment le désert du Néguev.

Ils étaient très heureux de découvrir que tous ces lieux sont si proches visuellement de ceux du pays d’Israël. D’ailleurs si la Tunisie et Israël se ressemblent, ce n'est pas pour rien que les marins hébreux phéniciens ont établi leurs comptoirs en Tunisie.

Alors que cette similitude nous a fait tellement plaisir , sur la route, on n’entendait à la radio que des mauvaises nouvelles des informations provenant du Proche Orient. Cela nous a fait du mal de voir qu'au moment où on était ensemble dans la même voiture en train de regarder les dernières photos que nous avions faites, on s’apercevait que nos semblables arabes et juifs se battaient encore au Proche-Orient.

Pendant que la radio tunisienne annonçait des accrochages entre Tsahal et des Palestiniens de Gaza, nous étions sur le point de descendre pour nous échanger d’autres photos de souvenirs de la ville de Bizerte, pour qu’elles servent de mémoire ... Nous étions tout de même persuadés que Juifs et Arabes pourront vaincre cette haine. Bizerte aussi était un champs de bataille entre Français et Tunisiens, avant qu’elle soit aujourd’hui une ville qui connaît la paix comme les autres villes de la Tunisie et toutes appréciées par les touristes français.

Si les ressemblances naturels et urbanistiques entre la Tunisie et Israël étaient une surprise inattendue pour nos hôtes israéliens, il y aurait beaucoup à dire aussi dans les mêmes façons de vivre entre les Juifs sépharades et les Arabes qui ont gardé les mêmes coutumes entre la Tunisie et Israël (Henné pour les mariages, gâteaux orientaux pour les fêtes, cuisine d’ici ...). Toute la saveur oubliée de l’enfance juive en Tunisie était au rendez vous durant notre parcours qui a duré une petite semaine.

Dans les anciens Souks de la médina à Tunis, ont a rencontré la Henna ou henné. Ce produit naturel était utilisé dans les cérémonies des communautés séfarades et orientales, se déroulant surtout avant le mariage, mais aussi parfois avant le Bar Mitsva dans laquelle on teint au henné les mains, les pieds et les cheveux des femmes.

Aussi nos amis israéliens, ont remarqué la présence du Qabqab dans les souks de Tunis, ce sont des chaussures de bois pour femmes, socques, parfois garnies d'argent repoussé ou incrustés de nacre. Chez les Musulmans tunisiens, les Qabqab sont aussi ces sabots spéciaux offerts le jour du mariage par le marié, et que la jeune fille portera pour se rendre au Hammam.

Notre regard est tombé aussi sur la Mlohia, se sont des feuilles de corette en poudre, utilisées dans la cuisine juive tunisienne. C'est une sorte de feuille d'épinard. On fait revenir dans de la viande de boeuf ou de merguez. On appelle ce mets : "le plat qui ne finit jamais". Il est servi très chaud dans sa sauce épaisse.

Le couple israélien a apprécié aussi la Bessissa, une saveur de la coutume juive de Djerba préparée la veille du 1e Nissan en souvenir de la fondation (bassis) du 1e Temple. Elle est faite de blé et d'orge moulus, épicés de cumin, et coriandre avec des dattes, figues et du sucre. En Tunisie, la bessissa est consommée aujourd’hui encore par les Tunisiens de confession musulmane. Notant que la bessissa juive est arrosée par l’huile d’olive, bénite et surtout distribuée le soir du premier Nissan.

Même le petit déjeuner traditionnel de la communauté juive, Homs bel-kamoun, sorte de pois chiche à l’ail et aux épices est repris aujourd’hui par les musulmans tunisiens. Le couple israélien n’a pas résisté à le savourer.

Souhail Ftouh
[La suite de l'article demain sur le blog]

18 avril 2008

Un hommage à Aimé Césaire à l'occasion de la fête de Pessah, lu par le Rabbin Gabriel Farhi



Introduction :
Les communautés juives du monde entier vont célébrer la fête de Pessah à partir de samedi soir ... L’occasion de présenter tous mes vœux aux Juifs du monde entier qui viendront visiter le blog prochainement. Et d’inviter tous les autres - qui hélas, ont souvent des connaissances plus qu’approximatives en matière religieuse - à visiter cette page du site du Consistoire Israélite de Paris. Improprement appeler la « Pâque juive » par référence à la fête chrétienne souvent célébrée à la même période (ce ne sera pas le cas cette année), elle correspond pour moi d’abord à la naissance d’une nation au sortir de l’esclavage, « une sortie d’Égypte » que nous sommes invités à revivre symboliquement à chaque génération, comme si nous venions d’être nous-même libérés. Et qui a inspiré un bien beau billet du Rabbin Gabriel Farhi sur notre antenne, dimanche dernier : il y a quelques jours, nous savions que le grand poète martiniquais était en train de mourir ... il nous a quitté le 17 avril, et ceci rend cet hommage encore plus émouvant.
J.C

Bonjour.
Qu’il me soit permis d’ouvrir ce billet d’humeur sur un extrait d’un poème tiré d’un recueil intitulé « Cahier d’un retour au pays natal ».
"Partir.
Comme il y a des hommes-hyènes et des hommes-panthères, je serais un homme-juif
un homme-cafre
un homme-hindou-de-Calcutta
un homme-de-Harlem-qui-ne-vote-pas
l'homme-famine, l'homme-insulte, l'homme-torture
on pouvait à n'importe quel moment le saisir le rouerde coups, le tuer - parfaitement le tuer - sans avoir
de compte à rendre à personne sans avoir d'excuses
à présenter à personne
un homme-juif
un homme-pogrom
un chiot
un mendigot."
Ces paroles sont celles d’un poète français qui se meurt : Aimé Césaire. A 94 ans, celui que l’on appelle le « chantre de la négritude » est hospitalisé dans un état préoccupant à Fort-de-France en Martinique. Aimé Césaire a consacré sa vie littéraire et politique à se battre contre le colonialisme et le racisme. La « négritude » est un concept auquel se rallia Sartre pour lutter contre l’assimilation d’une culture et d’une identité. Juifs, nous ne pouvons que nous sentir proche de cette revendication. A cet égard, l’autre grande plume de cette condition noire, Calixthe Beyala déclara lors d’un entretien pour « Israël Magazine » en septembre 2006 : « Entre Juifs et Noirs, il y a une alliance naturelle. Dans ses diatribes contre l’esclavage et le colonialisme, Aimé Césaire rappelle que les Juifs sont des alliés ».
Je ne pense pas que la cause noire et la cause juive puissent se confondre. Cependant, force est d’admettre que nos deux Peuples ont connu l’esclavage, les tentatives d’assimilation, les persécutions. Frères de souffrances, nous le sommes, frères d’espérances nous devons l’être. Des « alliés » comme le dit Calixthe Beyala en pensant à Aimé Césaire.
C’est précisément la réflexion qui doit être la notre en ces jours qui précèdent la fête de Pessah. En déclarant que « Nous avons été esclaves », nous affirmons que nous ne pouvons nous considérer libres tant qu’un homme demeure esclave. L’abolition de l’esclavage a deux siècles pour la plupart des grandes nations occidentales comme la France, l’Angleterre ou les Etats-Unis. Reste que, nous le savons, l’esclavage moderne existe, sous d’autres formes qu’un esclavage massif. De jeunes et petites mains confectionnent nos vêtements, d’autres travaillent quatorze heures par jour pour des salaires de misère. Etre Juif, c’est se souvenir de notre esclavage en permanence en considérant que notre liberté ne sera entière que lorsque tous les hommes seront affranchis. La fête de Pessah est celle d’une espérance messianique. La voix d’Aimé Césaire demeurera dans les consciences la voix d’un homme épris de liberté et de fraternité.
Je prendrai plaisir à vous retrouver le dimanche 4 mai après les fêtes de Pessah. D’ici-là Shavouah tov, bonne semaine à tous et Pessah Saméah.

Rabbin Gabriel Farhi
Judaïques FM, 94.8 FM

17 avril 2008

« Le wahhabisme, négation de l’islam », un article de Mezri Haddad

Introduction :
J’ai déjà mis en ligne plusieurs articles de mon ami le philosophe tunisien Mezri Haddad, qui a été plusieurs fois mon invité à « Judaïques FM ». Dans ce "Rebond" publié il y a deux mois par le quotidien "Libération", il épingle Nicolas Sarkozy pour les propos très élogieux prononcés devant ses hôtes saoudiens, à l’occasion de sa dernière visite à Ryad. Un fameux discours, déjà bien critiqué dans la presse (lire sur le blog). Que l’on ne voit pas ici une « flèche » supplémentaire décochée contre notre Président, qui n’en a vraiment pas besoin en ce moment ... Mezri Haddad trouve d’ailleurs ses intentions politiques « nobles et louables ». Mais il faut aussi rappeler ce qu’est le wahhabisme, financier de l’intégrisme partout dans le monde - et il heureux que ce soit un Musulman qui le fasse ! Reste (mais nous n'avons eu cette surprenante information qu'après cet article), la proposition du Roi d'Arabie Saoudite d'inviter, pour la première fois, des Juifs et des Chrétiens pour un colloque interreligieux ... amorce de changement, ou simple effet d'annonce ? L'avenir le dira. 
J.C

D’un point de vue politique, le discours présidentiel à Riyad est justifiable. D’un point de vue éthique, la foi de Sarkozy dans le changement au sein de ce royaume est louable. Mais croire à une contribution saoudienne dans l’élaboration d’une «politique de civilisation» à même de provoquer une sécularisation au coeur de l’islam est une pure et funeste chimère. Et pour cause : on ne peut pas être et avoir été. L’Arabie Saoudite a été le principal financier des mouvements intégristes dans le monde. Il est vrai qu’elle était en parfaite osmose avec les intérêts géopolitiques américains. C’est le traumatisme du 11 septembre 2001 qui a infirmé ces choix stratégiques que les Etats-Unis ont faits bien avant l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS. Sous l’influence pernicieuse de la monarchie saoudienne, les dirigeants américains ont, en effet, longtemps soutenu l’islamisme comme alternative aux régimes arabes postcoloniaux. La prise de pouvoir par les talibans en Afghanistan était une victoire de l’idéologie saoudienne, un succès de la logistique pakistanaise et la consécration de la stratégie américaine. L’attaque du 11 Septembre a changé toute la donne. Mais, par on ne sait quelle ruse de l’Histoire, plutôt que d’amorcer le déclin de cette monarchie qui incarne ce qu’il y a de plus rétrograde dans l’islam, ces événements ont donné une nouvelle vie au régime saoudien. Les wahhabites doivent au fond remercier leur compatriote et disciple Ben Laden. Pour la simple raison que, comparé à la barbarie et au nihilisme d’Al-Qaïda, la théocratie wahhabite fait maintenant figure de régime modéré. Or toutes les tendances de l’islamisme ont les mêmes maîtres à penser, les mêmes dogmes (l’islam est religion et politique, le jihad et le martyr sont un devoir religieux ...) et les mêmes objectifs : éradiquer les apostats (musulmans), combattre les mécréants (juifs et chrétiens), établir une théocratie coranique. «La politique de civilisation, c’est ce que font tous ceux qui oeuvrent pour un islam ouvert, un islam qui se souvient des siècles où il était le symbole de l’ouverture et de la tolérance ... C’est ce que fait l’Arabie Saoudite», disait Nicolas Sarkozy dans son discours de Riyad.

Bien au contraire, dès sa naissance en 1932, la monarchie saoudienne a effacé quatorze siècles de civilisation, a cultivé et propagé partout dans le monde un islam sectaire, sclérosé, intolérant et des plus fanatiques. C’est une erreur de prendre les dernières réformettes de cette monarchie pour des réformes stratégiques et structurelles. Ces mesures cosmétiques ont été entreprises sous la panique à l’idée d’être le maillon faible du «Grand Moyen-Orient démocratique» décrété par Bush. C’était un analgésique pour calmer le Léviathan très en colère après les attentats du 11 Septembre - dont le cerveau était Ben Laden, un proche de l’oligarchie régnante, et la majorité des terroristes, des sujets saoudiens. Cette oligarchie n’est d’ailleurs pas dupe. A la moindre réforme profonde - comme celle, primordiale, des manuels scolaires -, c’est tout l’édifice saoudien qui menacera de s’écrouler à moyen terme. Il est par conséquent évident que la France, qui souhaite moderniser l’islam, ne peut pas établir une alliance «civilisationnelle» avec une Arabie wahhabite qui n’a jamais abandonné le rêve insensé d’islamiser la modernité. C’est une illusion de considérer ce pays comme représentatif des musulmans dans le monde, encore moins comme figure emblématique de l’islam sunnite. Certes, le pays abrite les lieux saints de l’islam, mais il n’incarne pas pour autant l’islam quiétiste et spirituel pratiqué par la majorité des musulmans. La religion de l’Arabie Saoudite n’est guère l’islam mais le wahhabisme, une secte hérétique déguisée en orthodoxie islamique, dont Ben Laden est le pur produit. Né d’une rencontre, en 1745, entre un prédicateur inculte et illuminé - Muhammad ibn Abd al-Wahhab (1703-1792) - et un chef de guerre impitoyable et ambitieux - Muhammad ibn Saoud (1705-1765) -, le wahhabisme a été d’emblée combattu par les plus grandes autorités islamiques du Caire, d’Istanbul, de Damas, de Bagdad, de Tunis et de Fès.

La réforme (religieuse) du wahhabisme est impossible et même absurde. Penser le contraire, c’est admettre implicitement que le wahhabisme puisse être l’une des expressions de l’islam. Or le wahhabisme, c’est la négation même de l’islam, c’est la nécrose de la civilisation islamique. Ce n’est pas de l’Orient arabe, encore moins de l’Arabie Saoudite, que sortira un islam des Lumières, mais de l’Occident arabe, de ce Maghreb qui a enfanté Ibn Khaldun et Averroès, le dernier philosophe né en terre d’islam.

Il est noble de croire, comme Nicolas Sarkozy, à une possible évolution de l’Arabie Saoudite vers la modernité. Le problème, c’est que l’un des dogmes constitutifs du wahhabisme est précisément le rejet du changement, considéré comme une injonction coranique. Il faut donc abolir le wahhabisme. Sans lui, l’Arabie Saoudite pourrait évoluer et se réformer. Mais sans le wahhabisme, y aurait-il encore une Arabie Saoudite ?

Mezri Haddad,
Philosophe, membre du Daedalos Institute of Geopolitics (Chypre).
© Libération, le 21 février 2008

16 avril 2008

Sur l'album de Tzipi Livni ...

Tzipi Livni avec l'Emir du Qatar
(photo AP, Doha le 14 avril 2008)

Tzipi Livni avec son homologue,
le Ministre des Affaires Etrangères d'Oman
(photo AFP, Doha, le 14 avril 2008)

Les lecteurs fidèles trouveront que, décidément, je ne manque pas une occasion de donner la vedette à la jolie Ministre des Affaires Étrangères. Mais vous aurez aussi remarqué que je le fais, surtout, lorsqu’on la voit en compagnie de ses homologues arabes, ce qui correspond à la ligne d’optimisme - à long terme, faut-il le préciser ? - à la fois du blog et de l’émission.

Il est vraie que la « cheftaine » de la diplomatie israélienne est bien dynamique, et courageuse aussi : ainsi elle vient de se rendre à Doha, capitale du Qatar, invitée (une première dans le Golfe) à un « forum international pour la démocratie, le développement et le libre échange ». Un bien joli programme, qui n’a pas plu aux délégués iraniens et apparentés libanais, qui ont fait faux bon ... bon débarras ! Là-dessus, ces jolies photos venant compléter un "album", déjà fort riche, de ses rencontres avec des dirigeants arabes et musulmans ne changent pas grand chose à la situation sur le terrain, qui est sinistre avec les nouveaux affrontements meurtriers à Gaza (trois soldats de Tsahal tués ce matin).

Petit ajout mis en ligne jeudi 17 avril :
- je m'étais trompé, sur la base de la légende publiée par l'agence Associated Press, en disant que la photo du dessus représentait la Ministre israélienne en compagnie du Premier Ministre qatariote ... il s'agissait de l’Émir lui-même, correction faite !
- j'en profite pour vous donner le lien sur le site du 8e forum international de Doha :
Vous noterez que Tzipi Livni est en vedette en première page, et vous pourrez même lire le texte complet de son discours (en anglais, bien sûr).

J.C

Reprise et quelques news


Merci aux lecteurs fidèles d’être au rendez-vous ce mercredi !

Quelles furent les nouvelles dont je n’ai pu vous rendre compte « au fil de l’eau » pendant cette dizaine de jours ?

La première (voir illustration) est cette nouvelle profanation d’un cimetière, plus précisément du carré musulman du cimetière militaire près d’Arras. Un acte « signé » donc par des jeunes abrutis qui n’ont plus honte de s’afficher nazis, en ce triste début de siècle ... Les mêmes (ou leurs cousins) déposent les mêmes immondes graffitis, à l’occasion, sur des tombes juives ; et ce n’est ni plus, ni moins grave comme le rappelle un communiqué du CRIF que je reproduis ci-dessous :
« Le CRIF exprime son indignation en apprenant la profanation survenue dans la nuit du samedi 5 avril au dimanche 6 avril dans le carré musulman de Notre Dame de Lorette près d’Arras.
Il adresse à la communauté musulmane, et en particulier à la communauté locale, son soutien entier en dégoût de telles actions qui portent atteinte aux sentiments élémentaires de respect que nous devons à nos morts. Qu’elles impliquent des tombes musulmanes, juives ou chrétiennes ces actions témoignent de la même ignominieuse intolérance.
Le CRIF espère que les profanateurs seront vite appréhendés et qu’une condamnation exemplaire sera prononcée à leur encontre. »
 

Comme le dit un autre communiqué de la « Fraternité musulmane contre l’antisémitisme », de nombreuses institutions ou particuliers de la communauté juive ont exprimé leur solidarité à cette occasion : son président Didier Bourg a eu la gentillesse de me citer, parmi les noms prestigieux du Grand Rabbin de France, du « Bureau National de Vigilance contre l’Antisémitisme » de mon ami Sammy Ghozlan, de la présidente de la « Fondation pour la Mémoire de la Shoah », etc. Cela ne rend que plus répugnant le silence de certains blogs ou sites communautaires assez visités, et qui pratiquent une hémiplégie dans l’indignation lorsque le racisme ne frappe pas des Juifs ...

Autre nouvelle, ou plus précisément absence de nouvelles en provenance d’Israël : vous aurez noté que pendant deux semaines de suite, le blog n’a pas publié le « Vrai journal juif français de Jérusalem » sous la plume de mon amie Isabelle-Yaël Rose. C’est qu’elle était parti faire un voyage dans l’Égypte voisine, voyage dont elle ramènera, j’en suis sûr de passionnants « carnets » que j’espère vous faire découvrir bientôt : à ce sujet, j’invite ceux et celles qui ne les auraient pas encore lus à découvrir en lien les "Carnets de Jordanie" publiés l’année dernière !

Enfin, dernière information : ce samedi soir débutera la fête juive de Pessah. L’occasion de présenter par avance mes vœux traditionnels (« Pessah casher vesameah ») aux lecteurs de ma communauté. Et de rappeler que - jour de congés oblige sur Judaïques FM - il n’y aura pas d'émission ce dimanche 20 avril. Prochain numéro le 4 mai 2008. 

J.C

07 avril 2008

Blog en sommeil ...


Et voilà, une grosse fatigue comme cet ours qui ne doit guère apprécier les climats chauds des contrées évoquées dans mon blog ... et l'actualité toujours chaude elle-aussi ! Envie de souffler un peu, alors que j'ai "alimenté" régulièrement cette publication depuis plus de deux mois. Envie de prendre un peu de distance avec les nouvelles - et de consacrer un peu de temps à autre chose, même si, émission de radio oblige, je ne risque pas de m'ennuyer ... en dehors de mon "vrai" travail, bien sûr.

Merci pour votre fidélité aux visiteurs réguliers, qui reviendront dans les prochains jours. Bienvenue à tous les nouveaux. Et rendez-vous au mercredi 16 avril ... si, bien sûr - et hélas les bruits de bottes à la frontière Nord d'Israël invitent à rester prudent -, l'actualité n'est pas bouleversée d'ici là par de graves évènements !

J.C

06 avril 2008

Une cible nommée Wafa Sultan

Photo de Wafa Sultan prise
lors de sa dernière intervention télévisée sur Al-Jazeera
(l'illustration est tirée du site "Frontpage magazine")

Le site québécois « Point de bascule » (adresse : http://pointdebasculecanada.ca/) s’est fixé comme ligne la dénonciation toutes voiles dehors de l’islam radical ; et, corollaire obligé, du « politiquement correct » qui rend si difficile sa dénonciation dans nos démocraties. Ainsi, par exemple, je vous invite à lire un article très fin "les États-Unis, le bouc émissaire pour tous" ; une analyse qui résonne singulièrement à mes oreilles tellement j’ai été habitué, hélas, en docile et discret ingénieur travaillant dans un établissement public, à y entendre régulièrement déblatérer l’Amérique - et presque jamais ses pires ennemis, même lorsqu’ils sont quasiment nazis comme Ahmadinejad et consorts !

« Point de bascule » essaie donc - je ne peux garantir que c’est à 100 % réussi - de ne pas glisser dans la pente savonneuse qui conduit à stigmatiser ainsi toute une religion et ses fidèles. Il publie souvent des traductions de sites en langue anglaise, souvent plus riches que leurs homologues français Dans cette rubrique donc, la reprise d’un article publié sur le site américain « Front page magazine » de David Horowitz (très proche des « néocons » pro républicains), et qui évoque les menaces de mort dont est victime Wafa Sultan (revoir deux de ses vidéos sous titrées en cliquant sur son nom en libellé).
Je vous invite donc à découvrir en lien l’article "Wafa Sultan cible du djihad".

Deux précisions avant d’en débuter la lecture. Comme je l’ai écrit il y a quelques jours à propos de Magdi Allam qui s’est converti au catholicisme, je ne peux me réjouir de voir une personnalité aussi lumineuse que Wafa Sultan rejeter en bloc la religion de ses aïeux, en clamant qu’elle n’était pas réformable ... car ce n’est pas ainsi que l’on fera évoluer les mentalités dans le Moyen-Orient qu’elle a du fuir ! Je ne suis pas d’accord non plus avec la ligne sectaire anti-démocrate du site d’Horowitz.

Mais ce n’est pas pour de telles raisons qu’il faut se voiler la face et refuser l’évidence : cette femme courageuse est en danger de mort, elle et sa famille, et elle vit le même calvaire qu’Aayan Hirsi Ali, Salman Rushdie et d’autres « apostats ». Youssef al-Qaradawi, cet espèce de voyou antisémite qui joue les prédicateurs sur Al-Jazeera, vient de la menacer à mots couverts comme vous le lirez en détail dans l’article ... il est donc du devoir de tous les blogs et sites engagés contre l’obscurantisme de dénoncer cette horreur ; et de réclamer sa protection.

J.C

02 avril 2008

La Présidence de la République répond à Souhail Ftouh !

Introduction :J’avais publié le 19 février dernier sur le blog (lire ici) un appel d’un jeune juriste tunisien, Souhail Ftouh, pour un rapprochement entre intellectuels arabes et israéliens. Il s’agissait d’une lettre ouverte adressée à Nicolas Sarkozy, et l’interpellant justement à propos de son projet "d’Union Méditerranéenne" - projet revu dernièrement à la baisse en "Union pour la Méditerranée" après amendements apportés par les autres membres de l’Union Européenne, mais ceci est une autre histoire.
Au-delà de mon soutien naturel avec cette publication, il avait directement envoyé cet appel à l’Élysée ... qui lui a répondu, et de façon positive ! Avec naturellement l’autorisation de Souhail Ftouh qui m’a communiqué le message reçu, je publie donc le courrier envoyé par le Chef de Cabinet de la Présidence de la République.
J.C


A l’attention de Monsieur Souhail Ftouh
Cher Monsieur,
Vos messages sont bien parvenus à Monsieur le Président de la République française.
En ce qui concerne Israël, Monsieur Nicolas Sarkozy, à l'occasion du dîner d’État offert le 10 mars dernier à l’Élysée en l'honneur de Monsieur Shimon Peres, Président de l'Etat d'Israël, a rappelé, notamment, le dynamisme et la richesse de la coopération culturelle et scientifique entre Israël et la France.
Il a souligné la vocation de l’État démocratique d'Israël à participer aux institutions de la francophonie ainsi qu'à la construction de l'Union pour la Méditerranée en vue d'un rapprochement entre les peuples de toute la région.
Aussi puis-je vous assurer qu'il a été pris connaissance avec attention de votre propos.
Bien cordialement.

Le Chef de Cabinet
Cédric Goubet
Le 26 mars 2008

01 avril 2008

La Syrie, fil d’Ariane du Proche Orient


Difficile de ne pas (encore) parler de la Syrie, alors qu’elle fait de nouveau la une des journaux, apparaissant - peut-être à tort - comme l’acteur principal dans au moins quatre dossiers : le sommet de la Ligue arabe, l’assassinat de Rafik Hariri, les discussions inter palestiniennes, et ce qu’il conviendrait d’appeler une « séance d’échauffements » du Premier ministre Ehud Olmert. Si en politique il ne faut jamais prendre les déclarations au pied de la lettre, et encore moins tirer des conclusions de ce qui n’est parfois qu’un jeu avec les apparences, il est en revanche toujours intéressant de revenir sur le fil des événements. Car comment ne pas être frappés par le rythme très soutenu des derniers événements rassemblés en des coïncidences qui, si elles ne sont pas orchestrées par la providence, ne doivent sans doute rien au hasard ? Il n’y a pas de hasard au Moyen-Orient.

En Août 2004, le Premier ministre du Liban Rafik Hariri, un homme d’affaires sunnite bénéficiant également de la nationalité saoudienne et ami de longue date du président français Jacques Chirac, fut convoqué à Damas par le président syrien Bashar El Assad. La discussion devait porter sur la prolongation du mandat du président libanais pro syrien Émile Lahoud, à laquelle Hariri s’opposait. Suite à sa conversation avec Assad, et parce qu’Hariri était homme trop avisé pour s’opposer frontalement au grand frère syrien, celui-ci finit par céder avant de démissionner de son poste 6 jours après. Au mois de septembre, une résolution initiée par la France et les États-Unis, soutenue par l’Egypte et l’Arabie Saoudite, passa au conseil de sécurité de l’ONU, demandant d’une manière unanime le retrait des troupes syriennes du Liban. Les relations entre la Syrie et les États-Unis s’étaient détériorées depuis l’attentat du 11 septembre, à cause de l’implication de Damas dans les activités terroristes du Hamas et du Hezbollah et à cause encore de sa relation privilégiée avec l’Iran ; en revanche, la détérioration de sa relation avec la France était un fait nouveau. La pomme de discorde était particulièrement la politique syrienne au Liban.
En février 2005, Hariri fut assassiné d’une manière brutale dans un attentat à la bombe tandis que sa voiture passait sur un explosif d’une tonne dissimulé sous la chaussée. 22 autres personnes furent également tuées. Cet assassinat secoua le Liban où de grandes manifestations anti-syriennes furent organisées. Pressé par l’opinion publique, par une enquête ouverte à l’ONU sur l’assassinat d’Hariri, par la pression de la France, Assad retira finalement ses troupes militaires du Liban. Laissant le Hezbollah les mains libres au Sud Liban et dans le parlement. En octobre 2005, suite à une vague d’éliminations, le vice-président syrien en charge du Liban, Abd Al-Halim Khaddam, qui était à la tête des services de renseignements syriens opérant dans le pays du Cèdre, s’enfuit pour la France.
La situation n’a fait qu’empirer depuis : après la seconde guerre du Liban, de grandes manifestations ont été organisées par l’opposition chiite contre le gouvernement de Fouad Siniora. Le général Michel Aoun a quitté son exil de Paris pour tenter de prendre le contrôle du mouvement en faisant une alliance avec le Hezbollah - jusque maintenant, sans réussir. En novembre dernier, le mandat du président Emile Lahoud est arrivé à son terme, sans que le parlement libanais parvienne à élire un autre président qui lui succède. Le Hezbollah, commandité par la Syrie, est accusé de saboter toutes les tentatives pour élire un nouveau président libanais. La semaine dernière, une séance du parlement a de nouveau été annulée, provoquant la colère des Libanais mais aussi de grands pays arabes qui ont annoncé leur boycott du sommet de la Ligue arabe qui s’est déroulé à Damas ce week-end : mardi 25 mars, le Liban a annoncé qu’il ne participerait pas au sommet, un jour après que le roi d’Arabie Saoudite ait prévenu qu’il enverrait seulement un ambassadeur. Mercredi, le président égyptien Hosni Moubarak et le roi de Jordanie ont déclaré qu’ils enverraient seulement des représentants. Enfin, le président du Yémen n’était pas attendu à Damas suite à l’échec de conciliation entre le Hamas et l’Autorité Palestinienne.

Pour conclure sur ce point : Assad vient d’essuyer un sérieux revers par l’absence des pays arabes principaux qui se sont contentés d’envoyer de simples représentants. D’autre part, l’enquête sur Hariri était souvent présentée comme un moyen de pression pour amener Damas à être plus coopérant. Or, la commission de l’ONU chargée d’enquêter sur l’assassinat d’Hariri a précisément choisi vendredi 28 mars, la veille du sommet de la Ligue arabe, pour s’exprimer pour la première fois depuis la nomination de son nouveau président. Daniel Bellemare, au contraire de son prédécesseur Melhis franchement hostile à la Syrie, a annoncé l’existence d’un réseau criminel responsable du meurtre d’Hariri. Bellemare s’est bien gardé de livrer des noms, se contentant de déclarer que la commission allait maintenant s’attacher à rassembler de nouvelles preuves portant sur l’étendue de ce réseau, l’identité de ses membres, leur rôle, et leurs liens avec d’autres personnes extérieures au réseau. Le conseil de sécurité de l’ONU s’est également félicité des progrès enregistrés dans la constitution du tribunal international qui sera chargé de juger les inculpés. Quarante jours après l’élimination du numéro 2 du Hezbollah en plein Damas, alors que Hassan Nasrallah ne parle plus que depuis son bunker libanais, le moment où Bellemare choisit de s’exprimer pour la première fois donne matière à méditer.

La Syrie est également impliquée - au moins d’une manière indirecte - dans les pourparlers inter palestiniens. Depuis la prise de pouvoir du Hamas par un coup d’état dans la bande de Gaza, et plus encore depuis sa main mise sur la frontière de Rafah, les relations entre le Hamas et l’Autorité palestinienne se sont sérieusement dégradées. D’une part, les violences que le Hamas a organisées à Rafah étaient dirigées contre l’Égypte et Moubarak, lesquels entretiennent de bonnes relations avec l’Autorité palestinienne. L’Égypte a accusé la Syrie d’avoir utilisé le Hamas comme instrument de son agression, ce qui est tout à fait probable quand on sait que le leader du Hamas Khaled Meschaal a trouvé refuge à Damas après avoir été expulsé de Jordanie. D’autre part, jusque maintenant, toutes les tentatives de médiation entre le Hamas et l’Autorité palestinienne ont échoué : qu’il s’agisse de l’Égypte, de l’Arabie Saoudite, ou dernièrement du Yémen, le Hamas n’a cessé de présenter des conditions inacceptables par l’Autorité palestinienne. Entre autres, le mouvement demande un contrôle partagé de la frontière, ce qui reviendrait à légitimer son coup d’état. S’il est vrai que la Syrie manipule le Hamas contre l’Égypte et l’Autorité palestinienne, faisant échouer le dossier prioritaire de l’administration Bush qui veut arriver à un accord israélo-palestinien d’ici la fin de l’année, la date choisie par Bellemare pour sortir de son silence sans le rompre non plus tout à fait est parfaitement rationnelle. Mais pourquoi Israël choisit-il précisément ce moment pour reparler de négociations ?
En effet, le Premier ministre Ehud Olmert a évoqué cette semaine des pourparlers avec la Syrie. Certes, il a parlé de négociations secrètes, auxquelles la Syrie est opposée. Certes encore, la rencontre secrète prévue entre le chef du cabinet du Premier ministre, Turbowicz, et son homologue syrien, devait avoir lieu à Istanbul à quelques jours de l’opération militaire « hiver chaud » (dans la bande de Gaza), et il était tout à fait prévisible que la Syrie annulerait la rencontre au vu de la situation. Pourtant, le ministre des Infrastructures Fouad Eliezer a déclaré vendredi 28 mars à la radio Kol Israël qu’Israël travaillait à des négociations et était prêt à en payer le prix, celui fixé successivement par Itzhak Rabin, Benyamin Netanyahu, et Ehoud Barak du temps où ils étaient Premier ministre : la restitution du plateau du Golan. Après 10 ans de négociations, c’est Hafez Assad, le père de Bashar, qui avait brusquement décliné l’offre.

Hamas, Hezbollah, Liban, ONU, Israël. Pour essayer de saisir la complexité des enjeux que représente la Syrie, il faut ajouter un dernier acteur, sans aucun doute celui qui tient le premier rôle : l’Iran.

L’Iran vient de faire un pas très agressif qui menace non seulement l’Égypte mais aussi l’Arabie Saoudite et le Yémen en signant un accord militaire avec le Soudan. Sans doute est-ce la raison pour laquelle l’Égypte - qui se tient actuellement au centre d’attaques conjuguées - s’est rapprochée de la Russie la semaine dernière. Moubarak a fait le déplacement jusque Moscou, signant un contrat de partenariat pour le développement du nucléaire civil égyptien. Il aurait pu signer ce contrat avec les Français. Il a pourtant choisi les Russes. Si on admet que les contrats d’affaires ne sont pas seulement déterminés par des calculs économiques mais aussi par des considérations politiques, le ministère des Affaires étrangères israéliens permet de décrypter bon nombres d’énigmes.
En effet, mardi 25 mars, des officiels du ministère ont confié que la visite du ministre des Affaires étrangères russe il y a deux semaines était motivée par la volonté de la Russie de prendre davantage pied au Moyen-Orient. Pour contrer l’influence grandissante de l’Iran. Si Téhéran est un allié de la Russie, celle-ci entend garder l’initiative et ne pas perdre le contrôle de la relation. Lavrov s’est également rendu en Syrie, où il a rencontré Khaled Meschaal. Meschaal est toujours accueilli à bras ouverts en Iran et au Soudan. Tout semble donc indiquer que l’Iran a mis la main non seulement sur le Hezbollah - ce qui est disons le naturel - mais également sur le Hamas et la Syrie au détriment de la Russie. L’ambassadeur de la Russie aux Nations Unies a déclaré avoir pris note des progrès réalisés dans la constitution du tribunal international qui jugera les responsables du meurtre d’Hariri. Dit autrement : au vu des circonstances, la Russie ne se battra pas pour la Syrie. Pour l’Iran, il vise maintenant le Liban, l’Irak, et l’Égypte. Cet accord avec le Soudan est donc un très mauvais signe. C’est pourquoi en boycottant le sommet de la Ligue arabe, le Liban, l’Égypte, la Jordanie, l’Arabie Saoudite, l’Irak et le Yémen ont en fait boycotté ... rien moins que l’Iran ! C’est sur lui, et ses amis du Hezbollah - secondairement sur la Syrie, qui reste finalement un petit pays à côté du géant perse - que la pression est en train de monter. La présence grandissante de l’Iran en Syrie et au Liban explique également la politique franchement hostile de la France : c’est elle qui s’est battue avec détermination à l’ONU pour obtenir le vote d’un troisième cycle de sanctions contre l’Iran, de telle sorte que les États-Unis - contrairement à ce qui s’est passé en Irak - ne sont plus isolés sur ce dossier.

La Syrie est en train de payer non seulement sa politique libanaise, mais encore son alignement sur l’Iran. Olmert, en envoyant ses messages, manifeste qu’Israël entend rester le maître de son destin et de ses priorités : c’est lui qui décide du moment, de la manière, de l’étendue qu’il entend donner aux pourparlers, et des conditions qu’il décide de poser. Parce qu’il est vital pour l’avenir d’Israël de ne jamais négocier en position de faiblesse.

Isabelle-Yaël Rose
Jérusalem, le 29 mars 2008