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28 juin 2007

Histoire(s) des Juifs de Tunisie


Impossible de publier sur le blog un « Mois de la Tunisie » sans rendre hommage aux miens, les « Tunes », Juifs de ce pays du Maghreb désormais dispersés - à l’exception d’une communauté résiduelle d’environ 1600 âmes en 2007, dont la moitié vivant dans l’île de Djerba.

Il serait ridicule de publier un article rendant compte, même de façon lapidaire, d’une histoire plus que deux fois millénaire - en ce qui concerne les Juifs djerbiens en tout cas. Aussi vais-je faire court en vous mettant sur quelques pistes, qui seront autant d’hommage rendus à des amis qui se sont faits les historiens et chroniqueurs de leur communauté.

Tout d’abord Jean-Pierre Allali, qui a publié en particulier un très émouvant album de photographies anciennes dans la collection « Images de Mémoire », Gil Wern Editions (mon illustration). On lui doit également un bref historique, publié sur le site « sefarad.org » en lien permanent (cliquer ici). Son article insiste sur les dernières années, plutôt tristes, avec à la fois l’exode et certains incidents antisémites ayant marqué la Tunisie ces dernières années. Jean-Pierre conclue son article ainsi :
« Le temps où l’on voyait se dessiner une nouvelle ère d’or entre la Tunisie et ses enfants juifs, ceux restés au pays comme ceux vivant en France, en Amérique ou en Israël, s’éloigne avec l’aggravation du conflit israélo-arabe. Mais la nostalgie demeure, toujours vivace.
L’inquiétude, donc, la « rasra » tune, mais aussi et toujours le spleen, « l’ ouarche » du temps jadis définitivement révolu. Avec, malgré tout, en toile de fond, l’espoir tenace de retrouvailles proches dans la paix et la sérénité. »


Dans le même ordre d’idées, bref et insistant surtout sur l’épisode du « grand départ », le chapitre du site FIROJPAM consacré aux Juifs de Tunisie (lire ici). Mais il est vrai que ce site, consacré aux Juifs de Terre d’islam qui ont tout perdu - et dont l’histoire est parfaitement méconnue du grand public - a d’abord pour objectif de rappeler spoliations et injustices, quitte à ne pas faire dans la nuance ...

Beaucoup plus complet et plus riche pour les siècles reculés, cet article des historiens Robert Attal et Claude Sitbon publié sur le site "chemla.org" : il est vrai que les mêmes Attal et Sitbon sont les auteurs d’un monumental ouvrage, « Regards sur les Juifs de Tunisie (Editions Albin Michel) et qui avait été mon livre de chevet ... en 1979 !

Comment évoquer les Juifs de Tunisie sans parler de mon ami André Nahum, mon « collègue » de Judaïques FM ? Je lui ai rendu un hommage mérité dans un article publié dans les premiers mois de ce blog, que je vous invite à relire en allant sur ce lien. Il a publié de nombreux livres restituant le patrimoine et l’histoire de notre communauté, que vous découvrirez en allant sur la page qui lui est consacré sur le site « harissa.com ».

L’histoire de ma communauté d'origine a fait l’objet des savantes recherches de la S.H.J.T ("Société d'Histoire des Juifs de Tunisie") qui a déjà, et à plusieurs reprises, été l’invitée de mon émission. Pour en savoir plus sur cette société savante présidée par le professeur Claude Nataf, écrire à son siège : 45 rue La Bruyère, 75.009 Paris.

Enfin, et même si finir ainsi cet article semblera bien mélancolique, les cimetières figent dans la pierre ou le marbre la mémoire de communautés ... Ainsi, le cimetière du Borgel, aux portes de Tunis, comprend quelques 20.000 tombes, hélas en majorité abandonnées et qui ont bien peu de visiteurs. C'est la marque des terres de Diaspora d'où sont partis la plupart des Juifs, que de compter plus de sépultures que de descendants vivant sur place ! Une association s'est constituée récemment pour participer à la préservation de ce cimetière, elle compte parmi ses fondateurs mon amie Monique Hayoun qui se dévoue tellement pour la mémoire judéo-tunisienne. Un site (www.leborgel.com) est en ligne pour accéder à plus d'informations.

J.C


27 juin 2007

Le Lycée Carnot de Tunis, « ya khasra »


Classe de 8ème 1, Lycée Carnot de Tunis, année scolaire 1959-1960

D’abord la minute du traducteur, pour les Internautes ne comprenant pas l’arabe tunisien (si, si, il y en a ...). « Ya khasra » est une expression intraduisible, une sorte de formule condensée voulant exprimer à la fois l’éloignement dans le temps et le regret d’un passé révolu !

Oui, cette photo date vraiment d’il y a longtemps, très longtemps, près d’un demi-siècle ! Mais je reconnais, encore - et peut-être se retrouveront-ils si une recherche sur la Toile les conduit sur ce blog -, mes anciens condisciples du « Petit Lycée » Carnot de Tunis, Attal, Belhassen, Benassein, Chiche, Levy, Enriquez. Et Willy Cohen, qui a envoyé cette photo à l’Association des anciens élèves du Lycée, nous permettant de nous retrouver par le perpétuel miracle d’Internet. Où suis-je ? Et bien, le petit garçon à la tête recouverte d’une cagoule (défense de rire !), c’était moi ... Tout le monde sait, en effet, que Tunis se trouvant au Nord de l’Afrique, il y règne un climat polaire, etc. Non, soyons sérieux : je relevais alors d’une grave maladie qui m’avait contraint à une scolarité à éclipses ; et, fréquent sujet à des angines aiguës associées à des complications, mes parents trouvaient plus prudent de me couvrir ainsi au moindre « coup de froid », ce qui parait bien ridicule à distance !

Nous prenons tous la pose pour cette photo officielle de la classe, devant le Monument aux Morts de la Première Guerre Mondiale ! Et je réalise combien, à quelques années de l’indépendance (cette photo a été prise en 1959 ou 1960), notre école était - comme une bonne partie de la « ville européenne » où elle se trouvait - un morceau de France dans un pays arabe. Simple illusion d’optique, que des évènements brutaux déjà évoqués ici (crise de Bizerte en 1961, Guerre des Six Jours en 1967) allaient vite dissiper ; je réalise aussi, donc, qu’à mesure que je grandissais allait s’évanouir l’univers familier à la génération précédente ... curieuse impression ! Et qui allait graver dans ma conscience - et au fer rouge - la conviction que tout est fragile et changeant avec les années qui passent.

J’ai déjà rendu hommage, publiquement, au Lycée Carnot comme lieu de brassage, de coexistence et d’apprentissage de l’excellence, dans deux émissions et lors de mon intervention au colloque de Tunis (voir post du 10 juin).
J’ajouterais ici deux éléments nouveaux, en complément du paragraphe précédent.
D’abord et par le miracle de « l’école laïque et républicaine » (prolongeant naturellement ce que j’entendais à la maison), je me sentais pleinement français, et même un peu en exil dans un pays ... où mes ancêtres avaient vécu depuis des siècles ! Par un renversement complet (et inattendu), il a fallu que naisse ici en France ma « passion orientaliste » pour que je réalise que je ne connaissais pas grand-chose de mon pays natal, pendant ces années où j'y vivais.
Ensuite, j’ai mis des années à réaliser que cette patrie rêvée à distance, dont j’admirais sur des livres de géographie la beauté des paysages, dont je respirais la grandeur littéraire et artistique par la lecture assidue des « Lagarde et Michard » allait, dans la réalité, s’avérer une chimère : parce que j’ai continué de grandir ? Parce que mai 1968 est passé par là (renvoyant en particulier aux oubliettes, les fameux Lagarde et Michard) ? Parce que nos enfants ont, partout dans le Monde, des domaines d’intérêt bien différents des nôtres à l'époque ? Parce que les repères ont changé ici aussi, en nous faisant tous regretter l’univers d’Amélie Poulain ? Peut-être, et je vous laisse y réfléchir.

En attendant, je vous invite à consulter d’urgence le site de l'Association des Anciens Elèves du Lycée Carnot de Tunis. Une association bien dynamique, dont les activités vont largement au-delà de la publication de photos nostalgiques comme celle-ci, ou de la publication d’annuaires « d’anciens » ! Voyages, dans le pays natal ou partout dans le monde. Conférences débats, dans le cadre de dîners chaleureux à l’UNESCO à Paris. Présentations de livres, d’anciens élèves et/ou en relation avec la Tunisie ... Bravo à Lina Hayoun qui rend tellement vivant et riche ce site ; et qui, avec son mari Michel, a créé et animé une association bien dynamique, qui permet la rencontre d’originaires de Tunisie de toutes les confessions, comme au temps du Lycée Carnot !

J.C


26 juin 2007

Des manuels scolaires tunisiens d'instruction religieuse prônent la tolérance et le dialogue


L’indispensable site « Memri » ("Middle East Media Research Institute") se livre à une compilation et à une analyse continues de toutes les publications, écrites ou audiovisuelles, venant du monde arabe ou de l’Iran. On trouvera en lien permanent le « memriblog » qui est une sorte de « digest », plus vivant, du site. Ce dernier est accessible en plusieurs langues, la version anglaise étant bien sûr la plus complète.

Dans le cadre du « mois de la Tunisie », je pense nécessaire de vous signaler cet article qui loue les manuels d’instruction religieuse dans ce pays - alors que, hélas, trop souvent on enseigne ailleurs un islam intolérant, agressif et méprisant pour les autres cultures et religions. Un coup de chapeau donc à ce petit pays du Maghreb, dont vous pourrez lire l’intégralité sur ce lien. Ci-dessous un extrait de cet article, richement référencé et signé M. Feki et N. Maruani.

"Un examen attentif des manuels scolaires tunisiens d’instruction religieuse des classes de Première et de Terminale révèle le rôle déterminant que joue l'Etat tunisien dans trois domaines: la séparation des pouvoirs, la liberté individuelle et la tolérance vis-à-vis d'autrui.
En outre, ces manuels ne se limitent pas à un seul courant religieux, mais prennent en considération les différents courants de l'islam. Ainsi, bien que la Tunisie soit majoritairement sunnite, elle accorde une place au chiisme dans ses manuels religieux.
Le rapport qui suit porte sur les manuels d'instruction religieuse des classes de Première et de Terminale ("deuxième et troisième années secondaires") et plus particulièrement sur certains de leurs grands thèmes de prédilection: la laïcité au regard de la religion, la nécessité d'éviter les conflits d'ordre religieux, l'éducation comme facteur de liberté et d'harmonisation entre religion et modernité, le siècle des Lumières en Europe, l'importance de la concertation, de la tolérance et du dialogue.
Il s'avère que le programme des manuels scolaires tunisiens d'éducation religieuse est fidèle à l'esprit de la salafiyya (ancien courant réformiste musulman). Bien qu'aujourd'hui le terme "salafiste" ne soit pas loin de signifier "extrémiste", les premiers salafistes, dont certains écrits ont été repris dans ces manuels, encourageaient un islam modéré, l'ouverture et la modernité. Ce mouvement d'origine a par la suite été récupéré par le nationalisme et l'islamisme arabes, ce qui a progressivement contribué à marginaliser le progressisme musulman. La Tunisie a toutefois échappé à cette tendance, ainsi que le révèle la lecture des manuels scolaires. (...)"


J.C

25 juin 2007

Najar, le Roi du bomboloni !

Photo tirée du site http://www.nabeul.net/


Bon appétit !


Que ce « ftairi » (traduction approximative : "celui qui fait des beignets") a l’air fier ! Une fierté bien méritée, si l'on songe à l’illustre maison où il officie. « Am Salah » Najar est en effet le fils du fondateur de la pâtisserie « Najar frères », qui a obtenu des médailles dans des salons internationaux, et fourni la Cour du Bey de Tunis, du temps où le pays était une Régence sous protectorat français.

La photo est tirée du site Nabeul.net , une création magnifique de mon amie Monique Hayoun, juive native de cette petite ville du Sud du Cap Bon, et qui voue un véritable culte à ses racines tunisiennes ... 

Allez, puisque je vous ai mis en appétit, je vous mets aussi en lien
qui récapitule les principales spécialités culinaires de mon pays natal. Je vous ai déjà dit, à propos du site « harissa.com », combien les « Tunes » vouaient un véritable culte à la « bouffe » ; ne soyez donc pas étonnés si vous faites un tour sur cette autre adresse, d’y trouver de magnifiques photos en couleur de mets bien huileux (pour les entrées ou les plats de résistance) ou recouverts de miel ou de sucre (pour les desserts).

Au fait j’avais oublié de vous traduire « bomboloni », comment le dire ? Beignet à l’huile, à déguster bien chaud, comme goûter ou au petit-déjeuner ? D’autres questions ? Le régime dont je vous avais parlé il y a quelques mois ? Je continue, et je vais vite arrêter de vous parler de la cuisine tunisienne, car je crains de prendre des kilos rien qu’en voyant ces photos avec vous !

J.C

Juifs d’Algérie, les trois exils : Benjamin Stora sera mon invité le 1er juillet


J’aurai à nouveau le très grand plaisir d’avoir pour invité dimanche prochain à mon émission le célèbre historien Benjamin Stora. Rappelons que je l’avais déjà reçu en janvier 2005, et qu’il existe un podcast à écouter sur le blog pour cette interview consacrée à un livre déjà ancien, « La gangrène et l’oubli », un classique sur la guerre d’Algérie (lien vers le podcast).

 Auteur de plus d’une trentaine d’ouvrages consacrés à l’Algérie, sa terre natale (il a du fuir Constantine à l’âge de 11 ans, au moment de l’indépendance), il manquait cependant une pièce au puzzle que Benjamin Stora a reconstitué au fil des années, cette pièce c’était l’histoire des Juifs d’Algérie, une communauté humaine dont il est issu, mais dont il s’était assez peu réclamé dans le passé. Il a publié en septembre dernier aux Editions Stock « Les trois exils, Juifs d’Algérie », et je dois dire ici combien j’ai trouvé sa synthèse, qui fait un peu plus de 200 pages, vraiment riche et pleine d’informations inédites sur un sujet que l’on croyait déjà connu. En plus, son sujet est emblématique d’un autre enjeu - celui-là hélas, toujours d’actualité, des relations difficiles entre Juifs et Musulmans.
Il n’était donc pas possible de faire une interview valable en seulement 25 minutes, aussi ce livre donnera lieu à deux émissions : le 1er juillet, nous parlerons de l’histoire des Juifs d’Algérie jusqu’à la veille de la Seconde Guerre Mondiale ; puis dans la deuxième partie, qui sera diffusée le 15 juillet, nous évoquerons ce que fut le sort de cette Communauté sous Vichy, puis quelques années après pendant la guerre coloniale jusqu’au grand départ en 1962.
Quelques mots à propos du titre du livre, et de son illustration de couverture.
Contrairement à mes compatriotes de Tunisie (si largement évoqués ce mois-ci sur le blog), les Juifs d’Algérie ont connu de façon assez homogène trois « exils » comme l’écrit Benjamin Stora en introduction : « En moins d’un siècle, de 1870 à 1962, les juifs d’Algérie se sont donc déplacés trois fois : hors de la tradition juive en terre d’islam, hors de la communauté française de 1940 à 1943, hors de la terre algérienne en 1962 ». Si le premier « exil », fortement accéléré par la naturalisation française en masse au moment du Décret Crémieux, fut très bien ressenti dans l’ensemble, le deuxième - dû aux infâmes statuts de Vichy, avec en plus la dénaturalisation d’un trait de plume en octobre 1940 - puis quelques années plus tard, la guerre coloniale et le « vrai » exil, hors de la terre ancestrale, allaient causer un tel choc que cette communauté (contrairement à celles voisines de Tunisie ou du Maroc) a choisi, pendant longtemps, de refouler ce passé douloureux en ne se construisant même pas une mémoire singulière.
Quand à la photo de couverture, elle fait partie des archives de Benjamin Stora : prise en juin 1914, elle représente sa famille réunie avant de se rendre à Alger pour un mariage ; certains sont vêtus à l’européenne, d’autres ont mis leurs beaux vêtements « indigènes » pour immortaliser ce voyage extraordinaire qui les mènerait de Constantine à Alger : on ne peut pas mieux rendre compte, comme l’a dit André Chouraqui, de ces « Français juifs qui ont connu une enfance judéo-arabe et un âge d’homme français » ... 
J.C

24 juin 2007

Bourguiba et les femmes


J’ai découvert il y a peu ce document historique, datant de plusieurs décennies ... un petit reportage filmé de moins de 7 minutes, évoquant la dure condition des femmes de la Tunisie profonde à l’orée de l’indépendance. Et c’est Habib Bourguiba lui-même qui évoque, avec son accent savoureux et sa manière inimitable, des souvenirs personnels comme le mariage arrangé de son frère !

Le « Combattant suprême » ne fut pas seulement le libérateur de son pays, il fut aussi (on serait tenté de dire « surtout », alors qu’un islamisme conquérant tente d’imposer une chape de plomb sur la moitié de la population en terre musulmane), le libérateur de la femme tunisienne : droit de vote, égalité devant les tribunaux, droit de divorcer, suppression de la polygamie ... Bourguiba a su l’imposer, et tout de suite.

Au-delà donc de ma nostalgie personnelle pour cette voix chevrotante et disparue, je vous invite à voir ce petit film d’archive en pensant, très fort, aux enjeux d’aujourd’hui.

A noter enfin qu’un site (http://www.bourguiba.com/) rassemble des archives sur le premier Président de la République Tunisienne

J.C



Bourguiba & Les Femmes 2
envoyé par jamsoun

22 juin 2007

Relations Tunisie - Israël : un article révélateur du quotidien "le Temps"

Introduction :
Et où en sont les relations entre la Tunisie et Israël ?
Petit rappel : même si elle n'a jamais connu d'état de guerre avec l’État juif, distant de plusieurs milliers de kilomètres, la Tunisie s'est toujours alignée sur la position des autres pays de la Ligue Arabe, refusant pendant des dizaines d'années le moindre contact avec lui, pour ensuite, timidement, aller vers une reconnaissance "de facto" et sans chaleur : le maximum de rapprochement eut lieu entre 1996 et 2000 avec l'échange de chargés d'affaires dans la foulée des accords d'Oslo, relations "low profile" rompues par Tunis dès le début de la deuxième Intifada. Depuis, et malgré l'impasse totale dans les perspectives de règlement du conflit israélo-palestinien, des ressortissants israéliens viennent de façon épisodique sur le sol tunisien, qu'il s'agisse d'officiels acceptés dans le cadre de congrès internationaux (comme l'ex-Ministre des Affaires Étrangères Silvan Shalom il y a deux ans), ou comme touristes (comme lors du pèlerinage à la "Ghriba" de Djerba). En fait, la Tunisie occupe une position médiane au Maghreb, entre l'Algérie toujours virulente dans son antisionisme, et le Maroc où les relations avec Israël sont depuis longtemps décomplexées ...
Il m'a semblé intéressant de reproduire ici cet article publié dans le quotidien gouvernemental "Le Temps" en avril dernier, parce que dans le fond tout y est : le vieux refus arabe, hélas, de toute légitimité historique ou politique à l’État juif - si on entend cela à Tunis, on peut comprendre combien les Israéliens ont raison de douter d'une vraie réconciliation avec le monde arabe ; mais aussi - preuve d'intelligence et de réalisme ! - un vigoureux plaidoyer pour accepter un compromis sur la base de "deux États pour deux Peuples", la seule solution acceptable pour la Communauté internationale. Bonne lecture !
J.C

Elites politiques et dérives populistes, par Rhida Kefi
La 3ème session de l'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne (APEM) s'est réunie à Tunis, du 16 au 18 mars, sous la présidence de M. Foued Mebazaa, président de la Chambre des députés tunisienne et président en exercice de l'APEM, et M. Hans-Gert Poettering, président du Parlement européen, et avec la participation de parlementaires européens et sud méditerranéens, venus d'Algérie, du Maroc, d'Egypte, de Jordanie, des Territoires Palestiniens et. d'Israël.

La présence, à Tunis, à cette occasion, d'une délégation de parlementaires israéliens n'a cependant pas été du goût de certains leaders de l'opposition, qui se sont fendus de communiqués reprochant au gouvernement un acte de normalisation avec Israël. Ces communiqués ressemblent à s'y méprendre à ceux déjà publiés en d'autres circonstances, notamment à l'occasion de la participation d'une délégation israélienne au second volet du Sommet mondiale de la société de l'information (SMSI), en novembre 2005, à Tunis. La portée opportunément populiste de ces communiqués ne nous a pas échappé. Pas plus d'ailleurs que la bonne (ou mauvaise) foi de leurs auteurs. Et pour cause : certains de ceux qui se sont dits choqués par la présence d'Israéliens dans notre pays ont souvent siégé, eux-mêmes, dans des réunions internationales aux côtés de délégués israéliens. D'autres ont même honoré des invitations émanant de think tanks connus pour leur soutien inconditionnel à Israël, comme l'American Enterprise Institute, à Washington, où, soit dit en passant, Me Néjib Chebbi, du Parti démocratique progressiste (PDP) avait prononcé un discours le 31 mars 2006.

Les critiques de Chebbi et de ses camarades de l'opposition auraient pu se justifier si la Tunisie n'avait pas des engagements internationaux au sein des Nations unies ou du processus Euromed qui lui imposent de siéger, ne fut-ce qu'au niveau de ces deux instances, aux côtés de son homologue israélien. En ce qui concerne la dernière réunion l'APEM, il convient aussi de ne pas perdre de vue qu'Israël est membre à part entière de cette institution au même titre que la Tunisie et qu'un éventuel refus de notre pays d'accueillir des parlementaires israéliens aurait eu des conséquences sur l'avenir de notre partenariat avec l'Union européenne. Enfin, il aurait été plus décent, et sans doute aussi plus utile, au moment où la communauté internationale semble déterminée à relancer le processus de paix au Proche-Orient, d'appeler au dialogue entre Palestiniens et Israéliens, ne fut-ce qu'au niveau parlementaire, et d'éviter les discours de rupture. Tant il est vrai qu'on ne fait pas la paix avec ses amis, mais avec ses ennemis, et qu'à cet égard, on ne peut pas être plus Palestiniens que les Palestiniens, au moment où ces derniers, le président Mahmoud Abbas en tête, multiplient les canaux de discussion avec leurs ennemis de toujours.
Qu'on me comprenne bien : je ne plaide pas ici en faveur d'une normalisation des relations avec l'Etat hébreu. Car je continue d'être foncièrement antisioniste et d'assimiler le sionisme à une forme de racisme. Je continue aussi de considérer Israël comme est un Etat «illégitime» et par essence raciste, un Etat d'apartheid, comme le fut jadis l'Afrique du Sud, un Etat qui se barricade derrière des murs de haine et de rejet des Palestiniens, ses voisins et néanmoins victimes, qu'il enferme dans des bantoustans, des sortes de gigantesques prisons à ciel ouvert. Je continue également de militer contre cet Etat, notamment en stigmatisant ses menées militaristes et en dénonçant ses projets expansionnistes au Proche-Orient.
Mais, tout en refusant de changer cette opinion négative sur Israël, tant que ses dirigeants ne prouveront pas leur volonté de vivre en paix aux côtés de leurs voisins arabes, je ne perds jamais de vue qu'Israël est devenu, à la suite des guerres successives qu'il a remportées contre ses voisins arabes (1948, 1956, 1967, 1973, 1982 ...), une puissance militaire incontournable au Moyen-Orient. Et qui inspire le respect du à un ennemi qu'on redoute. Je ne perds pas de vue, non plus, que l'«entité sioniste», comme aiment à l'appeler nationalistes arabes et islamistes, est devenue «légale» depuis sa reconnaissance par la communauté internationale, en 1947, puis par les vingt-deux Etats membres de la Ligue arabe, après l'annonce de leur plan de paix, au sommet de Beyrouth, en 2002. Relancé au dernier sommet arabe de Riyadh, le 28 mars, ce plan offre à Israël une normalisation de ses relations avec tous les pays arabes en échange d'un retrait des territoires arabes occupés par l'Etat hébreu depuis 1967, de la création d'un Etat palestinien avec Jérusalem-Est pour capitale et d'un règlement équitable de la question des réfugiés palestiniens. Je ne perds pas de vue, enfin, que certains des Etats arabes, qui furent jadis les irréductibles ennemis d'Israël, comme l'Egypte, la Jordanie et, à un degré moindre, la Mauritanie, ont établi avec l'Etat hébreu, bien avant 2002, des relations diplomatiques en bonne et due forme. Alors que d'autres Etats de la région ont noué des relations commerciales suivies avec Israël et que d'autres encore ont ouvert avec lui des canaux diplomatiques plus ou moins secrets.

C'est pour toutes ces raisons que je ne m'explique pas la position de certains de nos opposants qui continuent de se voiler la face et de crier hypocritement au scandale dès que l'Etat, respectueux de ses engagements internationaux, accueille - sans doute à contre cour et ne cachant d'ailleurs pas son embarras - une délégation israélienne sur son territoire ou participe à une réunion internationale à laquelle prend part également une délégation israélienne ? En tant que citoyen arabe soucieux des intérêts (et de l'avenir) des Palestiniens, je me contenterais, pour ma part, autant par réalisme politique qu'en désespoir de cause ou faute de mieux, de défendre la cause d'un Etat palestinien viable à l'intérieur de frontières reconnues internationalement, mais un Etat palestinien à côté de celui d'Israël, et non pas contre lui, puisque la création de l'un, aujourd'hui souhaitée par la communauté internationale, demeure tributaire de la reconnaissance définitive de l'autre, tout aussi souhaitée par cette même communauté, et de la ratification d'un accord de paix entre les deux parties. N'en déplaise aux membres du Hamas et du Djihad islamique et à tous les extrémistes de la région qui soutiennent les ultras de Gaza et de Cisjordanie, il n'y a pas aujourd'hui d'autre solution pour un règlement un tant soit peu acceptable de la question palestinienne. De la même manière, mais pour des raisons qui tiennent plus de la rigueur morale et intellectuelle que de la simple realpolitik, je récuse toute forme de négationnisme ou d'antisémitisme (anti-juif). Car si l'Etat d'Israël a été fondé sur une injustice infligée aux Palestiniens, cela ne nous autorise nullement à minimiser, et encore moins à dénier, par ressentiment, les injustices infligées, au cours des siècles, aux Juifs. Car ce déni de l'Histoire risque de justifier, en retour, aux yeux des Israéliens, dont beaucoup s'opposent à la politique de leur gouvernement et se disent favorables à la création d'un Etat palestinien, la minimisation des souffrances actuelles des Palestiniens.

Autrement dit: les réflexes anti-israéliens, souvent ressentis par la communauté internationale comme antisémites, desservent les Palestiniens plus qu'ils ne les servent.

Article paru sur le site du quotidien "le Temps",
3 Avril 2007

21 juin 2007

Fin du statu-quo

Le Président Bachar El-Assad
(photo Reuters)

Si le pire n’est jamais certain, il est pourtant souvent probable. Voir très probable. Particulièrement au Moyen-Orient, où les hommes semblent essayer toutes les possibilités issues de leur imagination. Pour cela, il suffit qu’ils aient des armes - c’est-à-dire de l’argent. Quand l’imagination est saine, elle produit de belles réalisations. Mais quand elle est détraquée, pour une raison ou pour une autre, malheur à celui qui ouvre la boîte de Pandore. C’est pourquoi l’identité moyen-orientale est paradoxale : en même temps qu’elle aura engendré de grandes civilisations - dont la dimension religieuse fût toujours fondamentale - elle aura été le creuset presque inépuisable de toutes les violences. C’est qu’au Moyen-Orient, l’âme humaine se révèle dans sa nudité. L’Histoire qu’elle raconte, pour parler dans un vocabulaire psychanalytique, est celle de la guerre à mort entre principe de réalité et principe de plaisir. Eros et Thanatos. Parce que la dialectique est intrinsèque à l’âme et aux sociétés humaines, elle n’admet, par essence, aucune solution. A moins de se laisser enivrer par l’illusion d’une réforme de l’homme. Si le pire n’est jamais certain, il est pourtant souvent nécessaire. Particulièrement au Moyen-Orient. Et malheur à celui qui l’oublie quand il aborde cette région.

Un événement politique considérable vient de se produire à Gaza avec la prise de pouvoir par la violence du Hamas. Cette fracture à l’intérieur du peuple palestinien est sans précédent. Fracture politique, mais surtout identitaire, qui remet en cause jusque l’idée de nation. D’une nation. Si la bande de Gaza est un territoire dont la surface est insignifiante, ce qui vient de se produire est en revanche très lourd de conséquences. Pour tout le Moyen-Orient.
D’abord, Al-Qaïda vient de prendre, pour la première fois, la parole publiquement. Pour annoncer que l’objectif unique est la révolution islamiste, universelle, sans considération des peuples ou des nations. Le message est clair : le Hamas doit être un instrument, et le peuple palestinien le fer de lance d’une nouvelle expérimentation. Singulièrement, les Frères Musulmans n’ont pas réagi à la prise de pouvoir du Hamas - silence. Silence très inquiétant. Mais une chose est certaine : l’objectif principal du Hamas n’est pas la construction de la Palestine. Il a en vue d’autres objectifs, à comprendre dans une logique plus complexe, régionale, même universaliste.
Ensuite, c’est la première fois qu’une organisation inscrite sur la liste des organisations terroristes internationales prend le pouvoir. Sans rencontrer de résistance. Fâcheux précédent pour la démocratie. Plus encore : très fâcheux précédent pour les démocraties arabes ou les pays arabes modérés. Gaza pourrait bien devenir la Tchécoslovaquie du 21è siècle. Car une chose est encore certaine : le Hamas trouvera des interlocuteurs politiques internationaux. On verra ainsi comment le culot politique le plus sanglant - le « fait accompli » dans la violence - trouvera sa légitimité politique, voire même juridique, d’une manière ad-hoc. Cela s’est passé ainsi pour toutes les révolutions du monde. Pour toutes les conquêtes. Ainsi fonctionne l’histoire des peuples et des hommes. Il faut s’attendre à entendre de « drôles » de choses ...

Mais le fait le plus inquiétant est le moment que le Hamas a choisi pour faire sa « révolution ». Le timing est intrigant : d’une part, le gouvernement du Liban a lancé une offensive contre le « Fatah-Al-Islam », au Nord. D’autre part, Égypte a durci sa législation, interdisant l’entrée au Parlement des groupes religieux (les Frères Musulmans). Ensuite, des « katiouchot » ont été lancées contre le Nord du territoire d’Israël (l’armée israélienne indique la responsabilité d’une organisation palestinienne, et non pas celle du Hezbollah chiite financé par l’Iran). Enfin, nous venons de l’apprendre aujourd’hui : il n’y a pas de négociations possibles entre Israël et la Syrie. Les États-Unis et Israël ont dit « non ». La Syrie ne remplissait pas les conditions pour une reprise des négociations. Voilà la nouvelle importante, qui jette une autre lumière sur tous ces événements. Le régime de Bashar El-Assad est affaibli politiquement. En revanche, d’un point de vue militaire, il s’est considérablement armé ces derniers mois. Sans compter les simulations et les entraînements. Pour survivre, Bashar El-Assad doit retrouver une légitimité. Dans une population majoritairement sunnite. Dans un pays qui « accueille » Khaled Meschaal et ses « organisations palestiniennes ». Dans une Syrie qui pense - à tort - qu’elle est humiliée et faible. Qu’elle doit retrouver toute sa place dans un monde arabe qui l’a somme toute marginalisée, et qui sous-estime singulièrement les facultés de résilience de la société et de l’armée israéliennes. Dans ces circonstances, et au vu de la psychologie régionale, il ne reste plus qu’une seule option au Président Assad. Si le pire n’est jamais certain, il est pourtant probable. Les hommes l’ont souvent essayé.

Quand Sadate a voulu s’éloigner de son allié traditionnel russe, et contraindre les États-Unis à le prendre au sérieux - sachant que pour ce faire, il serait amené à négocier avec Israël -, le grand Président égyptien a d’abord cherché à se mettre en position de force : on ne négocie jamais en position de faiblesse, plus encore au Moyen-Orient. Il a donc déclenché une guerre. Il n’était pas nécessaire que cette guerre soit absolument gagnée. Il suffisait juste deux choses : d’abord, pouvoir produire l’illusion, pour son peuple, qu’elle était gagnée ; c’était moins le nombre de morts, de blessés, et de prisonniers égyptiens qui comptait, que le nombre de morts, de blessés et de prisonniers israéliens. Ensuite, cette guerre lui permettrait, après la défaite de 1967 et la mort du légendaire Nasser, de montrer aux États-Unis que l’Égypte restait une puissance locale qui comptait - pour la guerre, pour la paix. Bref, l’Égypte redevenait pleinement un acteur politique. Certes, Bashar El-Assad n’est pas Sadate, et la Syrie n’est pas l’Égypte. Mais la fragilité du régime syrien, replacée dans la perspective générale de la région - politique, historique, voire même psychologique ; lue en parallèle avec les tout récents événements ; n’indique rien de très bon. L’avenir dira la direction du vent ... il y a de multiples courants d’air dans la région !

Isabelle Yaël Rose,
Jérusalem


20 juin 2007

Fadela Amara, une promotion bien méritée

Avec la nomination de la Présidente fondatrice de « Ni putes ni soumises » comme Secrétaire d’État à la Ville dans le gouvernement « Fillon 2 », Nicolas Sarkozy a probablement fait d’une pierre plusieurs coups : nommer trois représentantes des « minorités visibles » (avec Rachida Dati et Rama Yade) ; féminiser d’avantage encore son équipe ; faire entrer une nouvelle « personnalité de la société civile », après Bernard Kouchner ; poser clairement la priorité des banlieues et de l’avenir des jeunes issus de l’immigration, après les émeutes de novembre 2005 ; et enfin, porter un nouveau coup de canif à l’opposition en faisant entrer une nouvelle personnalité notoirement de gauche.

Avec autant de risques d’être « instrumentalisée », Fadela Amara affirme qu'elle ne servira pas d'alibi. Mais sa défection à la gauche traduit, aussi et au niveau de beaucoup de « Beurs » longtemps compagnons de route du Parti Socialiste, la grande amertume face au manque de reconnaissance des anciens « parrains » ... Pour ne prendre qu’un exemple, Malek Boutih, ancien Président de SOS Racisme où il forma au militantisme notre nouvelle Secrétaire d’État, n’a eu droit pour les dernières législatives qu’à un misérable « parachutage » dans une circonscription de Province, où par manque de soutien, il fut logiquement éliminé au premier tour. Pour être tout à fait juste, il faut aussi dire que les électeurs n’ont pas, non plus, montré beaucoup d’enthousiasme à soutenir des candidats issus de l’immigration et soutenus par la droite, comme par exemple Lynda Asmani et Jeannette Bougrab à Paris.

Mais je voudrais, ici, évoquer quelques souvenirs personnels concernant Fadela Amara. D’abord dire combien je regrette de l’avoir « ratée » lors d’une émission consacrée à « Ni putes ni soumises » il y a deux ans et demi : fortement grippée, elle fut remplacée alors au pied levé par sa Vice Présidente, Safia Lebdi (lire en lien). Et évoquer son audition par la « Commission pour les relations avec les Musulmans » du CRIF en janvier 2004, réunion passionnante où j’ai noirci trois pages de notes que je viens de relire.
Elle nous avait d’abord exposé, très clairement les trois paramètres qui expliquent la montée de l’intégrisme : échec de l’intégration et racisme ; chômage de masse dans les cités, avec perte de prestige et d’autorité des chefs de famille, remis en cause par les « fils aînés » jouant la carte de l’économie parallèle ; montée de la mouvance intégriste, qui a semblé au départ redonner un sentiment de dignité. Elle avait évoqué, ensuite, la problématique des intellectuels rejetés par la société, ces « Bac + 5 » devenant les vecteurs du « fascisme vert » et qui professent un antisémitisme structuré : elle avait témoigné avoir entendu des prêches en français d’imams salafistes venus du Pakistan, et avoué sa peur devant une telle propagande. Fadela Amara avait évoqué, enfin, les « fatwas » lancées contre elle et sa famille, les menaces lors de meetings en banlieue, parce que l’on reprochait à son mouvement d’avoir pris position à la fois contre les intégristes en Algérie et pour la Paix au Proche Orient, une Paix fondée sur la reconnaissance mutuelle. A l’époque, elle se disait fâchée contre Sarkozy que l’on disait « communautariste » et favorisant l’U.O.I.F ... décidément, bien des choses peuvent changer en trois ans !

Pour en savoir plus : aller sur le site de « Ni putes ni soumises », en lien permanent.
Lire aussi le très bel article sous sa signature et celle de Mohamed Abdi, repris sur le blog le 7 février dernier.

J.C

19 juin 2007

Maurice Bismouth, peintre tune !

Toile de Maurice Bismouth, datée 1935
(collection Jean Corcos)

Une toile sur la Toile
- juin 2007

J’avais déjà évoqué sur le blog (lire ici) ma première passion orientaliste, celle de l’époque où plus de temps - et de finances ! - m’ont permis de débuter une petite collection de tableaux.

Parmi les œuvres acquises à l’époque donc, cette petite (17 x 12,5 cm) toile de Maurice Bismouth, mon compatriote de Tunisie. On se reportera, à nouveau, à l’irremplaçable site « harissa.com » pour lire une brève biographie de ce peintre, avec des reproduction de quelques tableaux : scènes des rues, rabbins en train de prier à la Ghriba de Djerba ou ailleurs, et aussi figures éternelles de la Tunisie, comme cette jolie bédouine. Comme à propos de Lucien Lévy-Dhurmer évoqué sur le blog il y a un an, je suis heureux d'évoquer à nouveau un grand peintre juif qui a su, si bien, immortaliser des personnages musulmans.

Qu’est-elle devenue depuis ... 1935, date mentionnée sur le tableau ? Elle est très probablement morte, ou alors extrêmement vieille, et méconnaissable par rapport à la fière jeune fille au turban, qui apporte toujours un peu de soleil de Tunisie dans mon appartement parisien !

J.C

18 juin 2007

Le pèlerinage à la Ghriba de Djerba vu par la presse tunisienne

Introduction :
Reparlons à nouveau ici du pèlerinage à la « Ghriba » de Djerba, qui est probablement la plus ancienne synagogue du monde, et qui voit se retrouver chaque année des milliers de Juifs d’origine tunisienne, à l’occasion des fêtes de Lag Baomer. Détail à signaler - alors que la propagande antisémite est virulente en terre d’islam, et que Al-Qaïda menace partout les Juifs qui s’y aventurent -, des touristes israéliens viennent régulièrement à cette occasion, en Tunisie comme au Maroc (lire ici). Et ils sont magnifiquement accueillis, comme d’ailleurs tous les « Tunes » de retour au pays ! En tout cas, les journaux tunisiens parlent avec beaucoup de fierté de ce pèlerinage à Djerba, comme dans cet article du journal « La Presse » du 12 mai 2007.
J.C

Une fête sacrée dans un havre de paix
Ils s’étaient donné rendez-vous sous un soleil presque estival et sur une île qui continue à séduire par sa magie légendaire : Djerba. «Ils», ce sont les pèlerins de la Ghriba, un des hauts lieux de culte juifs bâti sur nos terres et qui reçoit chaque année des pèlerins venus de par le monde accomplir un acte religieux.
Accomplir un acte religieux mais aussi faire la fête et se retrouver sur une terre d’Islam où les trois grandes religions monothéistes ont cohabité et continuent à cohabiter dans une atmosphère de paix qui fait cas de «rareté» aujourd’hui.
L’histoire de Djerba et donc de la Tunisie est chargée d’un grand message de dialogue entre les peuples ô combien exemplaire. Un message et une culture du dialogue que la Tunisie est bien déterminée à cultiver par ces temps de troubles qui secouent le monde. Pour nos visiteurs, c’est une exception que d’accomplir leur pèlerinage sur une terre d’Islam, et pour la Tunisie c’est une manière de prouver que le «vivre ensemble» et la culture du dialogue ne sont pas que des concepts.
Nous sommes à La Ghriba, dans la plus ancienne synagogue au monde. Les pèlerins arrivent par bus entiers déposer leurs offrandes et faire leurs voeux. Cette année, leur nombre est d’environ 5.000 sans trop de décalage par rapport à l’année dernière. On enregistrera cette année de nouvelles provenances comme le Canada par exemple ou l’Angleterre à côté des pays de tout le bassin méditerranéen. Rapy Sidney, qui vient pour la première fois en Tunisie, déclare : «Je crois que certains médias veulent défaire le monde. Sincèrement, ce n’est pas l’image que j’avais du monde musulman. Croyez-moi, j’ai pu me défaire de cette image dès le premier jour que j’ai passé en Tunisie. Il y a une impressionnante ambiance de paix et de sécurité. J’ai pu accomplir mon pèlerinage et j’ai fait la fête en toute sérénité. C’est une grande leçon de tolérance pour le monde entier... et avec quelle modestie!».
Rapy fait partie des 5.000 visiteurs qui ont fait la fête à Djerba, car le pèlerinage de La Ghriba comprend un volet religieux et un volet festif où on célèbre les rencontres et les retrouvailles. Laure Fontou n’a pas visité la Tunisie depuis une vingtaine d’années : «Je suis très émue, dit-elle, le moment était très fort lorsque j’ai retrouvé ma maison et mes amis. C’est le plus beau cadeau que j’aie eu dans ce pays qui rassemble et qui ne divise pas.» «La Tunisie a le courage d’assumer ses choix en organisant chaque année le pèlerinage de la Ghriba. C’est un pays qui a compris que nous sommes tous les enfants d’Abraham. Tout cela avec beaucoup de discrétion et d’élégance culturelle», dit Haym Demri.
«Ce n’est pas la première fois que je viens en Tunisie, dit Assor Fellous, je connais aussi Tunis, ce qui m’impressionne c’est qu’il y a toujours quelque chose de nouveau. C’est un pays qui bouge et puis il y a les Tunisiennes qui sont très évoluées. Elles ne portent pas leur féminité comme une tare. Pour moi, cela veut dire que la Tunisie a misé sur la modernité et l’ouverture sans perdre son identité. Une identité des plus sereines d’ailleurs !»
Sérénité, c’est l’impression qui se dégage de l’île de Djerba lors de ce pèlerinage et tout le monde a eu ce désir ulyssien : rester encore à Djerba ...

Salem Trabelsi

Rencontre de blogueurs à Paris ...

Zied Mhirsi et Jean Corcos, Paris le 15 juin 2007

J'ai enfin pu rencontrer Zied, le webmaster du blog zizoufromdjerba en lien permanent sur mon site ! De passage à Paris - de retour des États-Unis où il a passé presque un an et sur le chemin de Tunis -, il m'avait dit qu'il viendrait ici quelques jours, et ce fut pour moi un vrai plaisir que cette rencontre, dans un vrai café parisien (et nous n'avions pas choisi de faire cette photo avec de l'autre côté de la vitre une station de métro) ...

Petit rappel pour les nouveaux lecteurs. J'avais relevé il y a plus de deux ans ici son blog, où il parlait, avec beaucoup de sympathie, du pèlerinage de milliers de Juifs d'origine tunisienne sur l'île de Djerba. Une ile chère à son cœur, car sa famille y plonge aussi ses racines. Depuis, nous avons correspondu de temps à autres, et j'avais pu suivre dans ses voyages autour du monde ce jeune médecin plein d'idéal, à la fois dans son domaine de travail (il s'est dédié à la lutte contre le Sida, et a obtenu des fonds internationaux pour ses missions) et dans son amour des contacts humains et des échanges (on n'est pas "blogueur" par hasard !).

Je reproduis ci-dessous la présentation qu'il a placée sur son blog, à remettre à jour donc puisqu'il vient d'achever son passage à Seattle.

"Je suis né à Tunis, passé mon enfance à Nabeul et Bizerte. J'ai fait médecine à Tunis, santé publique à Beyrouth (AUB) et actuellement santé internationale à Seattle (UW). J'ai été président de l'Association des Étudiants de la Faculté de Médecine de Tunis, membre fondateur du Leo Hannibal et membre de l'Association Tunisienne de Lutte contre le Sida depuis 1997. J'ai également été coordinateur de la région arabe pour le compte de la fédération internationale des étudiants en médecine et sélectionné par les Nations Unies en tant que Global Young Leader."

Comme je vous le disais, Zied est quelqu'un d'une très grande ouverture d'esprit : ainsi par exemple, il a repris un extrait de mon article publié pour l'anniversaire des évènements de Tunis, lors de la Guerre des Six Jours. Et cette publication lui a valu des dizaines de commentaires que l'on pourra lire en lien ... Bravo pour son courage, et bravo pour avoir ouvert un débat sur la mémoire historique de la Tunisie !

Il me reste à vous recommander la lecture régulière de ce blog ami, et à te dire, Zied, bonne chance dans tes nouvelles aventures.

J.C

17 juin 2007

Gaza : répétition générale avant la prochaine guerre ?

Palestiniens tentant de fuir vers Israël
au point de passage d'Erez, samedi 16 juin 2007
(photo Associated Press)

J'ai été frappé par cette photo poignante, publiée sur le site Internet du journal Haaretz : des Palestiniens, affolés, courant à toutes jambes vers la frontière et espérant que "l'ennemi" israélien leur permettra de fuir la mort. Après une semaine terrible à Gaza, qui s'est soldée par plus de 120 tués et des centaines de blessés, avec des scènes d'une rare sauvagerie (prisonniers jetés dans le vide du haut de tours d'habitation, lynchage de captifs, fusillades dans les hôpitaux), le Hamas a submergé les forces loyalistes au Président Abbas, pourtant supérieures en nombre mais visiblement peu motivées pour résister ...
"Le cauchemar devient réalité" ont titré certains journaux israéliens, évoquant le risque que se constitue, à la frontière Sud, un nouveau "Hezbollahland", un "Hamastan" devenant une sorte de mini-état taliban, surarmé comme ses alliés du Liban par le même "sponsor" iranien, et partageant naturellement le même fanatisme islamiste. En reliant entre eux les évènements terribles de ces dernières semaines - avec l'assassinat d'un nouveau député anti-syrien dans la banlieue de Beyrouth, tandis que l'armée libanaise n'arrive pas à réduire le réduit terroriste du "Fatah el islam" dans le nord du pays - , on ne peut pas en effet, ne pas penser à une sorte de répétition générale pour une prochaine guerre, préparée conjointement par l'Iran et la Syrie.

Je reviendrai, bien sûr, sur cette actualité brûlante en reprenant peut-être certaines analyses pertinentes que l'on peut déjà trouver sur le Web ou ailleurs. Mais - en pensant à cette photo, tellement chargée de symboles -, je me dis que peut-être du pire peut surgir le meilleur ; et que, portés par une peur partagée face à un ennemi commun, Israël et les Arabes les plus modérés pourront peut-être s'unir pour l'écraser ...


J.C

Tunisie, carrefour des cultures


L'Histoire de la Tunisie a été d'une extrême richesse : par sa position de carrefour en Méditerranée Occidentale, elle a vu passer tous les envahisseurs - des Romains aux Français, en passant par les Vandales, les Espagnols, les Turcs et ... les tribus arabes, qui ont importé très tôt l'islam en arrivant en Afrique du Nord. Pays de plaines, elle a pu - beaucoup plus facilement que le Maroc ou l'Algérie - assimiler ses divers envahisseurs, empruntant à la culture des uns et des autres tout en façonnant, assez rapidement, une vraie identité nationale.

On ne comprend rien, donc, à la Tunisie et à la personnalité des ses habitants si on oublie qu'elle fut une "terre de métissage" : tel est le titre de cette petite vidéo de Kerim Bouzouita, à la riche iconographie que je vous invite à déguster, sur un fond de musique locale ...

J.C


Les cultures de la Tunisie
envoyé par thedevilmaycry

15 juin 2007

Menace terroriste sur la France - Alexandre del Valle: « le danger est sérieux »

Introduction :
Alexandre del Valle a déjà été trois fois mon invité sur Judaïques FM. On pourra notamment entendre le podcast d’une émission passée en en allant sur ce lien. Je reproduis ci-dessous le texte d’une interview publiée dans le journal "France-Soir", et repris sur le site http://www.alexandredelvalle.com/. Bien inquiétant ... car cet expert en islamisme prend très au sérieux les menaces terroristes en France, au lendemain de l’élection de Nicolas Sarkozy. A noter, aussi, la fin de l’interview, où Del Valle insiste sur la promotion des « musulmans modérés » : une réponse cinglante, à la fois pour ceux qui le présentent comme un « agité islamophobe », et pour ceux qui (réellement islamophobes), n’acceptent pas cette stratégie.
J.C

Alain Vincenot le 18/05/2007, Source : France Soir
 

Dans un message diffusé sur Internet, les Brigades Abou Hafs al-Masri menace la France d'une « campagne djihadiste sanglante » après l'élection à la présidence de la République de Nicolas Sarkozy, qualifié de « croisé sioniste ». Pour Alexandre Del Valle, spécialiste des questions de géopolitiques liées à l'islamisme, la menace est réelle.


- France Soir: Faut-il prendre ce message au sérieux?

- Alexandre Del Valle: Oui, très au sérieux. Les islamistes considèrent Nicolas Sarkozy comme un ennemi. Il entretient de bonnes relations avec Georges Bush et Tony Blair et a affirmé, le soir de son élection, le 6 mai dernier, son amitié envers les Etats-Unis. Certes, il n'a pas caché son désaccord sur l'écologie, mais il n'a parlé ni de l'Irak, ni de l'Afghanistan. Par ailleurs, dans le passé, il s'est dit proche d'Israël. Chez les islamistes, il est perçu comme pro américain et pro israélien. Et comme « juif », car bien que chrétien, ses ennemis mentionnent de façon obsessionnelle ses « origines juives » et fustigent son supposé « sionisme ». Je dis bien perçu car la réalité est bien plus nuancée et le nouveau président français n’est ni un pro américain forcené ni un pro israélien inconditionnel mais un chef d’Etat occidental solidaire des alliés naturels de la France et soucieux de l’équilibre dans le monde et au Proche Orient.

- Qui sont les Brigades Abou Hafs al-Masri?

- Il s'agit d'une cellule d'Al Qaïda. Ce sont elles qui avaient annoncé, puis revendiqué les attentats de Madrid qui, en mars 2004, avaient fait plus de 200 morts et plus de 1400 blessés. En général, elles annoncent puis revendiquent les attentats perpétrés par Al-Qaïda ou ses commandos affiliés, en l’occurrence les réseaux salafistes maghrébins pour la France. - La France est donc sur la sellette...- Effectivement. Et plus que jamais, comme d’ailleurs la Grande Bretagne ou l’Allemagne. Après la passation de pouvoir, Nicolas Sarkozy a rendu visite à Angela Merkel, en Allemagne, qui a récemment déclaré qu'Al-Qaïda est aujourd'hui la plus grande menace pour son pays et pour l'Europe. Or, la France va succéder à l'Allemagne et au Portugal dans quelques mois à la présidence de l'Union européenne. Le message des Brigades Abou Hafs al-Masri vise donc à la fois la France et l'Europe, notamment les pays européens afin de les dissuader d'élire, comme la France, des candidats solidaires de l'Alliance Atlantique.

- Que peuvent faire la France et l'Europe?
- Surtout ne pas sombrer dans le syndrome Zapaterro, le premier ministre socialiste espagnol élu après les attentats de Madrid et qui croit être épargné par Al-Qaïda en critiquant l'Amérique et Israël. En fait cette attitude munichoise ne garantit pas la sécurité de l'Espagne qui continue à être menacée. Les islamistes ne demandent pas seulement le retrait d'Irak et d'Afghanistan. Ils veulent diviser le front occidental, ne perdant pas de vue leur objectif qui est la conquête de l'Europe par la terreur psychologique et l'instrumentalisation des frustrations des populations musulmanes.
D'où la deuxième réponse à apporter au message des Brigades Abou Hafs al-Masri. Il faut aider à constituer un islam européen afin d'empêcher les islamistes d'instrumentaliser les frustrations. Parallèlement, il faut accélérer l'intégration car n'oublions pas que les islamistes recrutent maintenant chez des beurs de troisième et quatrième génération, qui pour la plupart ne parlent même pas arabe, mais se sentent tenus à l'écart. Enfin, il convient de mettre en place une Union méditerranéenne qui renforcera le dialogue entre l'Europe et les pays musulmans modérés.

Alexandre Del Valle, 
géopolitologue, Secrétaire Général de la Droite Libre, (UMP), a notamment écrit, aux éditions des Syrtes, "Le totalitarisme islamiste", et, avec Emmanuel Razavi, "Le dilemme turc ou les vrais enjeux de la candidature d'Ankara", Paris, 2006.

14 juin 2007

J'y pense tous les matins en me rasant !

Le Président Habib Bourguiba
dans son palais de Carthage, 1964
(photo tirée du livre "Bourguiba", tome 2, Un si long règne,
Sophie Bessis et Souhayr Belhassen, Jeune Afrique Livres)


Le sourire du mois
- juin 2007


J'adore cette photo qui révèle une face très humaine d'un personnage historique ...

"Grand homme" Habib Bourguiba le fut, assurément, père de la Tunisie indépendante, "Combattant suprême" comme le désignait l'hagiographie officielle. Et son bilan est impressionnant : avoir obtenu la liberté de son peuple sans passer par la violence terroriste (qui fut la marque de fabrique du F.L.N dans l'Algérie voisine) ; avoir aboli la monarchie beylicale, sans massacres ou règlements de comptes comme devaient les connaître d'autres états du Tiers Monde ; avoir progressivement repris le contrôle des leviers économiques, sans provoquer (ou presque) de crise trop violente avec l'ex-colonisateur ; avoir gagné le respect du monde arabe, sans céder aux sirènes du Nassérisme, puis de l'islamisme ; et surtout, surtout, avoir tenté de laïciser la société tunisienne, en donnant tout de suite aux femmes musulmanes des droits qu'elle n'avaient nulle part ailleurs dans le monde arabe : un bilan remarquable, qui - sans vouloir oublier ses erreurs, ou le caractère autoritaire de son régime, ou sa triste fin cramponné au pouvoir dans l'hiver de sa vie -, doit être salué !
Mais simple humain, de petite taille et contraint aux obligations ordinaires de ses semblables, il le fut aussi : cette photo nous le montre, banalement, en train de se raser ... Alors j'ai voulu vous la montrer, en clin d’œil pour un autre Président, notre nouveau Chef de l’État.
Souvenez-vous : à Alain Duhamel qui lui demandait lors d'une émission de télévision si "il pensait à devenir Président le matin en se rasant", Nicolas Sarkozy répondit, avec beaucoup de franchise : "Non Monsieur Duhamel, pas seulement en me rasant !"


Question subsidiaire : à quoi pensait Bourguiba, tous les matins en se rasant ?


J.C