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30 septembre 2006

Chirac / Iran : fin de la fermeté ?

Le Président Chirac accueillant l'ex-Président iranien
Khatami, Paris le 5 avril 2005 (photo Reuters)

Introduction :
Le Président de la République vient, peut-être, de rendre impossible toute action pacifique pour freiner la course à l’arme nucléaire du régime des Mollahs ; et ses déclarations, à l’occasion de sa venue à New York pour l’Assemblée Générale des Nations Unies, sont en tout cas très inquiétantes ! Le site « iran-resist », en lien permanent, consacre un historique très bien documenté, aux différents virages d’une diplomatie qui, curieusement, n’est jamais analysée dans nos J.T de 20 heures. Un expert international d’origine iranienne, Amir Taheri, vient par ailleurs, de consacrer un article à ce sujet dans les colonnes du journal israélien « Jerusalem Post ». Albert Soued, orientaliste réputé éditeur du site « nuitdorient.com » et qui a été mon invité l’année dernière, a traduit cette publication ; je le remercie vivement pour l’autorisation qu’il me donne de reprendre ici la traduction de l’article.
J.C

N'ayant pas réussi à arrêter la guerre en Irak, le président Français Jacques Chirac est déterminé à empêcher une issue similaire en Iran. "Il n'y aura pas de guerre contre l'Iran" c'est ce qu'aurait dit Chirac à un émissaire de la République islamique lors d'une visite à Paris la semaine dernière. "La France s'opposera résolument à autre chose que des négociations"
L'histoire peut ne pas se répéter, mais il est difficile d'oublier les promesses similaires de Chirac faites à Saddam Hussein en mars 2003, quelques semaines avant que la coalition menée par les États-Unis n'envahisse l'Irak.
Il est maintenant clair que les assurances données par Chirac ont joué un rôle crucial, persuadant Saddam Hussein de ne pas offrir les concessions qui auraient pu éviter une guerre et le changement de régime. Selon l'ex-vice président Tareq Aziz, s'exprimant depuis sa cellule devant des enquêteurs Américains et Irakiens, Saddam était convaincu que les Français, et dans une moindre mesure, les Russes allaient sauver son régime à la dernière minute.
Quelques heures avant qu'il ne s'envole pour New York pour assister à l'Assemblée Générale de l'Onu, Chirac a laissé tomber la seule condition que le groupe des 6 (membres permanents du Conseil de Sécurité plus l'Allemagne) avait exigé de l'Iran comme prélude à des négociations. Chirac a dit "On ne doit pas demander à l'Irak d'arrêter l'enrichissement d'uranium comme condition préalable, et il est insensé de traîner la République Islamique (pour des sanctions) devant le Conseil de Sécurité"

Cela signifie que l'administration Bush a perdu la seule concession obtenue des alliés Européens comme incitation pour qu'elle prenne part aux pourparlers avec l'Iran. Grâce à Chirac, le président Mahmoud Ahmadinejad apparaît comme ayant gagné une victoire diplomatique contre le président G W Bush.
Pourtant l'Iran continue d'appliquer une stratégie pour neutraliser toute sanction qui pourrait lui être imposée. Deux facettes à cette stratégie:
- les avoirs iraniens sont replacés en des lieux où ils ne seront ni saisis ni gelés. Depuis quelques mois des milliards $ ont été transférés des banques occidentales vers des institutions financières moins enclines à obéir aux injonctions de Washington, dans le Golfe, par exemple.
- les produits à double usage (pacifique et en vue d'une bombe nucléaire) qui pourraient être interdits aux importateurs iraniens ont été massivement stockés. Téhéran a contacté les hommes d'affaires Iraniens en Occident pour les aider financièrement afin qu'ils s'approvisionnent rapidement en marchandises susceptibles de subir des sanctions.
Ces achats massifs ont créé un embouteillage dans les principaux ports Iraniens, y compris Bandar Abbas, qui ont vu les temps d'attente doubler, alors que des queues continues de camions arrivaient de Turquie. Dans la plupart des cas, les opérations d'importation sont exécutées "militairement" par la branche commerciale des Gardes Révolutionnaires.
- une forte action diplomatique a été menée par l'Iran pour contrer d'éventuelles sanctions. 116 des 192 membres de l'Onu soutiendraient la République Islamique dans ses revendications nucléaires. Même si le Conseil de Sécurité finit par imposer des sanctions à Téhéran, il n'est pas du tout certain que ses décisions seront respectées par une majorité des membres de l'Onu. Par ailleurs l'idée de geler les avoirs d'officiels Iraniens est vaine, ceux-ci ayant déjà pris les mesures de précaution adéquates.

Paradoxalement cependant, le succès de Téhéran dans ses efforts pour neutraliser d'éventuelles sanctions pourrait hâter leur imposition par le Conseil de Sécurité. La raison en est que les amis de l'Iran qui y siègent, la Russie et la Chine, pourraient décider qu'il est inutile de se quereller avec Washington sur des sanctions, puisque celles-ci n'auraient que peu d'effets sur l'Iran. La loi des conséquences non désirées pourrait aussi fonctionner d'une autre manière. Si les sanctions s'avèrent inutiles, les Etats-Unis et leurs fidèles alliés pourraient décider que la seule possibilité d'action pour convaincre l'Iran est militaire. En d'autres termes le succès de Téhéran pour neutraliser les sanctions pourrait rendre une opération militaire inévitable.
Selon des sources à Téhéran, Ahmadinejad aurait déjà pris en compte cette éventualité.
"Une opération militaire limitée conviendrait à Ahmadinejad. Les Américains se montreraient, enverraient quelques missiles, frapperaient quelques sites et partiraient. Le président Iranien montrerait à la télévision quelques enfants et vieillards tués par les Américains, déclarerait une victoire et poursuivrait ses plans avec une plus grande vigueur", voilà ce que dit un ancien ministre Iranien.
Ahmadinejad a montré un visage très confiant lors de son apparition médiatisée au sommet des non-alignés à la Havane et lors de son discours enflammé à la tribune de l'Onu à New York. Cet homme pense qu'il a gagné la première manche dans sa bataille contre le grand Satan américain. Qualifiant ses prédécesseurs d'hommes faibles cédant à la pression américaine, Ahmadinejad compte sur son image musclée pour aider ses partisans à gagner de cruciales élections pour les conseils locaux du gouvernement et pour l'Assemblée des Experts qui nommera le prochain "Guide Suprême" à l'automne.

Quoique attendu, le soudain changement de position de la France a laissé en lambeaux l'"alliance" formée difficilement par la Secrétaire d’État Condoleeza Rice. N'ayant pas réussi à définir une politique Iranienne durant 5 ans, l'administration Bush était contente de cacher cette lacune, en ralliant l'option européenne. La décision de Chirac d'ôter cette feuille de figuier ramène le débat à Washington, pour savoir quoi faire de ce régime messianique décidé à redessiner le Moyen Orient selon sa propre vision et défiant la doctrine Bush.
En se dégageant des pressions extérieures et en projetant une image de vainqueur invincible, Ahmadinejad a renforcé sa position dans son pays. Mais là aussi la loi des conséquences non désirées peut s'appliquer: si les Etats-Unis décidaient qu'il était temps de ramener cet homme à ses justes dimensions et poussaient la carte nucléaire, ils aideraient cet extrémiste à consolider son pouvoir dans son pays. Et alors cet homme ne pourrait plus accepter un quelconque compromis, nécessaire pour éviter un conflit.

Amir Taheri
Paru dans le Jerusalem Post du 20 septembre 2006
Traduit par Albert Soued, www.chez.com/soued/conf.htm pour www.nuitdorient.com

29 septembre 2006

Numéro 20.000 !

Image tirée du site

Et voilà, ça y est, le 20.000 ème visiteur est venu se connecter le 27 septembre à 5h01 de l'après-midi, depuis Le Bardo, dans la banlieue de Tunis. Et il a atterri sur le blog après avoir fait sur Google la recherche "guerre de Bizerte".

Je ferais court pour cet anniversaire, promis ! Je vous ai déjà parlé il n'y a pas longtemps du trafic sur le blog, dans un post publié le 16 septembre. Si vous n'aviez pas eu le temps de le lire, allez-y jeter un coup d’œil : j'ai essayé de vous expliquer comment, peu à peu, ce mini-journal sans prétention arrivait à se constituer un "audimat" sur la Toile. Affaire de référencement, pour ceux qui arrivent par un moteur de recherche et qui constituent la majorité des visites ; affaire de réputation, pour ceux qui remarquent un article et l'envoient à des amis - une filière moins connue : il suffit de cliquer sur la petite enveloppe située sous chaque post.
Sinon, histoire de contempler le chemin parcouru, quelques rappels : la millième page a été enregistrée le 14 septembre 2005 ; la cinq millième le 29 décembre ; et la dix millième le 10 avril 2006.

Je peux donc maintenant vous donner rendez-vous ... pour la cinquante millième, en faisant le pari que cela sera avant le 1er janvier 2008 !

J.C

Terreur islamiste sur la Somalie

Une photo ancienne de Soeur Leonella,
la religieuse italienne assassinée à Mogadiscio
(photo tirée du site www.lastampa.it)

Introduction :
Sœur Leonella était très connue et appréciée à Mogadiscio, la capitale de la Somalie. Elle y travaillait encore, à l'âge de 70 ans, dans un hôpital pour enfants financé par une ONG autrichienne. Elle a été lâchement assassinée le dimanche 17 septembre, au lendemain d'un appel à la vengeance lancé par un responsable religieux local, en représailles aux propos du Pape dont le blog s'est fait largement l'écho la semaine dernière. Comme après l'affaire des caricatures de Mahomet, les fanatiques islamistes n'ont eu aucun scrupule à tuer une innocente, venue dans leur pays pour soulager la misère ... Mais au delà de son horreur, ce crime attire l'attention aussi sur un pays très pauvre, livré à l'anarchie depuis plus de quinze ans et où des "Talibans" locaux, intitulés "Tribunaux islamistes" ont pris il y a quelques mois le contrôle de la capitale, Mogadiscio. L'indispensable site Memri, en lien permanent, vient de consacrer le 19 septembre dernier un article  à la situation là bas. Cet article est la traduction en français d'un éditorial en anglais, publié par le journaliste somalien Bashir Goth et intitulé "Coucher avec un démon vêtu à la mode islamique". On pourra en lire le texte intégral en cliquant ici. En voici un extrait.
J.C

" Malgré leurs discours doucereux et leur pudeur, les islamistes ont un noble programme: ils voudraient arabiser la Somalie pour en faire un émirat islamique de type taliban. Il existe déjà une sérieuse érosion culturelle. Les noms des personnes ne sont plus identifiables. Les islamistes aiment se faire appeler Abou Qutayba ou Abou Mansour, conformément à la tradition d'Al-Qaïda et d'autres groupes radicaux qui occultent leur véritable identité derrière des noms empruntés aux légendaires leaders musulmans.
Les belles Somaliennes ont été enterrées sous des couches de tissu lourd exactement comme les taliban, et on a demandé aux fidèles de les enchaîner à la maison. Bientôt les islamistes déclareront Haram la langue somalienne et l'alphabet latin, et le remplaceront par l'alphabet arabe, comme dans le cas de l'ourdou et du farsi: ce n'est qu'une question de temps. Ils se sont déjà mis à administrer des coups de fouet pour de petits délits et ont menacé de la peine de mort ceux qui ne respectent pas les cinq prières journalières.
Personne ne sera surpris s'ils se mettent à menacer les organisations internationales contre l'embauche de Somaliennes, à l'instar des taliban et des oulémas extrémistes du Cachemire dévasté par le tremblement de terre, lesquels ont dernièrement averti les ONG de ne pas embaucher leurs femmes et de ne pas réagir aux violences."
"Et par-dessus tout, les dirigeants islamistes de Mogadishu sont des menteurs. Après avoir chassé les leaders militaires de Mogadishu, ils ont assuré qu'ils n'avaient aucune intention de conquérir de nouveaux territoires ou de causer de nouvelles effusions de sang. Ils ont dit qu'ils voulaient consolider la paix dans la capitale et négocier avec le gouvernement TFG, mais depuis ils sont devenus particulièrement belliqueux et ont envoyé leurs brigades martyre détruire tout village, toute ville ou peuple qui leur barrerait le passage. Ils ont vigoureusement nié toute volonté de puissance et toute aspiration à gouverner le pays, mais toutes leurs actions révèlent leur haine de la démocratie et leur affinité avec les régimes dictatoriaux. Ils ont nié toute intention d'appliquer la sharia, et se sont pourtant hâtés de faire adopter aux Somaliens les tribunaux islamiques. Ils ont dit qu'ils n'imposeraient jamais l'habit islamique aux femmes, mais ont fait en sorte qu'il soit difficile pour les femmes non entièrement revêtues d'arpenter les rues de Mogdishu. Ils ont déclaré qu'ils voulaient vivre en paix avec les pays voisins, mais n'ont pu cacher leur intention d'unifier les territoires somaliens de la Corne d'Afrique sous la direction de l'islam. Et ce faisant, l'Union des groupes islamistes de Mogadishu a déclaré la guerre là où régnait la paix régionale et internationale. Leur permettre d'accomplir leur programme sous prétexte de rendre la paix à la Somalie, ce n'est pas seulement faire preuve de myopie ; c'est une imprudence ; c'est coucher avec un démon en habit islamique."

Bashir Goth

26 septembre 2006

Lamentable

Engin incendiaire devant une église,
Naplouse, 16 septembre

Croix gammées peintes sur une mosquée,
Carcassonne, 24 septembre

Sale période ... Un discours du Pape qui ne plait pas, et ce sont immédiatement des représailles dans le monde musulman. Je reviendrai cette semaine sur la Somalie, où il y a eu un assassinat - comme ailleurs après l'affaire des caricatures de Mahomet, quand des dizaines d'innocents furent tués. Pas de meurtre chez nous (heureusement !), mais cette actualité mal digérée par des racistes primaires a certainement inspiré les profanations contre des lieux de culte musulmans, et cela le premier jour du Ramadan. Deux mosquées ont été profanées en France, tel est le titre de la page Web que je vous invite à lire en lien.

Mettre ces deux photos l'une à côté de l'autre, ce n'est pas bien sûr excuser une intolérance par l'autre, en les mettant en miroir. Ce n'est pas non plus laisser entendre que les Musulmans sont autant en danger aujourd'hui en Europe que les Chrétiens en terre d'islam, car les minorités ont déjà "voté avec leurs pieds" en fuyant en masse les pays musulmans, alors que l'islam est en phase ascendante en terre chrétienne. Mais rappeler cela ne dispense pas de dénoncer, aussi, l'abjection raciste : une vraie violence est en train de monter, je la ressens en parcourant certains sites Internet qui sont, réellement, islamophobes. Et puis, tout Juif doit se sentir un peu en danger lorsque l'on attaque, ici des mosquées, là-bas des églises : pas seulement par solidarité humaine, pas seulement pour des raisons éthiques ; non, tout simplement, tout bêtement, parce que dans cette ambiance lamentable, il paraitra tout à fait naturel de voir brûler aussi des synagogues.

J.C

25 septembre 2006

Le discours de Tzipi Livni devant l'Assemblée Générale de l'ONU

Tzipi Livni devant l'Assemblée Générale de l'ONU
(photo AFP, 20 septembre 2006)

Introduction :
Conflit israélo-palestinien, image d'Israël dans le Monde, menaces iraniennes ... et vœux, de Shana Tova en même temps que de bon Ramadan pour les Musulmans ... un discours très dense de la Ministre des Affaires Etrangères, dont je reproduis ci-dessous quelques extraits.
J.C

" (...)
En beaucoup d’endroits du monde, nous sommes vus principalement à travers le filtre du conflit israélo-arabe. Et trop souvent, ce filtre distord. Pour beaucoup, ce conflit illustre le combat de David et Goliath, Israël étant injustement perçu comme Goliath. Mais cette image simpliste ignore le fait qu’Israël demeure une démocratie menacée dans une région hostile.
Nous avons, par nécessité, la capacité de nous défendre, mais nous serons toujours tenus par nos valeurs. Et cependant, nous faisons face à un ennemi qui désire utiliser, lui, tous les moyens à sa disposition, qui désire tuer sans retenue et sans distinction.
Chaque victime innocente dans un conflit est une tragédie. Il n’y a pas de différence entre les larmes d’une mère israélienne pleine de chagrin et celles d’une mère palestinienne pleine de douleur. Mais il y a une différence morale entre les terroristes qui cherchent à viser les civils, et les soldats qui ciblent les terroristes tout en cherchant à éviter de porter atteinte aux civils.
Pour protéger son intégrité, la communauté internationale doit soutenir cette distinction morale essentielle. Le terrorisme est du terrorisme, même quand on veut l’appeler résistance. Il ne peut être justifié et il ne peut être mis sur le même plan que les actions de ceux qui cherchent à s’en défendre.
(...)
Si nous voulons protéger nos valeurs, il ne suffit pas de croire en elles ; nous devons agir en accord avec elles. Il n’y a pas de plus grand défi contre nos valeurs que celui posé par les dirigeants d’Iran. Ils nient et raillent l’Holocauste. Ils parlent fièrement et ouvertement de leur désir de rayer Israël de la carte. Et maintenant, par leurs actions, ils acquièrent les armes pour atteindre leurs objectifs, pour mettre en péril la région et menacer le monde.
Le moment de vérité, Madame la Présidente, le voici.
La communauté internationale n’a pas de plus grande responsabilité que de s’opposer à ce danger grandissant - pas seulement pour Israël, mais pour elle-même ; pour les valeurs dont elle se réclame, pour le monde que nous voulons offrir à nos enfants.
Que faut-il de plus pour que le monde prenne cette menace au sérieux ? Que faut-il de plus pour mettre fin aux hésitations et aux excuses ? Nous connaissons les leçons du passé. Nous connaissons les conséquences de l’apaisement et de l’indifférence. Il n’y a pas de place pour de tels dirigeants dans cette enceinte. Il n’y a pas de place pour un tel régime dans la famille des nations.
(...)
En ces jours, les Juifs s’apprêtent à accueillir la Nouvelle année et les Musulmans du monde entier préparent le mois saint du Ramadan. Alors que deux grandes fois entament leur voyage annuel de réflexions et de décisions, faisons en sorte que les nations du monde fassent aussi ce travail. (...)
Le message de ces jours particuliers est qu’aucun futur n’est prédéterminé. Aucun conflit n’est inévitable. Il ne dépend que de nous de faire les bons choix. C’est par eux que l’Histoire nous jugera.
Puissent les malédictions de l’année passée prendre fin ; puisse la bénédiction de cette nouvelle année commencer.

Shana Tova. "

Pour lire la traduction en français de plus larges extraits du discours, aller sur le site de l’Ambassade d’Israël à Paris en cliquant ici. Pour une présentation de Tzipi Livni, lire sur le blog l'article du 18 janvier

21 septembre 2006

Shana Tova 5767


Bonne et heureuse année à tous les lecteurs du blog ! 

La nouvelle année juive débute vendredi soir. Au-delà des vœux échangés dans ma communauté, au-delà de la gravité particulière de ce moment dans le calendrier juif - on y fait, en âme et conscience, le bilan de l’année écoulée, en espérant être inscrit sur « le Livre de la vie », la décision étant scellée 10 jours plus tard, le soir du Yom Kippour - c’est une célébration qui contrairement à la plupart des autres fêtes du Judaïsme concerne toute l’Humanité : « Roch Hachana » (textuellement : « la tête de l’année ») est aussi, selon la tradition, l’anniversaire de la création du monde. On comprend que cette fête concerne, symboliquement, toute l’Humanité. Et que comme l’année dernière, j’adresse mes voeux aux lecteurs de toutes les origines et croyances ! Je le fais avec d'autant plus de plaisir pour les lecteurs musulmans, qui sont particulièrement nombreux au Maghreb (voir les petits drapeaux enregistrés par le logiciel NeoCounter...) : comme l'année dernière, le Ramadan débutera pratiquement au même moment que la nouvelle année juive ; qu'ils puissent fêter ce mois dans une ambiance paisible, et au milieu de familles heureuses et réunies !

On se souhaite donc « une année douce », et la tradition veut que l’on y mange des pommes trempées dans le miel, voir l’illustration ... Roch Hachana est aussi marqué par la sonnerie de la corne de bélier, « chofar », également représenté avec les pommes traditionnelles. Ces sonneries qui auront retenti, comme une répétition, tout au long du dernier mois de l’année précédente, et qui marqueront la clôture du Yom Kippour.

Tous mes vœux donc pour 5767, mais qu’en a-t-il été de 5766 ? En relisant ici l’article publié à la même occasion, on ne peut qu'éprouver un sentiment de grande tristesse ! J’avais publié un extrait du discours d’Ariel Sharon devant l’Assemblée Générale de l’ONU, on était au lendemain du retrait de Gaza et on espérait en une dynamique de Paix. Aujourd’hui, le malheureux est plongé dans un coma profond depuis neuf mois, ses successeurs ont vite déçu l’électorat israélien, et surtout, entre la victoire électorale du Hamas et la provocation du Hezbollah entraînant la guerre cet été, la violence semble inexorable au Proche-Orient ... avec cette fois, un mentor clairement identifié - l’Iran d’Ahmadinejad - qui roule à toute vitesse vers la possession de l’arme nucléaire. Il ne reste plus qu’à se consoler en se disant que l’avenir ne correspond jamais aux prévisions ; et que donc, a contrario, il sera rose alors que s’accumulent de noirs nuages !

En attendant, le blog marque pour ce mois de fêtes juives le même respect que notre station de radio qui n’émet pas pour les « Yom Tov » : pas de mise à jour donc les 22, 23 et 24 septembre ; 1er, 2, 7, 8, 13, 14 et 15 octobre.


J.C

19 septembre 2006

Benoit XVI et l'islam, 4 : un vieux contentieux ?

Et si l'incendie qui vient de s'allumer suite aux propos du Pape n'était pas vraiment une surprise ?
Jean-Paul II fut le leader charismatique de la chrétienté qui sut dire aux Européens de l'Est - et en premier lieu à ses compatriotes polonais - "n'ayez pas peur". Pas peur de l'empire soviétique, pas peur de l'idéologie communiste et athée qui aurait du balayer définitivement toutes les religions. Une fois le "Mur de Berlin" tombé, un monde de Paix, de "fin de l'Histoire" semblait commencer. L'ennemi spirituel désigné devenait alors le "matérialisme", et les autres religions des partenaires pour ce nouveau combat ... Au delà donc de la réconciliation historique avec le judaïsme, Jean-Paul II fut aussi le Pape qui fit la promotion d'un dialogue largement œcuménique, englobant aussi l'islam. Infatigable voyageur malgré le poids terrible de la maladie, on le vit ainsi à un an d'intervalle s'incliner devant le Mur Occidental à Jérusalem, puis aller à Damas et écouter - sans broncher - une diatribe antisémite infecte d'El Assad junior ...
En lui succédant au printemps 2005, Benoît XVI allait introduire rapidement une démarche plus doctrinaire et moins charismatique : retour aux "fondamentaux", chers à l'ex-cardinal Ratzinger ! Henri Tincq, le chroniqueur des affaires religieuses au journal "Le Monde" parlait déjà de l'éloignement vis à vis de l'islam il y a plusieurs mois. Ci-dessous un extrait de l'article publié le 17 avril 2006.

" Aucun des grands dossiers n'a encore été traité sur le fond. La crise profonde des vocations sacerdotales et des ministères qui touche l’Église catholique a été quelque peu débattue au synode, mais rien ne laisse prévoir des prises de position nouvelles et spectaculaires. Tout au plus le pape a-t-il ouvert la voie, sans en dire davantage, à une "réflexion" sur la place de la femme dans l’Église. Le dialogue avec les autres religions a été aussi plus hiérarchisé. Avec, en priorité, l'orthodoxie européenne, en froid avec le Vatican depuis la chute du communisme ; avec les juifs ensuite, qu'à la synagogue de Cologne en août 2005 le pape allemand a salués comme ses "frères" ; bien après, viennent les musulmans, simplement qualifiés d'"amis", et enfin les autres sagesses asiatiques, ravalées au rang de "cultures", non de religions.
C'est l'un des rares acquis de cette première année, où se manifeste la "patte" du théologien Ratzinger qu'on savait déjà méfiant pour les rencontres interconfessionnelles d'Assise, aux résultats mitigés, voulues par son prédécesseur. Cette fermeté plus grande et cette volonté de renforcer d'abord l'identité catholique ont été illustrées par l'éviction du responsable du "dialogue interreligieux" à la Curie et le rattachement de son "ministère" à celui de la culture. Un spécialiste de la Curie la justifie : "L'islam n'est pas un monothéisme semblable au judaïsme et au christianisme. Ce n'est pas la même Révélation. Aucun dialogue religieux n'est possible avec l'islam, ni avec les sagesses d'Asie. Mais un dialogue culturel, oui."


Et si ce "raidissement" n'était pas seulement du au caractère propre du souverain pontife, à sa ligne doctrinale, mais aussi à la position défensive de l'église catholique, face à la montée de l'islam qui la déstabilise partout, en Afrique, en Asie mais aussi en Europe - où la pratique religieuse décline chez les populations autochtones, tandis que s'implantent des populations musulmanes travaillées par l'islam radical ? Ivan Rioufol, dans sa chronique hebdomadaire du journal "le Figaro" du 26 mai dernier, rappelait un certain nombre de faits inquiétants et rarement mis à la une des grands médias. J'en reproduis un extrait, avec une remarque personnelle : plutôt que de faire un discours de haute volée philosophique avec une allusion à un controverse historique passée - mais vécue comme très actuelle par des millions de Musulmans furieux -, le Pape aurait mieux fait de s'adresser en termes présents et précis aux Chrétiens de notre époque : et de les réveiller en évoquant les faits, réels et contemporains, énoncés dans cet extrait !

" Ce qui ne se dit pas : des chrétiens sont victimes de l’intolérance islamique. Or, cette christianophobie indiffère les gardiens des droits de l’homme et de l’antiracisme. En France, même les évêques préfèrent s’indigner du projet de loi sur l’immigration choisie plutôt que du sort des catholiques dans les pays musulmans. Tels sont les effets conjugués de l’angélisme, de l’ignorance et de la haine de soi.

Qui a entendu, la semaine dernière, l’inquiétude du Vatican devant la diminution des catholiques au Proche-Orient ? En Iran, leur nombre a été divisé par dix (0,01 % de la population) en trente ans. De semblables « nettoyages » s’observent en Irak, Syrie, Palestine, Egypte. Les chrétiens de Turquie, de Bosnie-Herzégovine, du Kosovo (150 églises et couvents détruits depuis 1999) subissent ces mêmes humiliations poussant au repliement.

« L’Arabie saoudite, qui finance les constructions de mosquées à travers le monde, ne permet pas chez elle la construction d’une chapelle », rappelle le rapport 2005 sur les « Persécutions antichrétiennes dans le monde ». Les émeutes antichrétiennes de février au Nigeria (16morts) ont été vite oubliées. L’Italie a sauvé l’honneur en accueillant, en mars, un Afghan condamné à mort pour s’être converti."

En Algérie, la loi du 1er mars 2006 punit de prison celui qui « incite, contraint ou utilise des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion » ou à « ébranler sa foi ». Le texte met sous la surveillance des autorités, l’exercice d’un autre culte. Autant d’atteintes à la liberté religieuse, inconcevables en France. Qui les dénonce ? "

J.C

Benoît XVI et l’islam, 3 : foi et raison

Le Pape Benoît XVI

Comme je l’ai souligné dans le « post » publié dimanche dernier, le cœur de l’argumentation du Pape dans son discours de Ratisbonne tient dans la relation particulière entre foi et raison qui serait constitutive de la foi chrétienne, et absente (selon lui) dans la religion musulmane. Benoît XVI insiste lourdement sur l’héritage grec qui a irrigué la pensée chrétienne dès le début. Et il cite ... le « Septante », héritage de la « symbiose judéo-grecque » évoquée par Jacques Eladan dans son livre "Choc ou dialogue des cultures dans la littérature française et dans la conscience juive", (voir post du 6 septembre), qui fera l'objet d'une prochaine émission. Nouvel extrait de son discours :

"Aujourd'hui, nous savons que la traduction grecque de l'Ancien Testament réalisée à Alexandrie - le « Septante » - est plus qu'une simple (un mot qu'on pourrait presque comprendre de façon assez négative) traduction du texte hébreux : c'est en effet un témoignage textuel qui a une valeur en lui-même et une étape spécifique importante de l'histoire de la Révélation, à travers laquelle s'est réalisée cette rencontre d'une manière qui, pour la naissance du christianisme et sa diffusion, a eu une signification décisive. Fondamentalement, il s'agit d'une rencontre entre la foi et la raison, entre l'authentique philosophie des lumières et la religion. En partant véritablement de la nature intime de la foi chrétienne et, dans le même temps, de la nature de la pensée grecque qui ne faisait désormais plus qu'un avec la foi, Manuel II pouvait dire: Ne pas agir « avec le logos » est contraire à la nature de Dieu."

Ce dialogue entre foi et raison a-t-il toujours été absent dans la tradition musulmane ? Et qu’en est-il dans la tradition juive ? Là encore, je vous invite à découvrir l’excellent ouvrage de Jacques Eladan, cette fois dans le chapitre intitulé « La symbiose andalouse ». Il rappelle que le « géant » Maïmonide a réalisé dans le « Guide des égarés » cette synthèse entre explications rationnelles et foi hébraïque. Le « Rambam » tant vénéré, surtout dans la tradition séfarade, cita Pythagore, Platon, et Aristote dans son oeuvre. Mais aussi, il consacra 24 chapitres à la théorie des « Motécallamim », adeptes du « Calam », théologie rationnelle musulmane. Jacques Eladan rappelle aussi les trois courants philosophiques arabes des origines : l’aristotélisme (partisans d’Aristote) incarné par Al Farabi ; le néoplatonisme illustré par Ibn Sina (ou Avicenne) ; et l’anti-philosophie, incarnée par Al Ghazali, qui selon la tradition musulmane « clôtura » la porte de l’interprétation du Coran.


Comment fut donc étouffée la tendance rationnelle dans la nouvelle religion musulmane, les partisans d’Ibn Ghazali l’emportant sur ceux qui auraient pu tenter une synthèse entre rationalité hellénique et foi musulmane ? Ce fut une des premières questions que je posais à Abdelwahab Meddeb à propos de son ouvrage magistral, "L’islamisme, maladie de l’islam", la voici :
"Au commencement de l’Islam il y a le dogme de la révélation du Coran au prophète Mahomet par l’archange Gabriel, le fait donc qu’il ne soit pas « écrit » mais retransmis de façon directe à partir d’une source divine, la mère du livre « Um el Kitab ». Et vous rappelez l’opposition qu’il y a eu entre « la croyance en un Coran incréé au même titre que Dieu, descendu du ciel tel qu’en lui-même en son éternité » et la doctrine rationaliste des Motazilites, qui pensaient que la concrétisation des écritures en une langue terrestre ne pouvait pas être faite par un intermédiaire humain ; une doctrine qui séparait donc nettement la transcendance divine du commun des mortels, et exigeait des qualités de connaissance et d’intelligence, pour accéder au sens caché de la lettre du livre saint. Pourquoi les Motazilites ont-ils échoué, vers le dixième siècle au profit du dogme établi par le théologien Al Ghazali, dogme de la fermeture des « portes de l’interprétation », « bab el ijtihad » ?"

Pour entendre la réponse ... et le reste de notre passionnante conversation, je vous invite à entendre le podcast de cette émission, diffusée le 21 mars 2004.

J.C

18 septembre 2006

Benoît XVI et l’islam, 2 : la réaction du Rabbin Gabriel Farhi sur Judaïques FM

Introduction :
Le Rabbin Gabriel Farhi lit son billet hebdomadaire le dimanche matin sur notre radio. Cette semaine, il a commenté les propos du Pape sur l’islam, d’une façon assez critique. Ci-dessous son intervention
J.C


Bonjour,
On ne s’était plus habitué, depuis bien longtemps, à ce que le scandale vienne du Saint Siège. Le pape Benoît XVI, en faisant un lien implicite entre l’islam et la violence, a mis, certainement bien malgré lui, le feu aux poudres.
Selon le pape : « La foi est le fruit de l’âme, pas du corps. Celui qui veut conduire quelqu’un à la foi a besoin de bien parler et de raisonner correctement au lieu (d’user) de violence et de menace ». Le décryptage de cette phrase, même si elle date du XIVème siècle à la faveur d’un dialogue entre un empereur byzantin et un « persan cultivé » pour développer ses arguments, reste compréhensible. A la différence de l’Eglise, l’islam, pour servir le prosélytisme, userait de force à défaut de raison. L’expression de l’islam serait dans la violence, la force et la contrainte, là où l’Eglise userait de foi, de raisonnement et de dialogue.
Il n’a échappé à personne que ces paroles ont été prononcées en Allemagne, à Ratisbonne, au lendemain de la commémoration du cinquième anniversaire des attentats du 11 septembre. Il n’en fallait pas plus pour finir d’enfoncer le clou et, plutôt que de dénoncer une fraction de l’islam radical et intégriste, stigmatiser la doctrine même de cette religion en l’isolant et en l’excommuniant presque des religions monothéistes fondées sur la raison et l’intelligence que sont le christianisme et ... le judaïsme.
On connaissait l’intransigeance du cardinal Joseph Ratzinger qui a toujours déclaré, avant d’être pape, qui n’y avait de vérité que dans l’Eglise. Mais l’on pouvait imaginer que sa nouvelle position le conduirait à un peu plus de modération en cette année qui marque le 20ème anniversaire des Rencontres d’Assise (centre d’Italie) et du dialogue interreligieux nourri voulu par son peut-être trop illustre prédécesseur, Jean-Paul II. Car la statue du Commandeur veille et Benoît XVI ne peut s’imposer que par des déclarations doctrinales fortes. Le pape est un homme de doctrine, il en était le Maître à penser pour son prédécesseur qui s’en inspirait sans pour autant le suivre pas à pas.
Alors il va falloir maintenant gérer les susceptibilités légitimes du monde musulman face à une telle offensive verbale. Un homme de religion n’est pas à sa place lorsqu’il se met en position d’attiser les haines. Seul un dialogue interreligieux fécond permet de s’échanger, les yeux dans les yeux, certaines vérités qui font la spécificité de chaque religion. Car au fond, espérer que l’autre adopte les mêmes doctrines, rites, codes que soi-même n’est rien d’autre que du prosélytisme qui, à défaut d’être « violent » ne l’est pas moins verbalement.
Un rabbin ne va pas critiquer le christianisme parce que celui-ci voit dans Jésus le fils de Dieu. C’est leur croyance, cela ne peut pas être la nôtre car si tel était le cas il n’y aurait qu’une religion monothéiste avec des courants en son sein.Il faut accepter les différences, essayer de les comprendre et surtout ne pas grossir le trait de ce qui pourrait ainsi nous séparer au niveau doctrinal.
Shavouah tov, bonne semaine à tous. J’aurai plaisir à vous retrouver le 1er octobre, veille de Kippour. D’ici là Shana Tova, bonne et heureuse année à tous.

Rabbin Gabriel Farhi
le 17 septembre 2006

17 septembre 2006

Benoît XVI et l’islam, 1 : le discours qui a provoqué l’incendie

Manifestants protestant contre les propos du Pape

Introduction :
D’abord, partir du vrai dossier « à charge » instruit contre le Pape. Ses déclarations mardi dernier 12 septembre devant l’université de Ratisbonne, dans son Allemagne natale, ont propagé une tempête de protestation furieuse dans le monde musulman, dont on ne sait pas - comme pour l’affaire des caricatures de Mahomet au début de l’année - quelle est la part de l’indignation sincère et de la manipulation des islamistes. Je suis donc partie de la source la plus officielle qui soit (l’agence de presse catholique « Zenit ») pour chercher le discours considéré comme une offense : on trouvera le texte complet des déclarations de Benoît XVI sur ce lien. Ci-dessous, la partie la plus polémique.
J.C
« Tout cela me revint en mémoire récemment à la lecture de l'édition publiée par le professeur Theodore Khoury (Münster) d'une partie du dialogue que le docte empereur byzantin Manuel II Paléologue, peut-être au cours de ses quartiers d'hiver en 1391 à Ankara, entretint avec un Persan cultivé sur le christianisme et l'islam et sur la vérité de chacun d'eux. L'on présume que l'Empereur lui-même annota ce dialogue au cours du siège de Constantinople entre 1394 et 1402; ainsi s'explique le fait que ses raisonnements soient rapportés de manière beaucoup plus détaillées que ceux de son interlocuteur persan. Le dialogue porte sur toute l'étendue de la dimension des structures de la foi contenues dans la Bible et dans le Coran et s'arrête notamment sur l'image de Dieu et de l'homme, mais nécessairement aussi toujours à nouveau sur la relation entre - comme on le disait - les trois « Lois » ou trois « ordres de vie »: l'Ancien Testament - le Nouveau Testament - le Coran. Je n'entends pas parler à présent de cela dans cette leçon ; je voudrais seulement aborder un argument - assez marginal dans la structure de l'ensemble du dialogue - qui, dans le contexte du thème « foi et raison », m'a fasciné et servira de point de départ à mes réflexions sur ce thème.
Dans le septième entretien (dialexis -controverse) édité par le professeur Khoury, l'empereur aborde le thème du djihad, de la guerre sainte. Assurément l'empereur savait que dans la sourate 2, 256 on peut lire: « Nulle contrainte en religion ! ». C'est l'une des sourates de la période initiale, disent les spécialistes, lorsque Mahomet lui-même n'avait encore aucun pouvoir et était menacé. Mais naturellement l'empereur connaissait aussi les dispositions, développées par la suite et fixées dans le Coran, à propos de la guerre sainte. Sans s'arrêter sur les détails, tels que la différence de traitement entre ceux qui possèdent le « Livre » et les « incrédules », l'empereur, avec une rudesse assez surprenante qui nous étonne, s'adresse à son interlocuteur simplement avec la question centrale sur la relation entre religion et violence en général, en disant: « Montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau, et tu y trouveras seulement des choses mauvaises et inhumaines, comme son mandat de diffuser par l'épée la foi qu'il prêchait ». L'empereur, après s'être prononcé de manière si peu amène, explique ensuite minutieusement les raisons pour lesquelles la diffusion de la foi à travers la violence est une chose déraisonnable. La violence est en opposition avec la nature de Dieu et la nature de l'âme. « Dieu n'apprécie pas le sang - dit-il -, ne pas agir selon la raison, "sun logô", est contraire à la nature de Dieu. La foi est le fruit de l'âme, non du corps. Celui, par conséquent, qui veut conduire quelqu'un à la foi a besoin de la capacité de bien parler et de raisonner correctement, et non de la violence et de la menace... Pour convaincre une âme raisonnable, il n'est pas besoin de disposer ni de son bras, ni d'instrument pour frapper ni de quelque autre moyen que ce soit avec lequel on pourrait menacer une personne de mort ... ».
L'affirmation décisive dans cette argumentation contre la conversion au moyen de la violence est : ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu. L’éditeur Théodore Khoury commente : pour l'empereur, un Byzantin qui a grandi dans la philosophie grecque, cette affirmation est évidente. Pour la doctrine musulmane, en revanche, Dieu est absolument transcendant. Sa volonté n'est liée à aucune de nos catégories, fût-ce celle du raisonnable. Dans ce contexte, Khoury cite une oeuvre du célèbre islamologue français R. Arnaldez, qui explique que Ibn Hazn va jusqu'à déclarer que Dieu ne serait pas même lié par sa propre parole et que rien ne l'obligerait à nous révéler la vérité. Si cela était sa volonté, l'homme devrait même pratiquer l'idolâtrie. »

Le passage que j’ai souligné résume le fond du message papal, du moins tel que je l’ai compris : la foi doit procéder de la raison, et non de la contrainte physique. Benoît XVI cite d’ailleurs (assez habilement) la Sourate du Coran qui dit « Nulle contrainte en religion ». Autrement dit, on peut lire entre les lignes son discours comme la dénonciation des tendances violentes qui s’expriment actuellement dans le monde musulman (ce que l’on pourrait appeler « l’islam politique ») : la perte de toute rationalité, l’absence totale de scrupules pour imposer sa volonté par la force y compris par le terrorisme, le refus de toute posture d’égalité avec « l’autre », et la référence récurrente au « djihad », la guerre sainte. L’Église Catholique s’est elle-même montrée coupable il y a plusieurs siècles - et pendant longtemps - de la même violence (singulièrement vis-à-vis du peuple juif). Le Pape aurait sans doutes du le rappeler aussi, pour se placer moralement dans une posture plus forte en dénonçant « la boutique concurrente ». Mais ce n’est pas une raison, non plus, pour ne pas reconnaître le chemin parcouru par la chrétienté - et ne pas espérer que l’islam connaisse le plus rapidement possible la même évolution.

Cette nouvelle tempête provoque aussi sur la toile de furieuses interventions des internautes. Je vous invite à parcourir les réactions associées à un article du journal "Libération" en date du 16 septembre : vous y trouverez à la fois l’exaspération de certains face à la compréhension toujours réclamée pour « l’hypersensibilité » des Musulmans, la haine antireligieuse de beaucoup qui mettent tout le monde dans le même sac ... et des messages de haute volée comme celui-là : « il ne manque que le Pape pour déclarer les croisades : les chares sont là (afganistan,irak,liban qatar,l'arbie),les soldats aussi il ne manque que sa benidiction ». Sic, faute d'orthographe comprises !

Nota ajouté le 19/09/06 :
Vous avez été très nombreux à venir lire cet article, et je remercie les visiteurs passés et à venir ! Il ne s’agissait que de la première pièce du dossier ouvert sur le blog pour cette affaire, et il serait dommage de ne pas lire les « posts » suivants. Voici donc les liens pour les découvrir.

1. La réaction du Rabbin Gabriel Farhi sur Judaïques FM
2. Foi et raison
3. Un vieux contentieux ?

Et si vous souhaitez en découvrir plus sur ce blog et sur l’émission de radio qui sont consacrés au monde musulman ... cliquer sur le titre ou sur le lien « home » en bas à gauche.

J.C

"Maghreb, la démocratie impossible ?" : écoutez Pierre Vermeren sur le Web


Vous avez pu entendre dimanche dernier 10 septembre la première des deux émissions enregistrées avec l'historien Pierre Vermeren. Voici la seconde, diffusée le 31 octobre 2004, où nous avons abordé le cœur de son ouvrage : la démocratie est-elle vraiment impossible au Maghreb ? Pourquoi le Maroc, l'Algérie et la Tunisie, ces anciennes colonies à quelques heures d'avion seulement de l'Europe, ne sont-elles pas encore devenues des terres de pleine liberté, et ce après quasiment un demi-siècle d'indépendance ? Pourquoi ces diverses expérimentations économiques, abandonnées l'une après l'autre, et qui ont fragmenté les sociétés entre "nouveaux colons" et le reste de la population, souvent misérable (à l'exception de la Tunisie, où une forte croissance économique a permis la constitution d'une large classe moyenne) ? Comment expliquer la montée des partis islamistes depuis les années 80, et comment la gérer ? Une discussion passionnante, que je vous laisse découvrir.
Vous pouvez écouter le podcast en appuyant sur play ou en le téléchargeant ici 

J.C

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16 septembre 2006

Blog en hausse !

Quelques chiffres pour faire un point sur « l’audimat » du blog, qui finalement va bien au-delà d’un simple support de mon émission à la radio ... et me réclame de ce fait pas mal de boulot !


Tout d’abord, la fréquentation se confirme, et s’amplifie : nouveau record pour le mois d’août, avec 2.319 visites et 3.617 pages ouvertes. Il est vrai aussi que la guerre du Liban ne s’est achevée que le 14, et que en temps de crise les sites parlant d’Israël et/ou du Monde musulman ont plus d’audience. Il en a été de même (à une puissance de dix près), pour les sites « desinfos.com » et « politique arabe de la France » qui mettent ce blog en lien, permanent pour le premier, au fil des articles publiés pour le second. C’est donc (en moyenne glissante) plus de 70 visiteurs et environ 100 pages ouvertes qui sont enregistrés chaque jour sur le blog ; et l’objectif d’une fréquentation à trois chiffres, marque des « blogs faiseurs d’opinion » devient, enfin, réaliste.

Ensuite, le blog est maintenant référencé sur un site prestigieux, « wikipedia » (adresse : http://fr.wikipedia.org/wiki/Accueil), la fameuse « encyclopédie libre en ligne ». Sans avoir cherché à y figurer, et simplement parce qu’un article a été remarqué ! Mon « post » sur la résolution 1701 du Conseil de Sécurité de l’ONU est mis en référence du chapitre « conflit israélo-libanais de 2006 », dans la rubrique « point de vue de la majorité de la communauté juive, israélienne ou internationale » ; il est vrai que, se voulant neutre et équilibrée, « Wikipédia » publie en parallèle des liens sur des blogs et sites violemment anti-israéliens. En tout cas, cette référence m’a valu plusieurs visiteurs nouveaux.

Comment se classe « rencontrejudaiquesfm » dans la jungle des blogs, où apparaissent des nouvelles adresses à chaque minute (on ne sait plus en fait combien il y a de ces « journaux personnels » sur la Toile, les estimations variant entre 50 et 70 millions) ? Le moteur de recherche technorati (voir l’icône en colonne de droite) apporte un début de réponse. D'après la page en lien, l’adresse est classée très honorablement (423.128 le 16 septembre) sur des dizaines de millions d’adresses, par le nombre (20) de liens récents sur d’autres blogs ... J’ai même découvert, en allant vérifier ces liens, certains de mes « posts » reproduits tels que sur d’autres blogs ! Ainsi fonctionne le monde du Web, sauvage et mal réglementé : est-il besoin de préciser que je n’assume mes responsabilités que par rapport au blog « rencontrejudaiquesfm », pour les articles personnels, sollicités ou reproduits ? La copie ailleurs, ou les liens (permanents ou ponctuels) sur d’autres adresses ne valent pas - toujours - approbation de tout ce que l’on peut y trouver.

Cette notoriété, en terme de fréquentation, a entrainé un effet "boule de neige" : plus une adresse a fait l'objet d'un "hit" pour une recherche donnée, et mieux cette adresse va être placée lorsque l'on fait une recherche sur la Toile. Quelques exemples de classement du blog en numéro un, pour des recherches sur Google à la date du 10 septembre (relevés grâce au "mouchard" sitemeter) : pour "évènements de Bizerte 1961", premier sur 931 réponses ; pour "Kamel Joumblat" (nota : le père de Walid), premier sur 490 ; pour "clip habibi sawah", premier sur 987. On remarquera au passage deux idées simples : d'abord, l'éclectisme des visiteurs qui aboutissent sur cette adresse ; ensuite, le fait que la diversité des sujets traités est toujours payante en terme de notoriété ... avis aux sites juifs strictement communautaires !

Enfin, la fréquentation est toujours plus « internationale » (la France représentant moins des deux tiers des « hits »), voir les petits drapeaux de la colonne « neocounter » qui ne cesse de s’allonger. Elle indique maintenant 106 « countries », mais il ne s’agit pas vraiment de « pays » sinon - les plus anciens lecteurs connaissent mes petites faiblesses - j’aurais déjà fêté le centième. Sont donc considérés comme « pays » par ce logiciel prêt à accorder rapidement l’indépendance partout, la Réunion, la Polynésie Française et Hong Kong ! Je reviendrai donc, plus en détail, sur ce que peuvent apprendre ces statistiques - lorsque nous pourrons vraiment souffler les cent bougies.

J.C

14 septembre 2006

Humour de Mollahs

Dessin de Cabu, journal "Charlie Hebdo" (23 août 2006)

Merci, Cabu, pour ce dessin évoquant l'obscène exposition de caricatures sur la Shoah organisée à Téhéran. Merci, aussi et surtout, au Directeur de la revue satirique, Philippe Val, pour y avoir consacré un éditorial entier. Car on semble ici, en France, prêt à nouveau à toutes les compromissions avec les "nazislamistes" qui roulent la communauté internationale dans la farine à propos du nucléaire. Après l'éloge du "rôle stabilisateur de l'Iran" par Douste Blazy en pleine guerre du Liban, après les propos cauteleux de Chirac sur le "divorce Occident-Islam qu'il faut à tout prix éviter", on doit se rabattre sur la modeste équipe de "Charlie Hebdo" - et sur quelques personnalités courageuses comme François Léotard (lire sur le blog) - pour appeler un chat un chat, et les dirigeants iraniens des ordures !

Oui, il se passe vraiment quelque chose d'extraordinaire depuis l'élection d'Ahmadinejad à la tête de la République Islamique : non pas la promotion interne du négationnisme qui a toujours existé en Iran depuis Khomeini ( voir sur le blog l'article du 10 décembre 2005 ) ; mais sa mise en avant, comme bannière rassemblant tous les antisémites de la Planète, à commencer par ceux qui ont été formatés par des décennies de propagande dans le monde musulman ! Mais au delà du négationnisme, au delà des appels à la destruction d'Israël - et Philippe Val le souligne fort bien dans son éditorial - il y a une déclaration de guerre contre tout ce qui fait la valeur de nos sociétés démocratiques. Dès lors et très logiquement, l'horrible président iranien a pu écrire à la chancelière allemande Angela Merkel une lettre qui nous parait ahurissante, mais qui est parfaitement cohérente avec ce que doivent lui dicter ses pauvre neurones qui se battent en duel derrière son sourire simiesque ... il presse donc l'Allemagne de se révolter contre le sort injuste qui lui a été fait pendant et après la Seconde Guerre Mondiale ... autrement dit, c'est bien dommage que Hitler n'ait pas gagné ... CQFD ! Ci-dessous un extrait de la dépêche AFP du 28 août qui en parle.

"Je ne veux pas examiner l'holocauste", déclare M. Ahmadinejad, qui avait par le passé qualifié ce dernier de "mythe".
"Mais ce n'est pas très logique que certains pays vainqueurs de la Seconde guerre mondiale créent un prétexte pour maintenir un peuple dans un embarras permanent et pour y affaiblir toute motivation, tout mouvement et toute vivacité et empêcher son progrès et sa grandeur", écrit le président ultraconservateur.
La chancelière allemande avait indiqué refuser de répondre à la lettre de M. Ahmadinejad, qui lui avait été remise le 19 juillet.
Les critiques visant Israël contenues dans cette lettre sont "complètement inacceptables", avait déclaré Mme Merkel. "L'existence d'Israël appartient pour nous à la raison d'Etat", avait-elle expliqué, soulignant que ce fait était "constamment remis en question" par M. Ahmadinejad.
Dans son courrier, le président iranien juge qu'"en plus des Allemands, les peuples du Proche-Orient et l'humanité toute entière souffrent de l'instrumentalisation de l'holocauste".
En offrant d'installer ses survivants « en Palestine », les pays vainqueurs de la Seconde guerre mondiale "ont créé une menace permanente dans la région pour empêcher les progrès des peuples du Proche-Orient", poursuit-il.
Reprenant une thèse qu'il avait déjà exposée par le passé, il juge que ces pays et en particulier la Grande-Bretagne auraient dû accueillir les "survivants de l'holocauste sur leur propre sol s'ils se sentaient responsables".
"Mais au lieu de cela, ils ont encouragé les juifs du monde entier à émigrer vers les territoires occupés (palestiniens)", dit-il. (...)
"Durant la seconde guerre mondiale, il y a eu une telle propagande que certains ont cru qu'ils étaient coupables historiquement et doivent payer jusqu'à l'éternité pour les fautes commises par leurs pères", écrit encore le président iranien, dans une référence directe à l'Allemagne.
Il dénonce ensuite "l'influence des sionistes dans l'économie, les médias, et les centres du pouvoir, qui met en danger les intérêts des peuples européens".

J.C

12 septembre 2006

Peretz pris au piège ?


Amir Peretz, Ministre de la Defense
et leader du Parti Travailliste

Introduction :
La classe politique israélienne est plongée dans une nouvelle crise, qui a débuté juste après la deuxième guerre du Liban. Reprenant sa collaboration avec le blog, Isabelle--Yaël Rose m'envoie depuis Jérusalem cet article un peu féroce, où elle dissèque les manœuvres, arrières pensées et calculs des principaux dirigeants politiques du pays, avec à la clé le sort de celui qui semble le plus fragile, Amir Peretz. Comme quoi, Jérusalem et Florence n'ont pas seulement en commun d'être des villes-monuments à la splendeur historique ... le qualificatif de "florentin", utilisé il y a bien longtemps pour surnommer un futur Président français, ce surnom si évocateur de chausses-trappes et complots de spadassins, semble malheureusement aussi bien à propos pour la politique israélienne !
J.C

Israël est une démocratie où pas un jour ne se passe sans une nouvelle annonce, déclaration, rumeur politique qui nous promet à chaque fois un cataclysme imminent. La situation « d’après-guerre » ne fait qu’exacerber une constante de la vie politique israélienne : la révolution permanente. Ainsi, de nombreuses voix se consacrent quotidiennement à la chronique de la mort annoncée du premier gouvernement Kadima : elles prophétisent l’expulsion imminente d’Amir Peretz. Et, avec sa « liquidation » politique, le départ des Travaillistes du gouvernement. Parallèlement, on parle d’une éventuelle entrée du Likoud et d’Israël Beitenou pour former une nouvelle coalition, rumeur alimentée par le silence troublant de Benjamin Netanyahou, actuel chef de l’opposition. Enfin, pour brouiller encore davantage les pistes, on a pu assister à des tentatives de rapprochement, pour ne pas dire d’entente cordiale, entre Israël Beitenou, le Likoud, et le Ihroud Léoumi. Cela ressemble à de l’hébreu, et même furieusement ...

Il est certain qu’Amir Peretz ressort très affaibli par cette guerre. L’effet pourrait s’avérer dévastateur, même s’il est encore difficile, dans l’état actuel des choses, de prévoir où s’arrêtera l’onde de choc : l’affaiblissement, voire la démission de l’actuel Ministre de la Défense, ne mettra t-elle pas en danger, et pour longtemps, la crédibilité de l’Armée, du Chef d’État-Major, du Chef du gouvernement ? Car il est une évidence : Amir Peretz ne se laissera pas tranquillement « sacrifier ». Deux indicateurs. D’une part, sa tentative d’impliquer six ans [1] de commandement militaire (Mofaz, Barak, et même Sharon) dans ce qui est exagérément présenté comme un fiasco total de l’Armée israélienne. Si Amir Peretz devait tomber sans filet de sécurité, sans doute essayerait-il d’entraîner dans sa chute et le Chef d’État Major, et Ehud Olmert. C’est pourquoi ces deux là ont impérativement besoin d’une très prochaine victoire spectaculaire (peut-être la libération de Guilad Shalit dont la presse parle de plus en plus). D’autre part, Amir Peretz a adopté une position beaucoup plus agressive par rapport aux contestataires de son propre parti : les fameux « généraux » (Matan Vilnaï, Ayalon, etc.) qui lui avaient déjà donné du fil à retordre. Le message est clair : « si je dois démissionner, vous n’aurez pas le poste de Ministre de la Défense ».

Reste à signaler une « pirouette » qui peut être nous mettra sur la piste de ce qui est amené à se produire un jour ou l’autre : un proche de Peretz, Ben Eliezer, qui bénéficie d’un passé militaire, et qui fut d’ailleurs pressenti pour le poste de Ministre de la Défense du temps où Peretz devait recevoir le portefeuille des Finances, vient d’adopter une position pour le moins surprenante. Un rappel : Olmert s’est déclaré en faveur d’une enquête gouvernementale, prenant à contre-pied les appels de plus en plus urgents - relayés par une partie de la population - pour une enquête parlementaire sur la guerre du Liban. Le lendemain de cette déclaration, Peretz a réclamé une enquête parlementaire, provoquant la colère d’Olmert, d’une partie de l’Armée et du gouvernement. Là encore, Peretz a fait la preuve, si besoin en était, qu’il ne se laisserait pas « éliminer » à si bon compte. Or, curieusement, Ben Eliezer s’est prononcé en faveur d’une enquête gouvernementale, critiquant très âprement le principe d’une enquête parlementaire ; il a aussi multiplié les signaux « amicaux » en direction de l’État-Major, d’Olmert et de l’Armée. Cela semblerait indiquer qu’il prépare en douceur son transfert au Ministère de la Défense ... Reste la grande inconnue : que faire d’Amir Peretz ? Sans doute les « dissidents » du Parti Travailliste ont-ils leur idée.

Le silence de Benjamin Netanyahou est troublant. Surtout quand on est habitué à ses sorties virulentes. Cependant, il ne faudrait pas en tirer des conclusions trop rapidement : rien n’indique clairement qu’il soit destiné à rejoindre une coalition. Tout au contraire : Bibi et Liberman semblent intéressés à rester dans l’opposition, où chacun se dispute d’ailleurs très violemment l’autorité de l’autre. Une seule réponse alors au silence tactique de Bibi : il attend. Il attend l’issue de certains événements qui détermineront à coup sûr la direction du vent politique non seulement en Israël mais dans toute la région ...

La presse juge très sévèrement les résultats de cette guerre. Peut-être peut-on voir dans cette sévérité le projet - inconscient ou manipulé ? - de casser Peretz. Il ne faudrait cependant pas prendre pour acquise la démission de Peretz : elle n’est pas dans l’intérêt d’Olmert et du gouvernement. Car finalement, un Peretz affaibli, dont la parole a perdu tout crédit, contesté à l’intérieur de son propre parti, dont chaque jour passé au poste de la Défense, parce qu’il est à contre-emploi au regard des attentes de son électorat et ne convient pas à l’homme, mine un peu plus une autorité déjà défaillante en même temps qu’elle fait grandir le désordre et la contestation au sein de la gauche, est sans doute un avantage : elle sabote l’avenir politique de l’homme et le désigne comme responsable de toutes les défaillances. Peretz à la Défense, c’est un homme voire un parti tout entier qui se présentera cassé aux élections ... Certes, il y a des successeurs à Peretz. Sans doute même trop.

Jérusalem, le 9 Septembre 2006.
Isabelle - Yael Rose

[1] Retrait du Liban des forces militaires israéliennes.

10 septembre 2006

« Maghreb, une histoire revisitée » : écoutez Pierre Vermeren sur le Web

Pierre Vermeren est un jeune et brillant orientaliste, dont j'avais fait la présentation sur le blog, dans un des premiers articles. On trouvera sur le lien :
- son curriculum vitae ;
- les références de son livre, "Maghreb, la démocratie impossible ?" qui avait servi de trame à deux émissions il y a maintenant près de deux ans.

Je dois dire que cet ouvrage m’a beaucoup impressionné par la richesse de ses informations, la clarté de ses analyses et l’originalité de sa pensée, que j’avais déjà devinées en lisant deux tribunes libres de l’auteur publiées dans le journal « Libération ». Pierre Vermeren a vécu dans les contrées qu’il évoque, il utilise les outils de l’historien pour nous aider à comprendre les mentalités collectives, et il a ré écrit une histoire émouvante parce que c’est celle des peuples et non celle des puissants.

La première émission, diffusée le 17 octobre 2004, traite de l’histoire des trois pays du Maghreb, de l’Antiquité au début de la vague intégriste dans les années 80. Le prochain podcast, qui sera mis en ligne dans une semaine, donnera l’intégrale de la deuxième émission diffusée le 31 octobre 2004
Vous pouvez écoutez le podcast en appuyant sur le bouton play ou en le téléchargeant ici

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J.C

09 septembre 2006

proche-orient.info : fermeture définitive le 1er octobre



Elisabeth Schemla et Nicole Leibowitz l’ont annoncé mercredi soir aux abonnés, et l’information défile maintenant en bandeau sur leur site, avec la déprimante régularité d’un métronome sur fond d’une musique qui s’éteint : l’aventure de « proche-orient.info » va se terminer, cette fois pour de bon, le 1er octobre prochain. Triste nouvelle pour la presse en général - qui va mal, sous toutes ses formes sauf les gratuits, ce que ne pouvait être ce media en ligne. Triste nouvelle pour ceux qui étaient attachés à cette voix originale et non communautaire, tout en étant proche de la gauche israélienne.

A propos de cette crise générale de la presse qui fragilise tous les titres, vous pourrez lire ou relire l’article "c'est peut-être la fin d'un monde" publié le 9 juillet dernier, reprenant un texte terriblement lucide d’Elisabeth Lévy, ex-productrice à France Culture. A propos de « proche-orient.info », il n’y a pas grand-chose à ajouter à ce que j’écrivais le 3 juillet 2005, apprenant la première (fausse) disparition du journal l’année dernière. En fouillant un peu dans les archives du blog, vous revivrez aussi les espoirs de reprise du titre le 4 septembre suivant, alors que les deux directrices « ramaient » pour réunir les 3000 promesses d’abonnement indispensables pour repartir. Puis l’info diffusée le 27 novembre à propos des manœuvres à l’intérieur de la Communauté juive, pour discréditer le journal qui allait renaître de ses cendres ... Une fois de plus, c’est le pluralisme qui va y laisser des plumes.

Tout cela laisse un goût bien amer, tout comme le mot de la fin que je laisse aux deux responsables du titre :
« C’est un coup dur, très dur. Nous le ressentons ainsi plus encore pour vous que pour nous. Votre soutien, votre confiance, nous avons voulu à chaque instant et en tous points en être dignes, parfois en commettant des erreurs mais toujours avec honnêteté. Vous devez nous croire quand nous vous disons que vous avez été formidables. Ce ne sont pas là ronds de jambes de circonstance. Cette équipe extraordinaire de journalistes, qui a travaillé si durement pour vous apporter une information libre, tient à vous rendre hommage. Chacun va continuer son chemin. Merci de nous avoir accompagnés. »

J.C

07 septembre 2006

Lettre ouverte de François Léotard au Président Ahmadinejad

François Léotard
(photo tirée du site de Tina merandon )

Introduction :
C’était dans le journal « Le Figaro » du 5 septembre. Un pleine page, découverte alors que, par hasard, je l’avais acheté ce matin-là. Une page publiée grâce au CRIF (qui malheureusement n’a pas mis en ligne la version intégrale sur son site), où sous une écriture impeccable la colère froide le dispute à la détermination. Il y a des jours où on a le spleen, et où on n’en peut plus de ces articles complaisants ou défaitistes, qui nous disent - en sourdine - qu’il faut « faire avec » les néo-nazis de Téhéran et avec leur chef, le nabot hystérique qui nie la Shoah et en promet une autre à Israël. Il y a des étés d’avant élection présidentielle où on ne sait plus s’il faut rire ou pleurer en voyant Jack Lang se prendre pour un grand diplomate au pays des Ayatollahs, et Douste Blazy dire que l'Iran est "un élément stabilisateur du Moyen-Orient". Il fallait un ancien ministre pour rendre encore plus pathétiques leurs gesticulations ; un ancien espoir de la politique française, qui a renoncé à toutes les illusions et toutes les faiblesses du pouvoir ; et qui montre - avec quelle maestria ! - que lorsqu’il n’y a plus rien à perdre on est sûr de conserver son âme.
Lisez ce texte, diffusez-le à des amis, partout. Mon Dieu, comme cela fait du bien d’appeler des salauds par leur nom ... et de leur dire qu’ils ne nous font pas peur !
J.C

Monsieur le Président,

Franchement, en commençant cette lettre, je n’avais pas envie de vous appeler de cette manière.
Ce titre implique en effet un minimum de respect.

Je le fais néanmoins parce que c’est vous qui vous exprimez au nom des Iraniens. Sur les photos, je vous vois devant des foules, des visages, des mains levées.

Sans doutes peut-on y deviner une forme d’enthousiasme, en tout cas d’adhésion.

Nous avons, en Europe, connu ces foules. C’était un mauvais moment pour nous. Une période tragique dont nous continuons à porter la honte et l’angoisse.

L’un des peuples les plus cultivés du monde, un peuple qui avait élevé à un haut degré la philosophie, la musique, la poésie, la science, un peuple qui avait étonné ses voisins par son rayonnement avait sombré dans la haine, la folie raciale, l’ignominie.

Des dizaines de millions d’individus ont subi dans leur chair, leur culture, leur dignité, cette étrange barbarie qui se voulait un ordre nouveau. Ce furent d’abord les propres ressortissants de cet État, des Allemands, puis peu à peu les autres, tous les autres ...

On appela cette folie une guerre mondiale.

Mais ce fut surtout une guerre contre tout ce qu’il y avait d’humain en nous. Les livres furent brûlés, les enfants déportés et assassinés, les intelligences brisées.

Tout ce qui faisait l’honneur de l’homme fut piétiné. Et puis ...

Et puis j’en viens à vous : une partie de l’espèce humaine, le peuple juif, fut destiné à l’enfer. Oh je vous le concède, une petite partie.

C’étaient des hommes et des femmes qui avaient porté, très longtemps et très loin leur foi, leurs questions sur le monde, sur Dieu, sur la nécessité de vivre ou de souffrir, sur le bonheur d’aimer. Généralement, ils fréquentaient les livres. Ils réfléchissaient beaucoup, ils ne comprenaient pas pourquoi on ne les aimait pas, pourquoi on les appelait des « sous-hommes », des Untermensch, pourquoi on les considérait comme des insectes ... Ils furent pourchassés dans toute l’Europe, pendus, fusillés, brûlés ...

Vous savez parfaitement tout cela, mais je l’évoque devant vous pour trois raisons au moins :

- La première, c’est que nous (je dis « nous », c’est une façon de parler) n’accepterons pas que ça recommence. Je ne suis pas juif, mais les Juifs sont, comme les Perses, mes frères en humanité.
- La seconde, c’est qu’ils ont le droit, comme vous, comme moi, d’avoir une patrie. Que ce soit la France ou Israël ne change rien à l’affaire.
- La troisième raison ne vous plaira pas. Mais tant pis : ce qu’ils apportent au monde (et probablement c’est ce que vous voulez « rayer de la carte »), c’est une conception de l’homme et de son destin qui a enrichi plusieurs siècles de civilisation, et qui fait honneur au peuple juif comme à l’État d’Israël.

Monsieur le Président, vous avez le droit d’être nationaliste. Vous avez le droit d’être fier de l’histoire du peuple persan. Vous avez le droit d’être croyant et de prier le Dieu « clément et miséricordieux » comme il est dit au début de chaque sourate du Coran.

Vous pensez avoir le droit de voiler les femmes, de torturer les opposants, d’emprisonner les journalistes qui vous contredisent, de condamner à mort des enfants mineurs, de persécuter vos minorités.

Mais vous n’avez pas le droit de porter sur Israël le regard trouble, imbécile et haineux qui accompagne vos discours. Car il semble que vous haïssez dans cet État la libre parole, la diversité des partis, le rôle de l’opposition, l’indépendance de la justice, la recherche universitaire et sans doute aussi ... le courage.

C'est-à-dire tout ce que nous sommes en droit d’admirer.

Les hommes qui ont organisé la réunion de Wannsee où fut décrété l’anéantissement des Juifs d’Europe sont tous morts aujourd’hui. Naturellement, comme chacun d’entre nous, vous suivrez ce destin.

Je souhaite seulement que pour vous-même, pour le peuple perse, pour les jeunes enfants d’Iran ou d’Israël, il ne vienne à personne l’envie d’aller cracher sur votre tombe.

François Léotard
"Le Figaro", 5 septembre 2006